La cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption, à Moncton, était pleine samedi matin alors que des centaines de personnes s’y étaient rassemblées pour dire au revoir à Antonine Maillet, décédée en février à l’âge de 95 ans.
Plusieurs dignitaires et membres de la communauté artistique acadienne étaient sur place aujourd’hui pour rendre hommage à ce monument de la littérature canadienne.
Pendant l’émission spéciale diffusée avant les funérailles, Marie-Linda Lord, une spécialiste de l’œuvre d’Antonine Maillet, a rappelé que c’est l’universalité des écrits de cette romancière acadienne qui l’a fait résonner partout dans le monde.

Elle a parlé du local. Si on pense à La Sagouine, elle a parlé des gens d’en haut et des gens d’en bas. Ça existe partout, des gens qui sont marginalisés, des gens qui font partie des minorités. Elle parlait pour ces gens-là
, analyse-t-elle.

Rencontré avant le début des funérailles, le chanteur louisianais Zachary Richard a dit assister à ces funérailles pour rendre hommage à son amie, qui a aussi été une mentore pour lui.
C’était un grand sapin qui est tombé dans la forêt acadienne, alors je ne pouvais pas ne pas être là
, a déclaré le chanteur louisianais avant les obsèques. C’était un esprit tellement vif, une grande auteure, une dame pleine de chaleur et d’humour.
La comédienne Denise Bouchard, qui a interprété Mariaagélas pendant 26 ans au Pays de la Sagouine, tenait aussi à rendre hommage à la plus célèbre des romancières et des dramaturges acadiennes.
Elle était généreuse, pédagogue et bienveillante envers nous
, a-t-elle dit d’Antonine Maillet, qui aura été pour elle une mentore tout au long de sa carrière. Elle a beaucoup déteint sur moi. Elle m’a donné l’amour des mots, des vieux mots. Je ne suis pas Antonine Maillet, mais ça m’a inspirée, ça m’a inspirée au cinéma et en tant que réalisatrice, parce qu’elle m’a encadrée.
Ancien metteur en scène du Pays de la Sagouine, Guillermo Di Andrea est venu de l’Argentine pour assister aux obsèques.
Je lui ai parlé une semaine avant qu’elle parte et elle m’a dit : « J’espère être là quand tu vas revenir. » Alors je suis là dans d’autres circonstances
, a-t-il dit avec regret.

C’était une grande artiste […]
, a-t-il dit. C’était comme un rayon de soleil. Le personnage public était une force, alors que le personnage privé, c’était une tendresse énorme. Je viens rendre hommage à mon amie, Tonine, et à la grande Acadienne.

La première ministre du Nouveau-Brunswick, Susan Holt, est une des nombreuses personnalités politiques qui ont assisté à la cérémonie de samedi matin afin de rendre hommage à ce pilier de la littérature canadienne.
Mme Antonine Maillet a fait rayonner le Nouveau-Brunswick autour du monde. Elle a donné un cadeau de son œuvre à notre province, c’est quelqu’un que l’on doit célébrer
, a-t-elle dit sur le parvis de la cathédrale.
Une cérémonie religieuse et un spectacle pour célébrer l’œuvre de Tonine
Les funérailles ont été célébrées par l’archevêque de Moncton, Mgr Guy Desrochers. Le sénateur et homme de théâtre René Cormier a agi en tant que maître des cérémonies.

M. Cormier, un homme de théâtre, a indiqué que plusieurs personnes se sont demandé comment rendre hommage à celle qui en a tant reçu
.
Quelles tournures de phrases utiliser, quelles métaphores employer, quels mots seraient les plus appropriés pour témoigner notre gratitude à celle qui maîtrisait la langue française avec tant de précision et qui s’adressait à ses auditoires comme la plus passionnée et la plus passionnante des conteuses? J’en suis personnellement venu à la conclusion que ses mots à elle seraient sans doute les plus adéquats pour parler d’elle et de son legs.

C’est la raison pour laquelle de nombreux comédiens, chanteurs et musiciens ont participé à cette célébration de la vie d’Antonine Maillet.
Zachary Richard a interprété Aux Natchichones, une vieille chanson louisianaise qui parle de vivre en longueur
, a expliqué l’artiste.
Gabriel-Vincent Deslauriers a notamment lu un extrait de La Sagouine, une des œuvres les plus importantes de Mme Maillet, alors que la comédienne Denise Bouchard a pour sa part présenté un passage de Pélagie-la-Charrette, le roman qui lui a permis de remporter le prix Goncourt en 1979.

Pendant la cérémonie, la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, Louise Imbeault, a dit avoir été non seulement attristée en apprenant le décès d’Antonine Maillet le 17 février mais surtout envahie par un grand sentiment de gratitude envers celle qui nous a tant donné, reconnaissance aussi pour une longue vie remplie à ras bord, tant par son travail que par sa joie de vivre et son sens de l’humour
.

Dans un message vidéo, la chanteuse acadienne Édith Butler a pour sa part voulu rappeler les talents de pédagogue d’Antonine Maillet avant qu’elle devienne une romancière et dramaturge célèbre.
Moi, j’ai connu Antonine, j’avais 18 ans, au collège Notre-Dame d’Acadie, qui était dirigé par les sœurs du Sacré-Cœur
, a-t-elle raconté. Antonine enseignait debout, pas de papiers, pas de livres, et à parler, à racontais, à contais. On était suspendus à ses lèvres tellement c’était magnifique, ce qu’elle nous disait. Elle nous racontait notre histoire, elle nous racontait notre langue, nos us, nos coutumes, avec fougue, avec feu, avec frénésie, avec humeur.
Un des moments forts de la célébration a eu lieu lorsque la directrice du Pays de la Sagouine, Monique Poirier, a lu, à la demande de la famille d’Antonine Maillet, les derniers écrits de l’écrivaine.
Juste en parler, c’est difficile. J’ai trouvé ça bien. C’est des bons derniers souvenirs
, a dit Charles Maillet, son neveu.
Le public est invité à offrir ses condoléances en ligne dans un livre d’or ou auprès de la maison funéraire Frenette.
Les derniers écrits d’Antonine Maillet

… La vie, la vraie, reprend, mais ailleurs : celle qui ouvre de nouvelles portes.
… Le monde est si vaste et si attirant!
Et la vraie vie reprend. J’entre dans celle qui mène ailleurs… l’ailleurs inconnu.
…
Et je me pose les vraies questions. Est-ce que je retrouve ma fin de vie?… la mienne? Si oui… de quoi me plaindrais-je?
Le monde, la vie qui m’attendait n’était point un leurre mais un dû. Et à quel titre?
Me voilà bien assise dans un fauteuil à ma taille, à contempler ma propre fin de vie que j’ai dû inconsciemment laisser se glisser… entre le rêve et la réalité…
… La réalité?
M’y v’là rendue!
… Et tout a tout l’air d’aller pour le mieux.
Où avais-je la tête quand mes yeux ont vu ce que ni mes rêves les plus farfelus ou mes appétits les plus insatiables avaient construit en cachette de mon cerveau?
[…] Allons-y, découvrons les valeurs cachées, les secrets qui savent si bien se glisser dans les failles de la réserve que seule la mémoire sait protéger contre vents et marées, rêves et réalités…
[…] Laissons-les s’imposer… ou se glisser entre les failles du possible ou des impossibles.
La vie est juste en face.
LA UNE : Des centaines de personnes se sont rendues samedi matin à la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption, à Moncton, afin de dire au revoir à Antonine Maillet. Photo : Radio-Canada / Patrick Lacelle
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