Sébaste : des règles plus souples séduiront-elles de nouveaux pêcheurs?

Publicité

Articles similaires

Attention FragÎles dévoile sa nouvelle identité visuelle

Depuis son passage au statut de Conseil régional de...

Les écoles de l’Est-du-Québec devront couper 39,5 M$ de leur budget

Les centres de services scolaires du Bas-Saint-Laurent, de la...

Depuis les Îles, JF Pauzé chante l’absence de Karl Tremblay

C’est au cœur des paysages marins chers à Karl...

Les homards échoués font jaser

Ces derniers jours, des homards s'échouent sur les berges...

Ottawa a modifié les conditions de la pêche commerciale au sébaste dans le golfe du Saint-Laurent pour éviter que les captures soient aussi faibles qu’en 2024. Mais la grande question est toujours de savoir si l’assouplissement de ces règles en vue de la deuxième saison, qui s’ouvrira le 24 juin, attirera davantage de pêcheurs dans un contexte où seulement 5 % du quota a été ramené à quai l’an dernier.

À Rivière-au-Renard, où quelques pêcheurs de crevettes ont fait le pari du sébaste l’an dernier, les mesures moins restrictives accordées cette saison sont saluées par ceux rencontrés.

C’est une bonne nouvelle, dans le sens que ça va permettre de pêcher ce poisson-là de façon plus efficace et peut-être plus rapidement en diminuant les dépenses et en ciblant le poisson là où il est vraiment concentré.

Une citation de Claudio Bernatchez, directeur général de l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie
Claudio Bernatchez.Le directeur général de l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie, Claudio Bernatchez, représente des crevettiers, mais aussi des turbottiers et des pêcheurs de crabe des neiges en difficulté. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

C’est en effet l’autorisation de pêcher à de plus faibles profondeurs qui aura un impact décisif, selon le pêcheur Samuel Normand.

Pour certaines sorties, il estime qu’il n’aura à faire qu’une heure de bateau au lieu de 24 pour trouver un banc de sébastes. Il pourra ainsi revenir à quai la journée même, ce qui assurera aussi, croit-il, une meilleure qualité et un poisson plus frais pour les usines.

Ça va nous faire épargner du temps en mer parce qu’on savait que le sébaste était à de moins grandes profondeurs, donc ça va nous donner une chance de prendre nos captures plus rapidement, plus près de la côte, se réjouit le pêcheur. Ça va réduire les dépenses et aussi diminuer, je pense, les captures accidentelles en allant directement où le poisson se trouve.

Samuel Normand.Samuel Normand pêche plusieurs espèces avec des permis de homard, de crevette et de sébaste. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

En fait, l’essentiel des doléances des pêcheurs a été accordé par Pêches et Océans Canada (MPO), qui a présenté lundi son plan de pêche pour le sébaste dans le golfe du Saint-Laurent.

En réponse aux préoccupations des intervenants et aux faibles taux de capture de la saison 2024-2025, le MPO a ajusté certaines mesures de gestion, peut-on lire dans l’avis envoyé aux membres de l’industrie.

Ainsi, tous les types de pêche au chalut à panneaux seront autorisés dès le début de la saison et les observateurs en mer seront exigés essentiellement durant les périodes où les risques de prises accidentelles sont élevés, soit entre le 1er janvier et le 31 mars.

L’an dernier, les pêcheurs dénonçaient les coûts élevés de ces observateurs, dont ils devaient assumer entièrement la facture durant la majorité de la saison.

Un crevettier derrière une clôture à Rivière-au-Renard. À Rivière-au-Renard, plusieurs crevettiers sont sur les blocs et ne prendront pas la mer en 2025 en raison de la baisse draconienne des captures dans cette industrie. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

Alors que le statu quo est maintenu par rapport à l’an dernier, l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie aurait aimé qu’Ottawa aille plus loin en révisant la distribution du quota autorisé de 60 000 tonnes.

Environ 10 % de ce quota est réservé notamment aux crevettiers de l’estuaire et du golfe qui sont en difficulté. Une part de près de 15 % va quant à elle aux pêcheurs côtiers. Or, 59 % des captures autorisées sont réservées aux pêcheurs hauturiers qui ont des bateaux de plus de 100 pieds, dont certains pourraient être des bateaux-usines.

On reste avec une très grande inquiétude par rapport à ces bateaux-là parce qu’ils ont été bannis du golfe il y a 40 ans et là, soudainement, le MPO décide de les réintroduire dans le golfe du Saint-Laurent. Pour nous, c’est inquiétant, ajoute Claudio Bernatchez.

Seulement 20 pêcheurs l’an dernier

En 2024, seulement 20 pêcheurs du Québec, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador ont décidé de participer à cette nouvelle pêche au sébaste. Elle faisait un retour dans le golfe après 30 ans de moratoire.

Seulement 5 % du quota total autorisé de 60 000 tonnes a été pêché, selon les données du MPO, pour un maigre total de 3070 tonnes. Il reste donc à voir si l’assouplissement des conditions de pêche en séduira davantage pour cette deuxième saison.

Sur la vingtaine de bateaux dont on parle, il y en a plusieurs de Terre-Neuve qui sont sortis à la pêche, mais qui sont revenus très rapidement parce qu’ils étaient incapables d’en capturer, affirme Claudio Bernatchez.

La capacité limitée de transformer le sébaste demeure un défi, ajoute le pêcheur Samuel Normand, qui rappelle qu’avant le moratoire sur le poisson de fond dans les années 1990, presque chaque village de la Haute-Gaspésie avait sa propre usine.

S’ il y a plus d’usines pour le transformer, il va y avoir plus de pêcheurs, mais il va falloir aussi que les gouvernements investissent dans les usines pour augmenter la capacité de transformation. Les pêcheurs sont là, regarde, les bateaux sont tous là! Il manque juste quelqu’un pour acheter le poisson.

Une citation de Samuel Normand, pêcheur de Saint-Maxime-du-Mont-Louis
Des travailleurs d'une usine de poissons faisant des filets de sébaste.Dès septembre, l’usine Les Pêcheries Gaspésiennes aura automatisé sa chaîne de production, ce qui permettra de transformer plus de sébaste et d’affecter une partie de ses employés à la transformation d’autres espèces. Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares

Le transformateur Les Pêcheries Gaspésiennes estime quant à lui qu’il ne faut pas aller plus vite que le marché. C’est certain qu’on ne pourra pas atteindre le quota de 60 000 tonnes, croit le directeur général de l’usine, Olivier Dupuis. Le marché, ça s’annonce mieux pour 2025, mais on ne pourra pas atteindre ce quota, c’est certain.

L’usine de Rivière-au-Renard est le seul transformateur québécois qui peut offrir, de façon régulière, du sébaste aux poissonneries et aux grandes chaînes d’alimentation du Québec. Les chaînes Metro et Sobeys demeurent ses principaux clients.

On vise à acheter trois millions de livres et à en transformer un million en filets. Le reste ira en appâts et pour d’autres marchés qui achètent le sébaste entier, ajoute M. Dupuis.

Olivier Dupuis, directeur général des Pêcheries Gaspésiennes. Olivier Dupuis explique que l’usine misera aussi sur d’autres espèces que le sébaste afin de rentabiliser l’investissement de 2,5 millions de dollars pour automatiser la chaîne de production. Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares

Le Québec est pour l’instant son principal marché, dans un contexte où, dans les Maritimes, des provinces comme Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ont pu continuer de pêcher le sébaste, alors que des zones de pêche communes aux deux provinces n’étaient pas touchées par un moratoire.

Selon les pêcheurs et les transformateurs rencontrés à Rivière-au-Renard, le fait que ces usines aient déjà des marchés bien établis rend plus complexe de vendre le sébaste pêché dans le golfe du Saint-Laurent, d’autant plus qu’il est plus petit.

Selon eux, il serait plus réaliste de viser, dans ce contexte, l’objectif de doubler les captures de l’an dernier pour atteindre 6000 tonnes à la fin de cette deuxième saison dans le golfe du Saint-Laurent.

LA UNE : Du sébaste entier dans une usine de transformation de la Nouvelle-Écosse (Photo d’archives). Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares

PAR