L’état des stocks de poissons sauvages au Canada continue de se dégrader, selon l’organisme Oceana Canada. Le groupe environnemental montre du doigt la responsabilité du gouvernement fédéral dans la situation.
Selon les données du ministère des Pêches et des Océans (MPO) vérifiées par le groupe, 28 % des poissons sauvages sont considérés comme en santé, contre 36 % il y a cinq ans quand Oceana Canada a commencé à réaliser ses audits.
Vingt-huit espèces de poissons, comme la morue du nord, la crevette nordique et le maquereau de l’Atlantique, sont en danger.
Seuls six disposent d’un plan de rétablissement de l’espèce et aucun d’entre eux n’est de grande qualité
, selon l’audit publié mardi. Le groupe assure qu’ils ne répondent pas aux critères établis par la Loi sur les pêches.
Aucun n’a été publié cette année pour le moment. Le MPO a cependant l’obligation légale d’en publier treize d’ici avril prochain. Le groupe milite pour que toutes les espèces menacées disposent de plan de rétablissement rigoureux.
Une action rapide est nécessaire pour freiner le déclin de la santé de nos stocks et ramener ceux-ci vers l’abondance
, poursuivent les auteurs du rapport.
Des décisions prises dans le noir
Le commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada a récemment dénoncé dans un rapport remis à la Chambre des communes le manque de données recueillies par le MPO au sujet des prises maritimes.
Sans données fiables et opportunes sur les prises, le ministère […] est donc exposé au risque que les stocks de poissons soient surexploités
, peut-on y lire.
Dans son examen, Oceana Canada fait le même constat. Le groupe environnemental montre du doigt le fait que près de 40 % des pêches sont gérées avec des informations qui ne sont pas assez précises pour leur attribuer un état de santé, ils sont donc classés dans la catégorie incertain
. Quatre nouvelles espèces sont venues rejoindre ce groupe cette année.
Cette incertitude les rend vulnérables. Ils ne bénéficient pas des mesures les plus strictes et risquent d’être pêchés à des niveaux qui ne sont pas durables
, explique Rebecca Schijns, spécialiste des sciences de la mer et des pêches chez Oceana Canada.
La scientifique assure que, quand les informations sont partielles, il est nécessaire d’opter pour des mesures de précaution pour éviter la surpêche, mais souvent, on voit plutôt l’effet inverse
. Elle juge que les quotas de ces espèces dont l’état de santé est incertain sont fixés dans le noir
.
Dans un courriel, le MPO assure être engagé à adopter une approche prudente et durable de la pêche qui protège nos écosystèmes marins
.
Surpêche et changement climatique en cause
La situation actuelle des stocks de poissons est la conséquence d’une combinaison de facteurs, selon la chercheuse. Elle mentionne la surpêche historique – particulièrement dans l’océan Atlantique où les stocks n’ont pas pu se reconstituer correctement et sont toujours exploités – ainsi que les changements climatiques.
Oceana Canada déplore que ces derniers ne soient pas assez pris en compte dans la gestion des stocks. D’après leur audit, seuls 16,5 % des documents scientifiques et de gestion du MPO intègrent pleinement les aspects liés aux changements climatiques qui auraient un impact sur 91 % des stocks.
Cette année, les océans du monde entier ont atteint les températures moyennes les plus hautes jamais enregistrées.
Si Rebecca Schijns reconnaît que des efforts et des investissements importants ont été faits par Ottawa dans les dernières années, elle juge qu’ils n’ont pas mené à des changements significatifs sur l’eau.
Selon elle, le MPO fait preuve d’un manque de volonté politique pour mettre en place les politiques nécessaires à la protection des stocks. Elle espère que l’arrivée de la nouvelle ministre des Pêches et des Océans, Diane Lebouthillier, nommée en juillet dernier, va changer la donne.
Pêches et Océans dit qu’il va étudier les recommandations d’Oceana Canada et va continuer à travailler à l’amélioration de [sa] recherche scientifique et de la gestion des pêcheries du Canada
.
LA UNE : Oceana Canada juge que le MPO doit prendre des mesures de précaution plus importantes pour les poissons dont on ne connaît pas l’état de santé. PHOTO : JASON VAN BRUGGEN
PAR Margaux Tertre