Les défis sont nombreux dans l’industrie des pêches. Pour y faire face, y aurait-il des leçons à tirer du passé? Des chercheurs proposent d’étudier ce que le développement des coopératives de pêcheurs dans la première moitié du 20e siècle peut inspirer pour l’avenir.
Les participants à un colloque qui s’est tenu vendredi à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) sont revenus sur l’histoire de ce mouvement et plus particulièrement, sur le rôle plutôt méconnu de l’École supérieure des pêcheries de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et de son Service social économique.

L’École supérieure des pêcheries et le Service social économique ont été créés en 1938, au sein de l’École d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. PHOTO : ARCHIVES DE LA CÔTE-DU-SUD
Fondé en 1938, l’établissement, alors affilié à l’Université Laval, avait pour mission d’améliorer le sort des pêcheurs québécois. C’est devenu très rapidement une institution avec une grande ébullition intellectuelle
, affirme le directeur de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), Robert Laplante, l’un des intervenants du colloque.
Son rôle premier a d’abord été un rôle de conception, poursuit-il. On a conçu le modèle coopératif applicable aux pêches.
Des représentants du Service social économique ont ensuite parcouru le territoire, particulièrement la Gaspésie, les îles de la Madeleine et la Côte-Nord, pour présenter le projet aux communautés côtières.
Il n’y a pratiquement aucun village où il n’y a pas eu de conférences, de réunions, pour informer les habitants de ce qu’il y avait moyen de faire s’ils se donnaient la peine de s’organiser.

Une grande partie des coopératives membres de la Fédération des Pêcheurs-Unis sont de la Gaspésie. PHOTO : PRÉPARATION DU POISSON À CLORIDORME EN GASPÉSIE, 1944, BANQ QUÉBEC, FONDS MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, (03Q,E6,S7,SS1,P23521), J.M. TALBOT.
Par après, de l’accompagnement était offert aux groupes qui décidaient de former des coopératives. Les membres des coopératives et particulièrement les dirigeants de ces coopératives-là étaient invités à Sainte-Anne-de-la-Pocatière à participer à des séminaires, à des ateliers de formation
, précise Robert Laplante.
C’est dans ce contexte qu’a été créée la Fédération Pêcheurs-Unis du Québec, un regroupement de coopératives qui a poursuivi ses activités pendant plus de quatre décennies, jusqu’à sa faillite au milieu des années 1980.
Étudier le passé pour préparer l’avenir
Alors que le secteur des pêches doit aujourd’hui composer avec la diminution des stocks de certaines espèces, la dégringolade des prix au débarquement du crabe des neiges et les mesures de protection de la baleine noire, entre autres défis, les chercheurs de l’IREC considèrent que cet héritage pourrait servir d’inspiration pour l’avenir.
On a intérêt, collectivement, à revenir sur ces années-là pour voir s’il y a des leçons à en tirer qui nous aideraient à mieux faire face à ce qui s’en vient
, croit Robert Laplante.
La première leçon que nous a donnée l’expérience du Service social économique, c’est celle de la concertation et de la mobilisation
, poursuit le directeur de l’IREC. Le développement économique est l’affaire de tous.
C’est une responsabilité qui, quand elle est assumée collectivement, peut être porteuse pour toute la communauté. C’était le grand idéal que visait le Service social économique et que les coops ont tenté tant bien que mal de servir.
Le collègue de M. Laplante, le chercheur en socioéconomie des pêches et membre du collectif Mange ton Saint-Laurent, Gabriel Bourgault-Faucher, ajoute qu’il est intéressant de rappeler le rôle de l’État dans le mouvement coopératif du 20e siècle.
L’État a légiféré pour permettre l’essor de ces coopératives-là, souligne-t-il. Ensuite, il y avait les politiques publiques : des programmes, du crédit, des subventions pour la construction de différentes installations […] pour donner les moyens de leurs ambitions aux pêcheurs.

Le Service social économique de Sainte-Anne-de-la-Pocatière est allé à la rencontre des pêcheurs de la province, notamment ceux des îles de la Madeleine. PHOTO : HAVRE DE PÊCHE DE L’ÉTANG-DU-NORD, AUX ÎLES-DE-LA-MADELEINE, 1959, BANQ QUÉBEC, FONDS MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, (03Q,E6,S7,SS1,P46-58), NEUVILLE BAZIN.
Le Service social économique de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et la création des coopératives de pêcheurs et de la Fédération des Pêcheurs-Unis ont eu un apport important pour le développement des communautés côtières, mais Gabriel Bourgault-Faucher croit qu’il faut aussi se rappeler des faiblesses du mouvement.
La croissance des captures était presque la seule voie envisageable pour permettre l’essor du mouvement coopératif. La concentration des activités aussi, et la centralisation du pouvoir décisionnel. Il y a aussi des erreurs à ne pas répéter aujourd’hui
, dit le chercheur, qui précise tout de même que ces facteurs ne peuvent expliquer à eux seuls la faillite des Pêcheurs-Unis.
Aujourd’hui, la coopération n’est pas la seule voie, mais ça en est une qui est clairement porteuse pour permettre aux pêcheurs de mieux contrôler leurs activités
, conclut-il.
LA UNE : Des pêcheurs au quai de Rivière-au-Renard en 1961. PHOTO : CORDIER GASPÉSIENNE AU QUAI À RIVIÈRE-AU-RENARD, 1961, BANQ QUÉBEC, FONDS MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, (03Q,E6,S7,SS1,P2910-61H), NEUVILLE BAZIN.
PAR