Le peuple acadien, dispersé dans plusieurs provinces, n’a pas son propre État ni son propre gouvernement. Mais il peut quand même accroître et renforcer son pouvoir politique, estiment des chercheurs et des politiciens.
Cette réflexion était au cœur des États généraux qui ont eu lieu à Pointe-de-l’Église en Nouvelle-Écosse, lundi, dans le cadre du Congrès mondial acadien (CMA) 2024.
Présentement, la reconnaissance qui est proposée à l’Acadie, ce n’est pas une reconnaissance qui est au niveau de celle d’un peuple ou d’une minorité nationale
, lance d’emblée le politologue acadien Rémi Léger, de l’Université Simon Fraser en Colombie-Britannique, qui a corédigé un rapport préliminaire sur le pouvoir politique acadien au sein de la fédération canadienne.
Une « minorité nationale » en quête d’autonomie
Le rapport, commandé par des parlementaires acadiens à Ottawa, conclut que le pouvoir politique de l’Acadie est à la fois morcelé au sein de plusieurs lois, politiques et programmes
et qu’il est dispersé entre plusieurs institutions, organismes et individus
.

La sociologue Michelle Landry, le 25 février 2024 à Moncton. PHOTO : RADIO-CANADA / NICOLAS STEINBACH
Le peuple acadien n’est pas vraiment présent dans les structures fédérales
, observe Michelle Landry, sociologue à l’Université de Moncton et co-autrice du rapport. Le peuple acadien forme une minorité nationale. Une minorité qui habitait le territoire [des provinces de l’Atlantique] et qui avait une certaine autonomie avant la Confédération canadienne, et qui cherche à maintenir cette autonomie.
Les Acadiens sont tout à fait en droit d’aspirer au même traitement que reçoivent d’autres minorités nationales de la part de leurs États à elles.
Un parlement acadien pour plus de pouvoir?
Le rapport met de l’avant quelques propositions afin d’améliorer la reconnaissance du peuple acadien. Par exemple, les chercheurs avancent l’idée d’une loi fédérale pour enchâsser le droit des Acadiens à la gestion de leurs écoles, à l’accès à la justice en français, ou encore à une représentation politique effective.
Michelle Landry et Rémi Léger évoquent aussi la création d’un parlement acadien ou d’une assemblée délibérante, calquée sur le modèle de certains pays européens, dont la Belgique, où la minorité germanophone a son propre conseil culturel qui dispose à la fois d’un pouvoir consultatif et réglementaire.

Rémi Léger, professeur associé en sciences politiques à l’Université Simon Fraser. PHOTO : COURTOISE RÉMI LÉGER
Cette avenue, écrivent-ils, permettrait au peuple acadien d’exercer un pouvoir dans des domaines névralgiques et de décider par lui-même de la meilleure manière d’assurer son avenir
.
Il ne s’agit pas nécessairement de transférer des pouvoirs [du gouvernement] aux structures acadiennes, mais aussi de s’assurer que les Acadiens ont des sièges [là où se prennent les décisions]
, précise Rémi Léger en entrevue avec Radio-Canada.
Les députés planchent sur un caucus acadien transpartisan
La présentation du rapport sur le pouvoir acadien a suscité de nombreuses réactions, lundi, lors d’une table ronde sur le sujet animée par les sénateurs acadiens Réjean Aucoin et René Cormier. Parmi la centaine de participants réunis à l’Université Saint-Anne pour l’occasion, plusieurs ont appelé à une plus grande prise de pouvoir pour les Acadiens.

Les états généraux de la Société nationale de l’Acadie au Congrès mondial acadien se penchaient sur le pouvoir politique des Acadiens à Ottawa et les pistes de solution pour l’accroître. PHOTO : RADIO-CANADA / ADRIEN BLANC
À Ottawa, les députés acadiens des Maritimes discutent sérieusement de la création d’un caucus non partisan pour faire avancer les dossiers de la minorité francophone.
Le député libéral néo-écossais Darrell Samson dit que les États généraux au CMA nourrissent sa réflexion. Mais il ne s’engage pas davantage pour l’instant. [Au sein de] notre caucus qu’on va formaliser bientôt, on n’est pas en train de dire qu’on va faire [adopter] demain matin une loi ou une motion. Mais ce sont des pistes intéressantes.

Le député libéral néo-écossais Darrell Samson souhaite la création d’un caucus à Ottawa pour faire avancer les dossiers des francophones minoritaires. PHOTO : RADIO-CANADA/STÉFAN THÉRIAULT
Chris d’Entremont, député conservateur du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, croit lui aussi que ces discussions sont un bon point de départ pour améliorer la représentation du peuple acadien. Il s’agit, selon lui, d’un enjeu dépourvu de partisanerie politique.
Le rôle des gouvernements provinciaux
Le rapport préliminaire de Michelle Landry et Rémi Léger se penche seulement sur le pouvoir acadien au niveau fédéral. Mais les deux chercheurs reconnaissent qu’il faudra aussi, tôt ou tard, obtenir l’appui des provinces pour accroître le rapport de force de la minorité.
C’est sûr qu’on fonctionne dans un cadre fédéral dans lequel le rôle des provinces est défini par la Constitution depuis 1867. En gros, on suggère que les Acadiens soient invités à la table et qu’on repense le partage des pouvoirs
, résume Rémi Léger.
Ça ne va pas se faire demain matin. Ça ne va pas se faire la semaine prochaine. Mais c’est une discussion qu’il faut avoir sur le moyen et long terme pour permettre aux Acadiens de prendre certaines décisions par eux-mêmes.
Les chercheurs reçoivent les commentaires du public jusqu’au 30 septembre. Ils vont ensuite rédiger leur rapport final.
LA UNE: Selon un rapport, le pouvoir politique de l’Acadie à Ottawa est « morcelé » et « dispersé ». PHOTO : GETTY IMAGES
PAR vec des renseignements d’Adrien Blanc et Héloïse Rodriguez-Qizilbash