La petite taille du poisson et l’absence d’équipements de transformation automatisés représentent des enjeux à la commercialisation du sébaste. Cette reprise lente de la pêche permet néanmoins aux transformateurs de respecter leur capacité de production et de rebâtir leur marché.
La reprise de la pêche commerciale au poisson rouge dans l’unité 1 du golfe du Saint-Laurent, après 30 ans de moratoire, ne se fait pas sans défi. En Gaspésie, trois usines transforment le sébaste, dont Les Pêcheries Gaspésiennes dans le secteur Rivière-au-Renard, à Gaspé.
Cette première saison de pêche commerciale permet au transformateur de roder la transformation du sébaste.

On aperçoit ici le filetage d’un sébaste, une opération qui permet de récupérer le plus de chair possible. Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares
Ses 70 employés coupent les filets de sébaste à la main, et ce, à raison de jusqu’à 70 000 livres par semaine depuis le début du mois de juillet.
Oui, on est encore [en mode] manuel pour l’instant parce qu’on est en développement de marchés, alors il faut y aller avec ce qu’on est capable de produire manuellement.

Olivier Dupuis est directeur général de l’usine de Rivière-au-Renard Les Pêcheries Gaspésiennes, spécialisée dans la transformation du poisson de fond. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat
Il s’agit d’une production modeste, mais qui permet de sonder l’intérêt des acheteurs et de rebâtir le marché au Québec. La chaîne d’alimentation Metro demeure son plus gros acheteur et s’est engagée à mettre ce nouveau produit sur ses tablettes.
Actuellement, on travaille avec des clients qui achetaient déjà nos autres produits, explique le transformateur renardois. On est surtout sur le marché québécois, mais on essaie aussi de développer le marché d’exportation. On parle des grandes chaînes d’alimentation, mais aussi des restaurants, des institutions et des poissonneries.
L’autre défi, c’est de rivaliser avec d’autres provinces qui ont continué de transformer le sébaste dans des zones qui n’étaient pas touchées par le moratoire, notamment au large de la Nouvelle-Écosse. Et l’arrivée de transformateurs québécois ne serait pas nécessairement la bienvenue, selon Olivier Dupuis.
C’est sûr qu’il y a une concurrence avec les pêcheurs de la Nouvelle-Écosse qui, eux, ont continué de pêcher dans l’unité 2 et l’unité 3. C’est sûr qu’il y a de la compétition, mais il faut faire notre place et on travaille fort pour faire la nôtre. Ça fait partie de la game, comme on dit
, ajoute M. Dupuis.
Automatiser la production sera inévitable
La prochaine étape pour augmenter la cadence de production sera d’automatiser la chaîne de production. L’usine Les Pêcheries Gaspésiennes a récemment participé à une mission en Islande, le plus gros producteur mondial de sébaste. L’entreprise a visité des usines de transformation de sébaste et rencontré des équipementiers spécialisés.

Automatiser une partie de la chaîne de production permettra à l’usine Les Pêcheries Gaspésiennes d’augmenter sa capacité de transformation du sébaste, mais aussi d’affecter une partie de ses employés à la transformation d’autres espèces. Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares
Là-bas, une usine automatisée peut transformer 200 000 livres par jour comparativement à environ 10 000 livres pour Les Pêcheries Gaspésiennes.
On voit qu’ils peuvent [traiter] de plus gros volumes, c’est beaucoup plus efficace et ça demande moins de main-d’œuvre.
Le directeur des opérations évalue, à la suite de cette visite, quels équipements pourraient permettre à l’usine d’augmenter de façon importante sa capacité de production. La petite taille du sébaste transformé actuellement au Québec, avec seulement 22 % de rendement en chair, constitue un défi lorsqu’il est question de choisir les bons équipements afin d’automatiser sa chaîne de production.

Simon Langlois est le directeur des opérations de l’usine de transformation de poissons de fond Les Pêcheries Gaspésiennes. Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares
L’un des gros enjeux qu’on a vus là-bas, c’est vraiment la taille du poisson qui va peut-être être problématique pour adapter ces équipements-là, mais je pense qu’ils sont en train de regarder pour pouvoir utiliser ces machines-là pour du plus petit poisson
, conclut-il.
Pour espérer transformer davantage, il faudra plus de pêcheurs et des débarquements de sébaste beaucoup plus importants. Actuellement, selon Pêches et Océans Canada (MPO), seulement six pêcheurs participent à cette pêche commerciale dans l’unité 1 pour des captures totales qui atteignent 596 tonnes.
Le quota total autorisé par le MPO est de 60 000 tonnes. Au moment d’écrire ces lignes, il avait été impossible de joindre un transformateur de sébaste madelinot.
LA UNE : L’usine Les Pêcheries Gaspésiennes, située à Rivière-au-Renard, est actuellement le plus important transformateur de sébaste au Québec. Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares