Alors qu’ils doivent déjà composer avec l’incertitude causée par la menace de tarifs douaniers sur les produits canadiens exportés aux États-Unis, les transformateurs de homard des provinces maritimes s’inquiètent désormais de droits de douane sur les produits de la mer du Canada annoncés par la Chine vendredi.
Dans une note diffusée samedi, Agriculture et Agroalimentaire Canada a fait savoir aux exportateurs canadiens que la Chine compte imposer, dès le 20 mars, des tarifs douaniers sur de nombreux produits canadiens.
Une riposte pour des mesures commerciales mises en place par Ottawa visant certaines importations en provenance de Chine, notamment les véhicules électriques, l’acier et l’aluminium.
Le gouvernement chinois prévoit des tarifs de 100 % sur une liste de huit produits canadiens, dont l’huile de colza, la farine (tourteau) de colza et les pois
, peut-on lire dans le courriel.
Des droits de douane de 25 % seront aussi imposés à 49 poissons et fruits de mer.

Nathanaël Richard, le directeur général de l’Association des transformateurs de homard, rappelle que 83 % des homards pêchés au Canada sont envoyés en Chine et aux États-Unis. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Selon l’Association des transformateurs de homard, un organisme qui représente 25 usines des provinces maritimes, il s’agit d’une nouvelle qui ne fait qu’ajouter à l’incertitude avec laquelle doit composer l’industrie.
C’est surprenant, mais ils ont déjà pris des mesures semblables à l’endroit d’autres pays
, a expliqué le directeur général de l’association, Nathanaël Richard. On se sent pas mal impuissants face à toutes ces mesures tarifaires et les risques qui pèsent sur nous de plusieurs pays.
Différence entre homard congelé et vivant
Les menaces de tarifs douaniers de la part de la Chine et les États-Unis auront des répercussions énormes sur l’industrie de la transformation, indique-t-il, deux marchés qui représentent 83 % de ses exportations.
Les transformateurs se spécialisant dans le homard congelé dépendent toutefois davantage du marché américain, précise Nathanaël Richard.
Dans le cas de la Chine, c’est un marché important, mais c’est une importance très relative en comparaison aux États-Unis. On parle de 3 % de nos exportations en 2024, alors que le marché américain, c’est 80 %.

En 2024, les exportations canadiennes de homard ont atteint 2,9 milliards de dollars. Les exportations vers les États-Unis se sont chiffrées à 1,9 milliard. (Photo d’archives) Photo : CBC
Dans le cas des exportations de homard vivant, environ 40 % des exportations canadiennes prennent la direction de la Chine et une proportion équivalente est envoyée au sud de la frontière.
Donc, l’impact sera beaucoup plus grand chez nos collègues du secteur vivant, mais on fait face à la même situation avec les États-Unis. C’est très compliqué en ce moment
, s’inquiète M. Richard.
Avec le début de la saison de la pêche au crabe qui approche à grands pas et la saison de homard qui suivra rapidement par la suite, les guerres commerciales dans lesquelles semble être embourbé le Canada n’ont rien pour rassurer l’industrie des fruits de mer.
La Chine et les États-Unis, ce sont les deux piliers de nos industries […] c’est sûr que ça soulève toutes sortes d’interrogations et ça suscite des inquiétudes dans l’industrie, c’est clair.
Des exportateurs inquiets
La combinaison de tarifs douaniers américains et chinois ne fait pas l’affaire non plus des exportateurs. Ça commence à être compliqué. Les États-Unis et la Chine sont nos deux plus gros marchés
, explique Paul Farrah, PDG de l’entreprise d’exportation de fruits de mer de Dieppe Partner Seafood Inc.
L’année dernière, les exportations de homards canadiens ont atteint 2,9 milliards de dollars dont 1,9 milliard à destination du marché américain et 500 millions pour le marché chinois.
Le directeur administratif du Conseil canadien du homard, Geoff Irvine, estime donc que la saison risque d’être difficile. Il juge que les acheteurs ne pourront pas diversifier leurs ventes cette année, mais que c’est une solution qui doit être envisagée à long terme.

Paul Farrah est PDG de l’entreprise Partner Seafood Inc. Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Si pour l’heure la faiblesse du dollar canadien favorise les exportations et donne des marges de manœuvre sur le plan de la tarification de ses produits exportés, Paul Farrah se demande surtout comment ses clients chinois vont réagir à ces taxes. Quels prix nos clients vont vouloir payer? Est-ce qu’il va falloir qu’on baisse nos prix? C’est sûr qu’ils ne vont pas s’envoler au début de la saison au mois de mai
, note-t-il.
Va falloir être créatifs dans la gestion de la ressource et dans la diversification des marchés
, prévient Paul Farrah.
LA UNE : La Chine a annoncé vendredi des tarifs sur des produits canadiens, notamment les produits de la mer. Photo : CBC / Brian McInnis
PAR avec des informations de Kristina Cormier et de l’émission La matinale