L’arrivée possible de tarifs douaniers de 25 % inquiète les exportateurs canadiens de fruits de mer pour qui les Américains représentent le plus important client. Face à cette menace, l’industrie tente de diversifier ses marchés.
Dans certains secteurs de cette industrie, 90 % des exportations se dirigent vers les États-Unis. Du même coup, les Américains ont peu d’options pour trouver ailleurs d’autres produits de la mer.
Pierre Alexandre Desbiens participait cette année au Seafood Expo North America de Boston. Il connaît bien les Américains et les pétoncles. Il habite aux États-Unis depuis 25 ans et travaille pour l’entreprise Premier Foods au Massachusetts depuis quatre ans.
Il reconnaît qu’il est difficile de parler des tarifs avec les Américains. La question suscite inévitablement un malaise.

Il y a beaucoup d’Américains oui, ça les choque de parler de ça. C’est un sujet qui n’est pas nécessairement confortable tout le temps.
Se tourner vers des acheteurs canadiens
La nouvelle tendance à ce salon de Boston est celle d’entrepreneurs canadiens qui veulent acheter des produits canadiens.
Une direction inhabituelle pour l’industrie comme l’explique Serge Maillet, gérant de Shediac Lobster Shop. « C’est rare, tu vois du monde du Canada qui cherche. Des restaurateurs d’aussi loin que Vancouver sont intéressés à acheter ses produits de homard. »
Un prix plus élevé
Les tarifs que prévoit d’imposer le président américain feront vraisemblablement grimper le coût des produits.
La demande est encore là. Malheureusement, c’est le consommateur qui paie le tarif. On a vu les prix du marché augmenter beaucoup cette année parce que les quotas ont descendu
, dit Pierre-Alexandre Desbiens.

Les États-Unis ne pêchent en effet qu’une fraction des pétoncles vendus sur leur territoire. Si le prix des mollusques en provenance des Maritimes gonfle avec des tarifs, l’entreprise devra payer plus, ou se tourner vers le Japon ou le Pérou.
Les provinces atlantiques tentent de diversifier leur marché, mais c’est un long processus. D’autant plus que la Chine, l’autre grand acheteur de produits canadiens, impose aussi un tarif douanier jeudi.
En tout cas, de premiers indices sur les prix à l’achat ont filtré au Seafood Expo North America. Les acheteurs américains semblent vouloir offrir sept dollars la livre de crabe des neiges aux transformateurs canadiens, c’est 50 cents de plus que l’an dernier.

« Ils veulent ce crabe-là », a réagi Gilles Thériault, le représentant des transformateurs de crabe du Nouveau-Brunswick. « Ils nous offrent de meilleurs prix que je m’attendais, mais il faut déduire 25 % ».
Pour rappel, 80 % du crabe des neiges canadien est exporté aux États-Unis.
La nécessité de diversifier le marché
Comme plusieurs politiciens de l’Atlantique, le ministre de l’Agriculture, de l’Aquaculture et des Pêches du Nouveau-Brunswick, Pat Finnigan, s’est rendu au salon Seafood Expo de Boston pour tenter de trouver d’autres marchés et rassurer l’industrie.
Ce n’est pas d’hier qu’on fait pour la diversification. Ça fait longtemps qu’on travaille. Mais c’est encore plus important aujourd’hui avec le climat qui règne.

Il est optimiste de voir le marché s’ajuster. Il croit que la résilience des pêcheurs se manifestera aussi dans la mise en marché de ces produits.
Il y a des choses que l’on ne peut pas contrôler, et les gens le savent. Les gens vont continuer à manger du homard et notre crabe. Il faut juste s’organiser. Le pire c’est qu’on ne sait pas où ça s’en va
, lance le ministre Finnigan.
Le ministre des Pêches, du Tourisme, du Sport et de la Culture de l’Île-du-Prince-Édouard, Zach Bell, s’est aussi déplacé à Boston. Il croit que c’est l’occasion pour sa province d’explorer d’autres marchés, dont celui de l’ouest du Canada. Mais les distances sont très longues.
Le problème avec le marché de l’ouest du Canada est logistique. La Nouvelle-Angleterre est très près du Canada Atlantique, mais les compagnies travaillent pour aider avec le transport.
Plusieurs sont persuadés que la menace de tarifs douaniers américains s’estompera rapidement, mais que pour l’instant, il faut se protéger de la tempête.

S’il est pour avoir une augmentation du coût de la vie aux États-Unis, ce à quoi tout le monde s’attend, on a peur qu’à un moment donné si le prix du crabe et du homard est trop élevé, le consommateur va aller ailleurs pour ses protéines
, dit Gilles Thériault, directeur général de l’Association des transformateurs de crabe du Nouveau-Brunswick.
L’industrie vogue sur la fine ligne de l’équilibre entre l’offre et la demande espérant que les consommateurs peuvent encore se permettre de payer un peu plus pour leur repas.
On pense qu’il y aura peut-être un changement dans le marché, mais la demande va être encore là
, soutient Pierre-Alexandre Desbiens.
LA UNE : Dans certains secteurs de l’industrie des fruits de mer, 90 % des exportations se dirigent vers les États-Unis. Photo : Radio-Canada / Frédéric Cammarano
PAR vec des informations de Michèle Brideau