Îles-de-la-Madeleine : renouveler l’énergie

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« C’est une évidence : la pétro-dépendance des Îles-de-la-Madeleine est complète, ou à peu près. Ça vaut pour le transport comme pour la production d’électricité », souligne l’ancien maire et ex-journaliste local, Joël Arseneau, aujourd’hui député des Îles à l’Assemblée nationale.

Exception faite de quelques installations d’autoproduction d’énergie solaire, la seule source d’électricité aux Îles était, jusqu’à l’entrée en service du Parc éolien Dune-du-Nord en 2021, une centrale thermique. Inaugurée en 1953, la centrale de Cap-aux-Meules consomme annuellement près de 40 millions de litres de mazout, émettant environ 130 000 tonnes de CO2, soit 36,5 % de l’ensemble des émissions directes de GES d’Hydro-Québec en 2021.

Les deux éoliennes, pour leur part, contribuent désormais à plus de 10 % de la production électrique annuelle de l’archipel. « C’est quand même important », fait valoir Pierre-Alexandre Goyette, gestionnaire de projets d’innovation [SL1] au Centre de recherche sur les milieux insulaires et maritimes (CERMIM), qui travaille sur la mise à jour du bilan des émissions de gaz à effet de serre de la Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine.

La mise en service d’un nouveau parc éolien à Grosse-Île, initialement prévue en 2025, a été reportée d’un an à cause de certaines préoccupations soulevées lors de l’évaluation environnementale du projet en 2023, notamment liées à la protection du corème de Conrad, une plante menacée. « Si le projet ne se réalise pas, les Îles-de-la-Madeleine continueront d’être majoritairement alimentées en électricité par la centrale de Cap-aux-Meules », faisait valoir le promoteur du parc au début de 2025.

Plusieurs « lacunes » et « imprécisions » devront toutefois encore être corrigées avant que le projet ne puisse être approuvé, a prévenu la Direction de l’évaluation environnementale des projets énergétiques dans un avis rendu public à la mi-mars.

Par ailleurs, le projet de raccordement par câble sous-marin au réseau hydroélectrique du continent, à l’étude depuis des années, est suspendu depuis 2023 en raison de contraintes techniques et financières. « L’analyse des différents scénarios pour déterminer le futur énergétique des Îles-de-la-Madeleine se poursuit. Hydro-Québec prévoyait présenter ces scénarios lors de consultations publiques au premier trimestre de 2025 », indique Marc-Antoine Ruest, porte-parole de la société d’État.

Ces consultations, initialement prévues en 2024, sont attendues de pied ferme dans le milieu. « Il va falloir accélérer un peu le processus, parce que je pense que ça devient de plus en plus urgent », insiste Isabelle Lapierre, présidente de l’Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE).

La transition… quelle transition?

Créée à la suite d’un déversement accidentel de 100 000 litres de diesel dans le port de Cap-aux-Meules en 2014, qui n’était pas sans rappeler les mauvais souvenirs d’une marée noire survenue en 1970 lors d’un naufrage au large de Grosse-Île, l’AMSÉE travaille depuis 10 ans à faciliter la transition énergétique du territoire des Îles-de-la-Madeleine.

Préoccupée par la résilience des communautés en réseau autonome, l’Association a notamment accompagné les premiers autoproducteurs insulaires dans la mise en place de leurs installations solaires, et ce, bien avant le boom photovoltaïque que l’on connaît actuellement.

Le remplacement du mazout comme carburant est à l’étude, mais les scénarios de transition envisagés par Hydro-Québec n’ont pas encore été rendus publics.

En 2019, John W. Arseneault, ancien vice-président d’une entreprise spécialisée dans la production de granules de bois, était même devenu le plus important producteur d’énergie renouvelable aux Îles. « J’ai [depuis] cédé ma place aux éoliennes », concède-t-il, en notant qu’avec son installation de 28 panneaux photovoltaïques, d’une puissance totale de 8,4 kW, il produit tout de même davantage d’électricité qu’il en consomme et peut ainsi réinjecter ses surplus dans le réseau local.

John se souvient avoir suggéré, il y a une vingtaine d’années, qu’Hydro-Québec mise sur une conversion de la centrale thermique à la biomasse. « Aux Îles, il y aurait certainement un marché intéressant de biomasse pour faire de l’électricité, particulièrement en cogénération, en micro-cogénération », maintient-il.

C’est d’ailleurs sur ce principe de cogénération que fonctionne la « boucle de chaleur » entre la centrale thermique et les installations du CISSS à Cap-aux-Meules : la chaleur résiduelle de la centrale est récupérée pour combler l’essentiel des besoins énergétiques de l’hôpital de l’archipel et du CHSLD. Ce projet, qui permet d’éliminer environ 340 tonnes d’émission de CO2 annuellement, a valu au CISSS un prix de développement durable en 2023.

La centrale thermique de Cap-aux-Meules, équipée de six moteurs de 11 000 kilowatts chacun, est la principale source d’électricité de l’archipel.

Des projets ambitieux en cours de développement

À plus petite échelle, l’approche d’autoproduction et de cogénération en micro-réseau est au cœur d’un projet de « vitrine technologique en énergie renouvelable » développé par le CERMIM dans ses futurs nouveaux locaux. « L’objectif, ce serait d’avoir le premier bâtiment qui produit de l’énergie, qui la stocke et qui fait un transfert sur la mobilité ou sur le transport électrique », explique la directrice associée du CERMIM, Mayka Thibodeau.

À terme, le bâtiment net-zéro du centre de recherche, qui fait actuellement l’objet d’un important chantier de rénovation écologique, doit être équipé de planchers radiants, de panneaux solaires photovoltaïques, de panneaux solaires thermiques (qui chauffent l’eau ou l’air directement avec l’énergie du soleil sans préalablement la convertir en électricité), d’une roue thermique (qui récupère la chaleur de l’air évacuée du bâtiment) et de deux microéoliennes.

L’idée, précise Mayka Thibodeau, est non seulement de faire du bâtiment un banc d’essai pour documenter la performance des technologies dans le contexte climatique particulier des Îles, mais aussi de construire une expertise locale pour l’installation et l’entretien des équipements afin de contribuer au développement de « systèmes alternatifs en nanoréseau ».

Cet ambitieux projet, à l’instar du projet-pilote Vers le Net-zéro madelinot ou de la création d’un « microréseau intelligent » dans le futur écoquartier de Cap-aux-Meules, vise à tester des approches pour favoriser l’efficacité et l’autonomie énergétique, et à réduire l’empreinte carbone des bâtiments aux Îles.

Des démarches pour paver la voie de la transition énergétique aux Îles sont bien en marche, mais ce n’est là qu’un morceau du casse-tête de l’adaptation à long terme aux changements climatiques. À court terme, l’urgence demeure d’aménager des infrastructures résilientes sur le territoire, qui est frappé de plein fouet par l’érosion et la submersion côtières. C’est ce qu’on verra dans le troisième et dernier texte de cette série.

LA UNE : Les deux éoliennes de Pointe-aux-Loups, mises en service en 2021, comblent désormais une partie non négligeable des besoins énergétiques de l’archipel.

PAR Simon Van Vliet
Local Journalism Initiative / Initiative de journalisme local