Une rarissime baleine trouvée morte en Nouvelle-Écosse

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Le 7 février dernier, on signale au Réseau d’urgences pour les mammifères marins dans les Maritimes, la Marine Animal Response Society (MARS), un dauphin échoué vivant près de Blandford, en Nouvelle-Écosse. À leur arrivée, l’équipe constate que le cétacé en question est mort et qu’il s’agit plutôt d’une baleine à bec de Cuvier, reconnaissable à sa mâchoire inférieure proéminente dotée de seulement deux dents. Il s’agit du premier cas documenté pour cette espèce sur la côte est canadienne.

Espèce méconnue

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© Gally Renaud, bénévole MARS

Les baleines à bec sont, avec les dauphins d’eau douce, les cétacés actuels jugés les plus primitifs par la physionomie de leur crâne. Elles sont peu connues, puisqu’elles vivent dans les zones profondes et sont difficiles à suivre et à étudier. La baleine à bec de Cuvier vit dans les eaux bordant les provinces maritimes, particulièrement dans les zones très profondes. Elle fait partie de ces cétacés dits «grands plongeurs», comme le cachalot, dont la physiologie est adaptée à la nage dans des zones abyssales. Elles ont des capacités exceptionnelles: leurs muscles contiennent dix fois plus de myoglobine que les autres mammifères, cette protéine qui stocke l’oxygène dans les cellules, tandis que leur sang est redistribué en plongée pour alimenter en priorité les organes vitaux, tels que le cœur et le cerveau. Elles peuvent rester submergées plus de deux heures et atteindre près de 3 000 mètres de profondeur, un record de plongée chez les mammifères marins. Les observations côtières sont rarissimes; bien souvent, lorsqu’une baleine à bec est rapportée près des rives, il s’agit d’un animal mal en point. Ainsi, dans le but d’acquérir des données précieuses sur l’espèce et sur les causes de son échouage, la baleine a été sécurisée par l’équipe de MARS avec l’aide de bénévoles et des gens du ministère Pêches et Océans Canada pour éviter qu’elle soit emportée par les vagues et le blizzard annoncés dans les heures suivant l’échouage.

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© Marine Animal Response Society

Le 14 février, l’équipe du vétérinaire Pierre-Yves Daoust du Atlantic Veterinary College rejoint celles de MARS et du Dr Don McAlpine du musée du Nouveau-Brunswick pour procéder à la nécropsie. Le corps de la baleine de 4,5 m porte des marques d’égratignures, le résultat d’interactions avec d’autres baleines de la même espèce. Les premières observations de la carcasse une semaine plus tôt laissaient croire qu’il s’agissait d’un animal émacié, mais l’étude plus poussée permet de confirmer que le jeune mâle immature est en bon état de chair. Il n’y a aucune trace apparente de blessure ni aucun signe évident de maladie. Des débris de cordes sont trouvés dans son estomac, mais il est impossible de relier la mort de l’animal avec la présence de ces cordages. La carcasse est finalement transportée au musée du Nouveau-Brunswick où elle sera nettoyée et ajoutée à la collection déjà existante.

Des baleines à bec dans le Saint-Laurent

Si aucune carcasse de baleine à bec de Cuvier n’a été étudiée auparavant sur la côte est canadienne, d’autres représentants de la famille des baleines à bec, appelée aussi ziphiidés, ont été trouvés dans les 20 dernières années dans les eaux du Saint-Laurent.

Le 9 novembre 1994, une équipe du Centre régional du Québec du Centre canadien coopératif de la santé de la faune (CCCSF) se rend à Montmagny pour effectuer un examen post mortem sur une baleine à bec commune femelle adulte échouée de 7,40 m. Aucune anomalie n’est détectée pouvant justifier la mort de ce cétacé. Trois jours plus tard, un mâle immature de la même espèce s’échoue à 45 km en aval à Saint-Roch-des-Aulnaies. Ce dernier spécimen, plus petit que le précédent (3,90 m), est transporté jusqu’à la Faculté de médecine vétérinaire à Saint-Hyacinthe. La présence de lait dans les glandes mammaires de la femelle adulte permet de supposer que cet animal est en période d’allaitement et que le second animal peut être son petit. La présence de ces deux spécimens dans l’estuaire demeure un mystère, comme ces baleines vivent aussi en eaux très profondes. Leur mort pourrait être reliée aux forts vents du nord-ouest qui avaient été enregistrés lors des jours précédents. C’est la troisième fois que la présence de ces animaux dans le Saint-Laurent était enregistrée; une autre baleine à bec commune s’était échouée dans des conditions climatiques similaires à l’Isle-aux-Coudres, au cours des années 1940 puis une autre à Sept-Îles le 10 septembre 1997.

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© Gaston Déry

Le 22 juin 2006, le parc national Forillon en Gaspésie est le théâtre de l’échouage d’une autre espèce de baleine à bec, une baleine à bec de Sowerby. Puis, plus récemment, le 3 juillet 2013, la découverte d’un jeune mâle baleine à bec de Sowerby par le propriétaire de l’île aux Pommes a fait couler beaucoup d’encre.

Le crâne d’une des baleines à bec commune de Montmagny et le squelette entier de la baleine à bec de Sowerby de l’île aux Pommes sont maintenant exposés au Centre d’interprétation des mammifères marins de Tadoussac.

Par Josiane Cabana
LA UNE :  © Marine Animal Response Society