Les cordages, casiers et autres engins perdus entraînent aussi d’importantes pertes financières. Des engins de pêche perdus ou jetés à la mer au large de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, où ont lieu les pêches au homard les plus lucratives au Canada, piègent des espèces menacées et nuisent à l’industrie du homard, révèle une nouvelle étude scientifique.
Des chercheurs de l’Université Dalhousie, à Halifax, ont déterminé que la présence de cages, de cordages, de crochets et d’autres engins abandonnés entraînait des pertes annuelles de près de 200 000 $ en matière de prises de homard.
Quand ça commence à avoir un impact sur les revenus de la plus importante industrie en Nouvelle-Écosse, […] ça devient évident qu’il faut faire quelque chose, a commenté le co-auteur de l’étude, le professeur Tony Walker, en entrevue avec La Presse canadienne vendredi. On pourrait faire plus d’argent si on assainissait nos pratiques.
En 2019, la valeur au débarquement de l’industrie du homard en Nouvelle-Écosse s’élevait à 880 millions de dollars, soit plus de la moitié de la valeur totale de cette pêche au Canada.
Si le fléau de ce qu’on appelle les engins fantômes
est un problème mondial, l’étude menée à Dalhousie est décrite comme la première du genre à fournir des estimations préliminaires sur ses impacts environnementaux et économiques.
Les conclusions s’appuient sur ce que les chercheurs ont découvert au cours de l’été et de l’automne dernier quand cinq bateaux de pêche ont été mobilisés pour une mission qui a permis de retirer sept tonnes d’engins fantômes. Les bateaux avaient effectué 60 voyages et couvert 1500 kilomètres carrés en mer.
Des cages de homard perdues représentaient 66 % de la récolte d’équipement remonté à la surface.
Les autres engins incluaient des câbles, des cordages, des bouées et d’autres débris liés à la pêche.
Les chercheurs ont calculé que les cages perdues seraient responsables à elles seules de pertes pouvant atteindre 176 000 $ par année parce que celles-ci continuent de capturer des prises longtemps après avoir été abandonnées dans le fond océanique.
«Il y a probablement bien plus d’engins fantômes en mer que ce que notre étude suggère. Et ces pertes économiques ne vont que continuer de croître.» – Une citation de :Tony Walker, professeur, Université Dalhousie
Et au-delà des captures involontaires de homard, ces cages emprisonnent aussi d’autres créatures marines, dont les poissons de fond qui comptent des espèces menacées.
Tony Walker explique que des prises accidentelles sont capturées régulièrement dans les cages de homard, mais les pêcheurs ont l’obligation de les inspecter toutes les 24 heures pour libérer les prises collatérales.
Le problème, c’est qu’une fois la cage perdue ou abandonnée en mer, plus personne ne vient à la rescousse des poissons ou des crabes qui s’y aventurent.
Pire encore, les prises qui y meurent deviennent à leur tour des appâts pour d’autres espèces qui entrent à leur tour dans la cage et deviennent à leur tour prisonnières.
Parmi les 15 espèces répertoriées dans des cages abandonnées, cinq étaient des espèces menacées, soit un loup de l’Atlantique, une morue, un brosme et deux chabots.

La semaine dernière, Ottawa a annoncé que son Fonds pour les engins fantômes avait permis de retirer 224 tonnes d’équipement des eaux canadiennes et internationales depuis deux ans.
Au total, 159 tonnes ont été retirées de l’Atlantique et 65 tonnes du Pacifique.
La ministre fédérale des Pêches Bernadette Jordan a également annoncé la mise en ligne d’un nouveau système visant à faciliter la tâche des pêcheurs commerciaux, qui ont l’obligation légale de rapporter l’endroit précis où un engin de pêche a été perdu.
LA UNE : Équipements de pêche fantômes récupérés dans l’océan Atlantique en 2020. PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / PÊCHES ET OCÉANS CANADA