Le phénomène d’ensablement des ports de pêche des îles de la Madeleine connaît une accélération notable. La tendance est telle que la facture des opérations de dragage a bondi de 51 % en deux ans.
Pêches et Océans Canada note des augmentations significatives des quantités de sédiments retirés dans les havres de l’archipel dans les dernières années.
Le volume global de sédiments extraits a connu une hausse vertigineuse de 65 % entre 2020-2021 et 2022-2023, en excluant les statistiques des ports ayant été dragués une seule fois dans l’intervalle.
Au quai de Millerand, la quantité de sable et de gravier excavée a grimpé de 71 % en deux ans. Du côté de Pointe-Basse, la hausse est de 24 % alors que cette statistique s’élève à 13 % à Grosse-Île.
On observe une augmentation des volumes de dragage. Ça dépend des havres évidemment, mais la tendance générale est vraiment à la hausse et on voit que ça s’accélère d’année en année
, affirme le directeur québécois du programme Ports pour petits bateaux de Pêches et Océans Canada, Boussaad Akrour.
« L’ensablement aux îles de la Madeleine, c’est notre enjeu principal en termes de dragage au Québec. » — Une citation de Boussaad Akrour, directeur québécois du programme Ports pour petits bateaux de Pêches et Océans Canada
Une facture salée et un stress opérationnel
Les coûts des opérations de dragage sont passés de 2,2 millions de dollars en 2019-2020 à 3,3 millions de dollars en 2021-2022.
Bien que le prix des travaux soit fortement influencé par les volumes de sédiments à extraire, Pêches et Océans Canada souligne que d’autres éléments non négligeables entrent dans l’équation, dont la gestion des sédiments contaminés qui nécessitent un traitement particulier.
Ça a des impacts opérationnels parce qu’avec l’absence de glace, l’ouverture de la pêche est de plus en plus hâtive, mais de l’autre côté, on a de gros volumes de sédiments à extraire
, mentionne Boussaad Akrour. Donc, on se retrouve à draguer une plus grosse quantité de sédiments en moins de temps. Ça nous donne un stress en termes opérationnels pour terminer à temps pour le début de la pêche.
Le dragage complet de tous les havres de pêche madelinots est tout simplement impossible avant le lancement de la saison : les opérations printanières se limitent à libérer le chenal d’entrée du quai pour assurer le passage sécuritaire des bateaux.
Une deuxième phase de dragage, voire une troisième, est par la suite prévue au cours de l’été pour libérer complètement l’intérieur des ports.
Les changements climatiques en cause
Bien qu’il soit encore trop tôt pour comprendre en profondeur le phénomène d’accélération de l’ensablement, le directeur québécois du programme Ports pour petits bateaux indique sans détour que la modification du climat est en cause.
« C’est clair que les changements climatiques contribuent vraiment en grande partie au phénomène, ça touche vraiment aux dynamiques de la sédimentation » — Une citation de Boussaad Akrour, directeur québécois du programme Ports pour petits bateaux de Pêches et Océans Canada
Avant, les glaces étaient vraiment plus épaisses et restaient plus tard au printemps alors que maintenant, les berges sont souvent dénudées face aux vagues et aux tempêtes. Ça crée de l’érosion, donc on a plus de sédimentation qui vient de la terre.
L’orientation des havres par rapport aux courants marins a aussi des impacts
, ajoute-t-il.
Une étude en cours à Grande-Entrée
Pêches et Océans Canada a déjà lancé une étude visant à mieux comprendre les phénomènes causant l’augmentation de l’ensablement et les solutions à considérer. C’est le havre de Grande-Entrée qui a été choisi comme site d’étude.
C’est une tendance, on ne peut pas croiser les bras et voir augmenter les volumes et les budgets à n’en plus finir. C’est clair qu’on doit comprendre ce qui se passe d’abord et ensuite chercher des solutions
, affirme Boussaad Akrour.
« Ce sont des phénomènes assez spéciaux qu’on doit comprendre pour trouver des solutions à long terme. » — Une citation de Boussaad Akrour, directeur québécois du programme Ports pour petits bateaux de Pêches et Océans Canada
Ce dernier précise qu’une ressource spécialisée dans le domaine va se pencher sur les dynamiques sédimentaires et tenter de cibler les causes à l’aide de statistiques, de relevés et de mesures prises sur le terrain.
On va regarder tout ça pour mieux comprendre d’où ça vient. Ensuite, on pourra songer aux options de solution, que ce soient des solutions d’ingénierie sur la façon de repenser nos havres quand on va les reconstruire en fonction de la sédimentation
, explique M. Akrour.
LA UNE : De plus en plus de sédiments s’accumulent dans les havres de pêche madelinots. Les opérations de dragage sont nécessaires pour ne pas entraver la circulation des bateaux. PHOTO : AVEC L’AUTORISATION DE LA CTMA
PAR Isabelle Larose