LA Renaissance : le syndic allègue des actes frauduleux

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Le syndic en insolvabilité Roy Métivier Roberge souhaite démontrer que l’actionnaire majoritaire d’Apéri-Fruits Compton, Alain Lord Mounir, a personnellement posé des « gestes frauduleux » en falsifiant certains documents ou en cachant leur existence afin de soustraire sa société à ses obligations envers LA Renaissance des Îles (LRDI) et ses créanciers.

Le syndic a déposé une requête datée du 5 septembre 2024, qui modifie la version initialement déposée en août 2023, pour exiger qu’Apéri-Fruits Compton lui verse plus de 3,2 M$ en factures impayées et en remboursement de crédits octroyés par LRDI.

Dans la version modifiée, le syndic met en cause personnellement Alain Lord Mounir et demande la levée du voile corporatif. Ce concept juridique permet d’intenter un recours directement contre l’actionnaire plutôt que contre sa société en cas d’acte frauduleux.

Alain Lord Mounir photographié devant le palais de justice de Havre-Aubert lors du procès sur la vente des actifs de LA Renaissance.

Alain Lord Mounir détient plusieurs sociétés dont Icéto et Apéri-Fruits Compton.(Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

Le syndic allègue que M. Mounir et deux de ses sociétés ont usé de manœuvre et de stratégie, avec l’assistance de [l’ex-présidente de LA Renaissance], Lynn Albert, afin d’obtenir des avantages indus pour la Société Apéri-Fruits Compton et indirectement pour leur bénéfice personnel, ce qui défavorise le recouvrement des créances de LRDI envers Apéri-Fruits Compton.

La société Apéri-Fruits Compton était l’un des principaux acheteurs de produits marins de LA Renaissance des Îles. Son unique actionnaire est Alain Lord Mounir, le même homme qui est derrière Icéto, une société qui a tenté de racheter en vain les actifs de LA Renaissance à la suite de la faillite.

Icéto conteste devant les tribunaux la validité de la vente, aux côtés de certains créanciers. Ils allèguent avoir été victimes de fraude de la part du syndic et de Financement agricole Canada.

Le syndic Roy Métivier Roberge est d’avis qu’Apéri-Fruits Compton, qui devait plus de 4,5 M$ à LRDI le 28 octobre 2022, a bénéficié de crédits de la part de LA Renaissance des Îles après que l’entreprise eut fait part de son intention de faire une proposition à ses créanciers le 19 août 2022.

Les notes de crédit dont a bénéficié Apéri-Fruits Compton inc. constituent un avantage indu qui résulte d’une opération sous-évaluée qui doit être déclarée inopposable au Syndic puisque ces notes de crédit privent les créanciers de LRDI d’une valeur de 1 554 332,05 $ , peut-on lire dans la requête du syndic.

Le syndic allègue avoir d’abord cherché, en vain, à obtenir la preuve de l’existence d’une entente de paiement pouvant justifier les escomptes ou les crédits octroyés à Apéri-Fruits Compton, avant que cette entente confidentielle n’apparaisse contre toute attente  entre les mains du procureur de la société Icéto plus tard dans les procédures.

Roy Métivier Roberge relate également que l’ancien avocat de LA Renaissance des Îles, Me J. Patrick Bédard, a décidé de cesser de représenter l’entreprise madelinienne à l’automne 2022 en raison de l’absence d’entente écrite justifiant ces crédits, mais aussi des liens qui lieraient Apéri-Fruits Compton à LA Renaissance des Îles.

Dans un courriel signé par Me Bédard daté du 14 octobre 2022, dont le syndic fait état dans sa requête, l’avocat évoque différents motifs pour expliquer sa décision : Nous sommes toujours en attendre des ententes écrites intervenues avec les clients ; ententes qui incluraient des clauses d’ajustement, mais qui n’existeraient pas malgré les affirmations antérieures à ce sujet. Les sociétés liées à l’âme dirigeante d’Apéri-Fruits [NDLR Alain Lord Mounir] sont soit en défaut de paiement ou en conflit d’intérêts avec la débitrice [NDLR LA Renaissance des Îles] […] nous place dans une situation inconfortable vu les réunions auxquelles il a participé sous une identité autre. 

Dans sa requête, le syndic rappelle que M. Mounir s’est déjà présenté dans des réunions Teams, alors qu’il était client de LRDI, en utilisation le pseudonyme Stéphane Boucher Alain Lord Mounir avait lui-même admis ces gestes lors de son témoignage en cour le 14 février 2024, dans le cadre du procès portant sur la validité du processus de vente.

De surcroît, le syndic soutient qu’Alain Lord Mounir a déjà déclaré qu’il était le demi-frère de Lynn Albert et que les deux individus étaient co-actionnaires de la société Restaurant L’Aragosta.

Dans la requête modifiée, le syndic fait aussi valoir que LA Renaissance des Îles a payé, en partie, des travaux de construction sur des terrains appartenaient à Alain Lord Mounir sur le chemin des Fumoirs à Havre-Aubert.

Allégation de collusion en lien avec un lot de pétoncles

La version modifiée de la requête du syndic contient aussi de nouvelles allégations de collusion entre Lynn Albert et Alain Lord Mounir concernant un crédit de près de 300 000 $ que LRDI a versé à Apéri-Fruits Compton en lien avec un lot de pétoncles qui aurait été détruit, sous prétexte que ces mollusques étaient impropres à la consommation.

L’attribution de ce crédit est survenue dans les jours suivant l’avis d’intention de LRDI de présenter une proposition à ces créanciers, en août 2022.

Pétoncles géants

Le syndic allègue qu’Apéri-Fruits a obtenu un crédit de LRDI pour un lot de pétoncles impropres à la consommation, sans toutefois détruire les mollusques. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada

Roy Métivier Roberge allègue qu’il n’existe aucune preuve de la destruction de ces aliments ni de leur contamination. Selon le syndic, le seul document produit au soutien du défaut de qualité des aliments est signé par M. Mounir lui-même et qu’il est daté du 23 août 2023, soit un an après la découverte du présumé problème de qualité.

Ce crédit-là, c’est de la poudre aux yeux et les marchandises n’ont vraisemblablement pas été détruites, mais plutôt vendues , a plaidé lundi l’avocat de Financement agricole Canada, le principal créancier garanti de LRDI, Me Bernard Gravel.

La date de procès pour l’audition de la requête modifiée du syndic n’est toujours pas connue. L’issue de cette cause aura un impact sur les liquidités qui seront disponibles pour les créanciers de LA Renaissance des Îles puisque le recouvrement de 3,5 M$ est en jeu.

LA Renaissance des Îles devait plus de 10 M$ à ses créanciers garantis et environ 9,3 M$ à ces créanciers non garantis, selon les informations transmises par le syndic à Radio-Canada au début de l’année 2024.

Les actifs de l’entreprise ont été rachetés par Pêcheries Léomar pour la somme de 6,65 M$, mais cette vente fait toujours l’objet d’une contestation judiciaire.

Demande de poursuite pour diffamation

Bien avant le dépôt de la requête modifiée du syndic, Alain Lord Mounir s’est adressé au tribunal en novembre 2023 pour obtenir la permission d’intenter une action contre le président du syndic Roy Métivier Roberge, José Roberge.

Ce qui est allégué, c’est que l’intimé [NDLR José Roberge] a tenu des propos malicieux et faux à l’égard du requérant lui causant un préjudice, ce qui est la base du recours en responsabilité pour diffamation, a plaidé l’avocat d’Alain Lord Mounir, Me Emmanuel Préville-Ratelle, lors d’une audience lundi après-midi.

Me Emmanuel Préville-Ratelle photographié devant le palais de justice.

Me Emmanuel Préville-Ratelle représente Alain Lord Mounir ainsi que des créanciers dans diverses requêtes liées à la faillite de LA Renaissance. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose

Alain Lord Mounir réclame une somme totale de 50 000 $ pour pertes non pécuniaires et dommages-intérêts punitifs.

Selon la partie requérante, José Roberge a déclaré sous serment, le 20 juin 2023, qu’Alain Lord Mounir aurait fait de fausses inscriptions, aurait obtenu des crédits sous de fausses représentations, aurait dissimulé une créance.

En vertu de l’article 34 de la Loi sur d’interprétation, ces articles-là sont réputés être des actes criminels, souligne Me Préville-Ratelle. Ce que le requérant prétend par sa demande, c’est que le syndic l’accuse faussement d’avoir commis des infractions criminelles alors que […] mon client bénéficie toujours de la présomption d’innocence.

Le juge Damien St-Onge a demandé aux deux parties de soumettre un argumentaire écrit pour démontrer la recevabilité, ou non, de cette demande d’ici vendredi 16 h. La prochaine audience est fixée au 27 novembre 2024.

Demande d’accès aux informations bancaires du syndic

Par ailleurs, huit créanciers de LA Renaissance des Îles ont déposé une requête le 30 août 2024 afin que le tribunal ordonne au syndic Roy Métivier Roberge et à la Banque Nationale du Canada de communiquer les relevés du compte en fidéicommis ouvert dans le cadre de l’administration de la faillite de LRDI, et ce, rétroactivement depuis février 2023.

Les requérants soutiennent que le syndic ne rend plus aucun compte aux créanciers et refuse de donner suite à leur demande d’information et de documents , en plus de refuser de convoquer une assemblée des créanciers pour pourvoir les postes d’inspecteurs vacants, à la suite de démissions.

Dans le cadre d’une faillite, des inspecteurs sont nommés pour surveiller l’administration du syndic autorisé en insolvabilité et voir à ce que les actes de ce dernier soient conformes à leurs instructions.

Les créanciers veulent également savoir qui paye les honoraires des avocats du syndic pour la requête qui oppose Roy Métivier Roberge à Apéri-Fruits Compton, comment ces honoraires sont payés ainsi que le montant de ceux-ci.

Une requête similaire a également été déposée le 30 août par Apéri-Fruits Compton et Icéto.

Ayant participé au processus d’appel d’offres pour racheter les actifs de LA Renaissance des Îles, Icéto a fait parvenir au syndic une somme de plus de 800 000 $ en guise de dépôt. Bien que son offre d’achat n’ait pas été retenue, la somme se trouve toujours dans un compte en fidéicommis du syndic.

Comme le syndic a rejeté la soumission de la requérante Icéto inc. [décision qui fait l’objet d’un appel], la somme déposée ne constitue pas des fonds de l’actif de la faillie et appartient aux requérantes, peut-on lire dans la requête déposée par Apéri-Fruits Compton et Icéto. Conséquemment, le syndic a l’obligation de détenir en tout temps ce dépôt de 809 556,00 $ dans un compte en fidéicommis distinct et ne peut effectuer aucun retrait sans permission des requérantes ou du tribunal, en vertu de [la Loi sur la faillite et l’insolvabilité].

Ce dossier devrait aussi revenir en cour le 27 novembre.

 

LA UNE : Les requêtes judiciaires se multiplient depuis la faillite de l’entreprise de transformation de produits marins LA Renaissance des Îles, en février 2023. Le juge Damien St-Onge a affirmé lundi qu’il faut six caisses pour contenir tous les documents judiciaires du dossier. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose