La Pointe de Grande-Entrée et la Pointe de Havre-aux-Maisons sont les endroits considérés les plus vulnérables à l’érosion et à la submersion côtières aux îles de la Madeleine.
La Communauté maritime des Îles a dévoilé, mardi soir, le contenu de son cadre d’intervention en érosion et en submersion côtières. Le document classifie 31 sites par ordre de vulnérabilité et établit 44 actions prioritaires à mettre en place d’ici 10 ans pour faire face aux changements climatiques.
Le site de la Pointe de Grande-Entrée, où l’on retrouve le plus important port de pêche de l’archipel, figure au sommet de la liste avec un indice de vulnérabilité de 5,19. Québec exige déjà la démolition de certains bâtiments du secteur en raison d’un danger imminent
de submersion côtière.
Deux secteurs de la Pointe de Havre-aux-Maisons, où se trouvent plusieurs commerces, une marina et de nombreux bâtiments industriels, suivent de près.
Les trois sites jugés les plus vulnérables ont tous été inondés lors du passage de la tempête Fiona en 2022.
Parmi les 31 secteurs analysés, voici ceux ayant reçu l’indice de vulnérabilité le plus élevé. Photo : Communauté maritime des Îles
L’indice de vulnérabilité a été attribué en fonction de 11 critères dotés de différentes pondérations. La fragilité de la côte, l’occupation humaine du territoire, la présence d’infrastructures et l’importance écologique de ces secteurs sont quatre facteurs qui ont été pris en compte.
Les 11 critères d’analyse choisis sont basés sur le projet Résilience côtière de l’UQAR, mais ils ont été adaptés à la réalité madelinienne. Photo : Communauté maritime des Îles
En 2020, les élus madelinots ont réclamé 80 millions de dollars sur 10 ans pour aider l’organisation municipale à protéger ses côtes face aux événements météorologiques extrêmes.
Le gouvernement du Québec avait alors demandé à la Communauté maritime des Îles de présenter un cadre d’intervention avant de délier les cordons de la bourse.
C’est un plan, une feuille de route qu’on est maintenant capables de donner aux instances gouvernementales et aux partenaires pour aider les îles de la Madeleine à faire face aux phénomènes d’érosion et de submersion côtières dans les prochaines années
, affirme le président de la Communauté maritime des Îles et maire des Îles-de-la-Madeleine, Antonin Valiquette.
M. Valiquette précise toutefois qu’une seule tempête pourrait changer les priorités et l’indice de vulnérabilité des sites, et que le cadre d’intervention sera un outil dynamique.
Les falaises du secteur Belle-Anse aux îles de la Madeleine sont rongées par l’érosion. Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
Mesures de protection à déterminer
La cheffe de section en action climatique à la Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine, Jasmine Solomon, précise qu’il est encore trop tôt pour annoncer de quelle façon les sites jugés les plus vulnérables seront protégés.
Bien que le cadre d’intervention présente différentes options d’adaptation, des études supplémentaires seront nécessaires avant de retenir des solutions pour chacun des sites.
Dans certains cas, on parle de surveillance, de protection, des actions préventives, de la captation de sable ou de la consolidation d’ouvrages déjà présents
, énumère Mme Solomon.
Ça ne veut pas dire que les 31 sites vont avoir 31 ouvrages de protection. Ça vient dire qu’il faut garder le focus sur ces sites-là et garder une surveillance pour voir comment ils évoluent.
De plus, la Communauté maritime des Îles précise que l’indice de vulnérabilité n’est pas garant de l’ordre dans lequel les sites pourraient faire l’objet d’une protection.
La cheffe de section en action climatique à la Communauté maritime des Îles, Jasmine Solomon, près d’une brèche dans la falaise qui s’approche du chemin du Gros-Cap. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
On ne va pas les protéger nécessairement en ordre, mais selon les événements qui vont se présenter, les occasions de financement et les programmes qui vont sortir
, explique Jasmine Solomon.
La Pointe de Grande-Entrée, c’est notre priorité de réflexion et de discussion, mais ça se peut qu’il y ait d’autres actions qui se fassent avant qu’on arrive à quelque chose à Grande-Entrée, mais c’est le secteur où on concentre nos efforts.
Bien que le site de la Pointe de Grande-Entrée figure au sommet de la liste, la Communauté maritime précise que les propriétaires qui ont reçu des avis d’imminence de danger de submersion côtière du ministère de la Sécurité publique doivent toujours s’y conformer.
On parle de sécurité publique, on ne peut pas dire aux gens d’oublier les avis d’imminence de risque le temps qu’on travaille le dossier, ça ne serait pas responsable
, souligne le maire Antonin Valiquette.
Un projet de protection, ça peut prendre de trois à cinq ans pour se mettre en place, donc ce n’est pas rapide
, ajoute Jasmine Solomon. Les citoyens voudraient des réponses plus rapides, mais la réalité, c’est qu’il y a un processus qui fait qu’on ne peut pas aller plus vite que ça.
Inondée lors de la tempête Fiona, la Pointe de Grande-Entrée revêt une importance économique et historique, notamment parce qu’elle abrite le plus gros port de pêche de l’archipel. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
La Communauté maritime des Îles souligne que la protection du site de la Pointe de Grande-Entrée est particulièrement complexe, puisque plusieurs ministères provinciaux et fédéraux sont propriétaires de terrains. Un comité interministériel s’est mis en place depuis quelques mois pour réfléchir à l’avenir du site commercial et portuaire.
On travaille en équipe, avec plusieurs ministères pour aboutir à quelque chose le plus rapidement possible
, explique le maire Antonin Valiquette. On a des scénarios, mais on n’est pas tout seuls à décider autour de la table.
Pas de demande budgétaire précise
La Communauté maritime des Îles sait déjà qu’elle aura besoin de beaucoup plus que les 80 millions de dollars sur 10 ans demandés en 2020 pour contrer l’érosion et la submersion côtières sur les 31 sites analysés.
Toutefois, aucune demande budgétaire spécifique n’est liée au cadre d’intervention, car la Communauté maritime des Îles estime qu’elle ne peut encore chiffrer précisément ses besoins. Chacun des sites jugés vulnérables devra faire l’objet d’analyses plus poussées et de demandes financières spécifiques.
La Communauté maritime a déjà réalisé ou confirmé quatre projets par l’entremise du Cadre pour la prévention de sinistres du gouvernement du Québec. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
La Communauté maritime des Îles considère qu’elle a toutefois un pas d’avance
à l’échelle de la province pour financer ses actions prioritaires en matière de changements climatiques, car le cadre d’intervention en érosion et en submersion côtières est déjà approuvé par Québec.
Il s’agit de la seule MRC côtière et l’une des 10 au Québec à avoir obtenu une autorisation partielle
pour déposer des projets dans le cadre du programme Accélérer la transition climatique locale (ATCL)
découlant du Plan pour une économie verte 2030.
On est les premiers sur la ligne de départ pour aller chercher du financement et faire reconnaître les besoins et actions qu’on doit mettre en place aux Îles.
Le programme ATCL peut financer jusqu’à 90 % des projets, mais il exclut pour l’instant la construction d’ouvrages de protection.
Je ne vous cache pas qu’on a l’objectif de déposer une programmation relativement costaude, mais est-ce que tout va passer et être approuvé? On ne peut pas dire pour l’instant
, mentionne Jasmine Solomon.
La Communauté maritime des Îles appelle les différents paliers de gouvernements à prendre acte du document et à délier les cordons de la bourse en conséquence.
Quand les milieux se prennent en main, qu’ils mettent autant d’efforts pour caractériser le territoire, il faut que ce soit accueilli, reçu et soutenu par les gouvernements en place qui ont des responsabilités en matière d’occupation du territoire, au provincial et au fédéral
, affirme Antonin Valiquette.
On ne pourra pas, avec nos propres moyens locaux, répondre à l’ensemble des besoins en adaptation aux changements climatiques
, ajoute-t-il.
LA UNE : La dune qui protégeait la Pointe de Grande-Entrée des assauts de la mer a été détruite par les tempêtes. Trois bâtiments voisins ont reçu des avis de danger imminent de submersion côtière du ministère de la Sécurité publique, et l’un a déjà été démoli. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose