Les chasseurs canadiens luttant contre la réglementation ont de plus en plus d’alliés en Europe.
Un regroupement de chasseurs des pays nordiques a bon espoir que la Commission européenne lèvera l’interdiction sur le commerce des produits du phoque, une réglementation dénoncée depuis des années par les chasseurs canadiens.
Ces derniers militent depuis 2009 pour faire tomber les règles, adoptées pour des raisons éthiques, qui les ont privés de leur principal marché.
Nous espérons et attendons que l’interdiction soit annulée et que le commerce soit à nouveau possible
, affirme Johan Svalby, conseiller principal en matière d’affaires internationales à la Nordic Hunting Alliance, un groupe représentant les chasseurs des cinq pays nordiques.
En mai dernier, la Commission européenne a lancé une évaluation des impacts et de l’efficacité de l’interdiction sur la commercialisation des produits dérivés du phoque. Si la commission révise sa réglementation à intervalles réguliers, cette fois-ci, nous avons le sentiment que la commission prend au sérieux l’évaluation des conséquences des règles actuelles,
affirme Johan Svalby.
De nouveaux alliés pour les chasseurs canadiens en Europe
L’évaluation se poursuit alors que plusieurs pays de la mer Baltique s’inquiètent des impacts de la croissance de la population de phoques sur les stocks de poisson et l’industrie des pêches.
Le mois dernier, la Suède a présenté à la commission une lettre lui demandant d’assouplir les restrictions sur les produits du phoque. Selon le gouvernement suédois, la gestion de la population de l’espèce dépend des chasseurs qui n’ont pour le moment aucun marché pour la viande et la peau de phoque.
Au cours des 20 dernières années, nous avons observé une augmentation importante de la population de ces espèces dans la mer Baltique, ce qui nuit au rétablissement des stocks de poisson
, a affirmé le ministre des Affaires rurales de la Suède, Peter Kullgren, pendant une rencontre des ministres de l’Agriculture du bloc de 27 pays, le 21 octobre, à Luxembourg.
D’autres pays limitrophes de la mer Baltique, dont l’Estonie, la Finlande et la Lettonie, appuient la proposition suédoise pour mieux gérer la population de phoques gris et annelés dans leur région. Ils s’inquiètent de la quantité de poissons que consomment ces prédateurs et de la destruction de l’équipement des pêcheurs.
Le ministre suédois des Affaires rurales, Peter Kullgren, participe à une conférence de presse à Stockholm en juin 2023. Photo : Henrik Montgomery/TT News Agency/Associated Press / Henrik Montgomery
Il y a beaucoup de pêcheurs en colère dans ma région
, affirme Jouni Heinikoski, un pêcheur à la retraite dans le nord de la Finlande. La population de phoques est tellement importante aujourd’hui qu’il n’est plus possible d’utiliser des filets maillant. Les pièges à saumon doivent être fabriqués avec un nylon spécial.
Que faire avec les animaux qu’on a abattus?
Selon Sven-Gunnar Lunneryd, un chercheur à l’Université suédoise des sciences agricoles, certains scientifiques estiment que si la région veut permettre aux stocks de poissons de se rétablir, il faudra réduire de moitié la population de phoques dans la mer Baltique.
Qui va le faire? Les chasseurs. Ce n’est pas une tâche qui est facile […] et il faut qu’il y ait une compensation économique
, soutient-il.
Au Canada, vous avez des quotas [de phoque] beaucoup plus importants, mais nos gouvernements encouragent nos chasseurs à participer à la chasse et en Suède, par exemple, on ne tue que la moitié de ce qui est autorisé
, renchérit Johan Svalby.
Sven-Gunnar Lunneryd souligne que la chasse aux phoques est légale dans les pays de l’Union européenne, mais que la vente des produits dérivés du phoque ne l’est pas. Une situation qui va à l’encontre des principes de la chasse durable.
Que faire avec les animaux qu’on a abattus? On les lance dans la mer? Bien sûr que non, c’est complètement immoral.
La commission doit maintenir cette législation
Dans le cadre de son évaluation, la Commission européenne a déjà effectué des consultations auxquelles des milliers de citoyens et de groupes ont participé. Les gouvernements du Canada, de Terre-Neuve-et-Labrador, du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest y ont participé, plaidant tous pour la levée de l’interdiction.
Des groupes animalistes ont eux aussi fait connaître leur avis lors du processus. Plusieurs d’entre eux, dont la Humane Society International, réclament le maintien des restrictions actuelles, qualifiant la chasse aux phoques de massacre cruel
dans leur soumission à la commission.
Le Canada a clairement l’intention cynique de défaire l’interdiction et de rétablir l’accès au marché pour ses produits cruels
, a écrit Jo Swabe, directrice des affaires publiques de la Humane Society, en juin.
La commission doit maintenir cette législation, non seulement parce que la chasse commerciale au phoque constitue une menace existentielle pour les populations de phoques vulnérables au changement climatique, mais aussi, comme l’a reconnu l’OMC [Organisation mondiale du commerce], parce qu’elle constitue à tous égards un affront à la moralité publique.
Mme Swabe a décliné une demande d’entrevue, tout comme l’ambassadrice du Canada auprès de l’Union européenne, Ailish Campbell.
Le contrôle des prédateurs ne fera rien
Le 21 octobre, le commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural, Janusz Wojciechowski, a affirmé que les préoccupations exprimées pendant les consultations seront dûment prises en considération
.
L’épuisement des ressources halieutiques dans la mer Baltique est en grande partie dû au mauvais état de l’environnement de la mer Baltique, qui affecte clairement la rentabilité des pêcheries
, a-t-il toutefois indiqué, soulignant la pollution et les faibles niveaux d’oxygène dans la région.
Le contrôle des prédateurs ne fera rien pour résoudre ces problèmes.
Le commissaire européen à l’Agriculture et au Développement rural, Janusz Wojciechowski, lors d’un débat au Parlement européen à Strasbourg, en France, en novembre 2021. Photo : Associated Press / Christian Hartmann
Oceana, un organisme non gouvernemental militant pour la protection de ces écosystèmes sous-marins, abonde dans le même sens. Le mois dernier, le groupe a expliqué au site d’actualités Euractiv que les stocks de poissons ont diminué dans la mer Baltique après des décennies de surpêche, de pollution et d’autres activités humaines
.
Une récente étude de l’Université de Göteborg soutient aussi que la chasse aux phoques gris, en Suède, pourrait déjà nuire à la pérennité de l’espèce.
La commission doit publier son évaluation de l’interdiction du commerce des produits du phoque en janvier.
LA UNE : Le phoque gris figure parmi les espèces de phoques chassés en Europe. Dans les pays de l’Union européenne, la chasse aux phoques est permise, mais il est impossible de vendre des produits dérivés de l’animal une fois abattu. (Photo d’archives) Photo : iStock / Ian Dyball
vec des informations de CBC