Un bémol aux revendications d’élargir les pêches récréatives

Publicité

Articles similaires

Comment décortiquer un homard

On retire les pinces On retire la queue On retire les...

Une 150e saison de pêche lancée aux Îles-de-la-Madeleine

Les pêcheurs madelinots ont officiellement pris la mer pour...

Téléjournal : 150e saison de pêche au homard dans l’archipel

Les quais des îles de la Madeleine fourmillent d'activité...

La Coopérative des pêcheurs des Îles prête pour la 150ème mise à l’eau

Les quais des îles de la Madeleine fourmillent d'activités...

Depuis 150 saisons, le cœur des Îles bat au rythme du homard

Sur les quais de Cap-aux-Meules, de Grande-Entrée ou de...

Des revendications pour élargir la pêche récréative au Québec reçoivent un accueil glacial de la part de l’industrie et mitigé de la part de la science.

L’organisme à but non lucratif Ensemble pour un accès aux ressources marines veut favoriser l’accès citoyen aux ressources marines, comme les crustacés, les algues ou encore les mollusques, dans une vision de développement durable et d’autonomie alimentaire.

Depuis la fin du mois d’octobre, l’organisme sillonne la région gaspésienne et madelinienne pour présenter leur projet.

Des gens assis écoutent une présentation.

Après des arrêts à Gaspé, Grande-Rivière et Carleton-sur-Mer, la tournée de lancement de l’organisme et de présentation du projet était de passage à Matane mercredi soir. Plus d’une trentaine de personnes y ont assisté. Photo : Radio-Canada / Marguerite Morin

Dérives

La directrice générale du musée scientifique Exploramer avoue craindre le pire face à cette nouvelle vague de revendications.

Même si a priori ça semble vraiment sympa d’aller, tous, nous chercher un ou deux [petits] homards pour souper, ceci reste inquiétant et hasardeux. Pour travailler directement sur un quai, je vois une quantité phénoménale de braconnage, de gaspillage [et] de pillage, écrit Sandra Gauthier dans une publication Facebook.

Mme Gauthier ajoute qu’il manque déjà cruellement d’agents des pêches pour contrôler les pêcheurs fautifs.

Sandra Gauthier, un micro à la main

Sandra Gauthier est aussi la fondatrice de Fourchette Bleue, une certification qui valorise les espèces méconnues issues du Saint-Laurent et qui encourage les gourmands à les consommer. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Roxanne Langlois

Le pêcheur de homard et directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésue, O’Neil Cloutier, est du même avis. Il est en profond désaccord avec ce mouvement.

Il estime également que l’abus est déjà présent, à ses yeux, dans les pêches récréatives déjà autorisées pour certaines espèces comme la morue, le maquereau et le bar rayé.

Il fait notamment allusion à certains groupes, en provenance d’aussi loin que Toronto, qui par le passé venaient pêcher le maquereau en masse pour les revendre dans leur région. Comment voulez-vous que les sciences puissent gérer un stock aussi fragile que le maquereau si on n’a pas les réelles données?, se questionne M. Cloutier.

Le porte-parole des pêcheurs de homard de la Gaspésie craint des dérives importantes entre autres au chapitre de la gestion des stocks, qui pourraient avoir des conséquences sur la pêche commerciale, selon lui. On comprend mal comment le ministère, avec une poignée d’agents, pourrait assumer le contrôle sur une pêche récréative tous azimuts sur 800 kilomètres de côte, de Carleton-sur-Mer jusqu’à Rimouski, fait valoir M. Cloutier.

Attention, on va trop loin! Il y a des retombées économiques importantes pour toutes les régions côtières [issues de la pêche] et si on ne veut pas sacrifier tout ça, il faut vraiment mettre un stop à ça.

Une citation de O’Neil Cloutier, directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie
O'Neil Cloutier.

Le directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie craint les conséquences d’une pêche récréative au homard. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada

Prudence et vigilance

Le professeur retraité en océanographie à l’Institut des sciences de la mer (ISMER) de l’UQAR, Émilien Pelletier, estime qu’il y a lieu d’examiner la possibilité d’une récolte de certaines espèces de mollusques, de crustacés ou encore d’algues auprès du MPO.

Par contre, M. Pelletier voit certains problèmes avec la démarche de démocratiser l’accès aux ressources du Saint-Laurent. Il y a voit d’abord un conflit évident avec les pêches commerciales.

Si on parle de quelques personnes qui profitent de la ressource, j’imagine à première vue que ce n’est pas vraiment dramatique, mais si on ouvre cette porte, je suis absolument certain que ce sont les espèces commerciales qui font l’objet d’un permis et qui sont réservées aux pêcheurs commerciaux qui vont poser problème, expose-t-il.

Il donne en exemple le homard que les gens pourraient ramasser le long des côtes à marée basse. Ceux-ci, surtout les petits, sont des individus en voie de se reproduire et ainsi essentiels à la pérennité de l’espèce.

Portrait d'Émilien Pelletier.

Émilien Pelletier est notamment professeur émérite en écotoxicologie moléculaire en milieux côtiers. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Lisa-Marie Bélanger

M. Pelletier émet également une grande réserve quant à la cueillette de mollusques pour des raisons de santé. Pour les bivalves, les interdictions [de récolte] sont liées essentiellement à la présence à la présence de microalgues toxiques et paralysantes, filtrées par les bivalves, et qui se développent pendant les mois où l’eau est relativement chaude, précise-t-il.

C’est pour cette raison qu’il est interdit de cueillir, dans certains secteurs de la péninsule gaspésienne et du Bas-Saint-Laurent, des moules et d’autres mollusques à partir du mois du printemps jusqu’à l’automne.

Ce n’est ni une raison commerciale ni un complot pour brimer les gens. C’est simplement pour une raison de sécurité alimentaire.

Une citation de Émilien Pelletier, professeur retraité en océanographie à l’Institut des sciences de la mer de l’UQAR

Émilien Pelletier rappelle que ces algues ne sont pas visibles et que leur toxicité peut se manifester malgré la cuisson des coquillages.

Il précise cependant que ces algues ne se retrouvent pas partout en raison de courants marins, notamment sur la Côte-Nord, où la cueillette des espèces autorisées se déroule sur une plus grande période.

Une palourde posée sur le sable.

Il est interdit de récolter des mollusques dans la plupart des zones côtières de la Gaspésie et du Bas-Sait-Laurent en raison de la présence de contaminants. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Susana Da Silva

Éducation et sensibilisation

Ensemble pour un accès aux ressources marines assure avoir eu que très peu de commentaires négatifs ou craintifs sur ses réseaux sociaux et dans ses rencontres avec les citoyens lors de sa tournée de lancement.

L’organisme constate par ailleurs un réel engouement et indique compter déjà plus de 300 membres qui appuient l’initiative.

Le biologiste et membre fondateur du collectif, Christophe Jourdain Bonneau, indique que son organisation entend les craintes par rapport au projet et que pour eux, la clé du succès d’une telle démarche passe par l’éducation et la sensibilisation.

En ce moment, il y a déjà des constats d’infraction émis chaque année pour du braconnage, donc je pense que d’ouvrir ces pêches et d’en parler, ça va peut-être le réduire, fait valoir M. Jourdain Bonneau.

Christophe Jourdain Bonneau.

Titulaire d’une maîtrise en océanographie de l’ISMER-UQAR, Christophe Jourdain Bonneau défend un accès citoyen aux ressources du fleuve. (Photo d’archives) Photo : Gracieuseté d’Ensemble pour un accès aux ressources marines

À ce stade-ci, l’organisme considère que toutes les méthodes pour faciliter un accès citoyen aux richesses du fleuve sont sur la table. On veut juste faire état d’une iniquité qui est là présentement […] On veut travailler avec le ministère pour faire les bons choix, résume Christophe Jourdain Bonneau.

On n’est pas revendicateur d’une manière de faire. On veut juste que les citoyens soient consultés et pris en considération dans l’établissement de l’offre et de techniques de pêche.

Une citation de Christophe Jourdain Bonneau, trésorier et membre fondateur d’Ensemble pour un accès aux ressources marines

Après Matane mercredi, une rencontre d’information a eu lieu jeudi aux Îles-de-la-Madeleine. L’organisme se déplacera au Saguenay le 5 décembre pour présenter son projet.

Des mains se sont levées pour la tenue de rencontres à Sainte-Anne-des-Monts et à Rimouski, des événements qui, selon Christophe Jourdain Bonneau, pourraient s’ajouter après la période des fêtes.

 

LA UNE : Malgré l’abondance du homard le long des côtes gaspésiennes et nord-côtières, attraper du homard sans permis est illégal et passible d’amendes. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / René Godin

PAR