À l’Étang-du-Nord, les propriétaires de trois maisons du chemin Chevarie dont l’approvisionnement en eau est précaire déplorent « l’inaction » de la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine face à leur demande d’être raccordés au réseau d’aqueduc.
Depuis trois mois, Catherine Décoste, son conjoint, Yann-Philippe Poirier, et leur fille de deux ans n’ont plus du tout accès à l’eau. Les deux puits artésiens qu’ils ont fait creuser sont à sec, après un été sans précipitations importantes.
Leurs voisins d’en face, eux, sont approvisionnés par un ancien puits situé sur un terrain municipal, qu’ils jugent désuet et non conforme à la règlementation. De plus, la pression de l’eau y est insuffisante pour assurer un approvisionnement fiable de ces deux résidences, rapporte Mme Décoste.
On est les seuls résidents du chemin qui n’ont pas accès au réseau d’aqueduc. On demande d’être traités équitablement.
Catherine Décoste affirme avoir envoyé une lettre dès 2022 conjointement avec ses voisins pour demander la prolongation du réseau d’aqueduc à la Municipalité, mais déplore que cette requête soit restée lettre morte.
On a fait plusieurs étapes au préalable, avant d’en arriver à cette situation critique là
, déplore-t-elle.
La résidence des Poirier-Décoste, la maison orange au centre de la photo, a été construite en 2021, dans une zone agricole. Leurs voisins d’en face se trouvent toutefois en zone résidentielle. Ces trois maisons du chemin Chevarie ne sont pas desservies par l’aqueduc. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
Depuis que les deux puits de sa résidence se sont complètement vidés en septembre, Catherine Décoste affirme avoir rencontré à quatre reprises des élus et des employés municipaux, sans avoir obtenu de réponses qu’elle juge satisfaisantes sur la suite des choses.
On n’a pas de réponse sur la faisabilité de faire le prolongement d’aqueduc et les coûts
, déplore-t-elle. On n’a pas de réponse à nos questions pour savoir sur quels critères la Municipalité se base pour prolonger l’aqueduc, pourquoi d’autres situations similaires à la nôtre ont été acceptées et qui paie la facture.
On s’est fait dire plusieurs chiffres allant de 60 000 $ à 300 000 $, mais on n’a pas de chiffres exacts
, ajoute Mme Décoste. On nous dit que la facture nous serait refilée et qu’en plus ça ne pourrait pas aller de l’avant avant le printemps ou l’été prochain.
Yann-Philippe Poirier et sa conjointe de Catherine Décoste trimballent environ 25 cruches d’eau par jour pour être en mesure de pouvoir utiliser leur toilette, boire de l’eau et se laver les mains. Photo : Gracieuseté de Catherine Décoste
La mère de famille affirme toutefois que la situation vécue depuis maintenant trois mois est intenable et inhumaine, particulièrement avec une fillette de deux ans et demi.
Tous les jours, on perd énormément de temps et d’énergie
, déplore-t-elle. 0n met notre vaisselle sale dans des boîtes, on apporte notre lavage et on va se laver chez des proches. On remplit des cruches trois fois par jour, au minimum, pour tirer la chasse d’eau des toilettes et essayer de se laver les mains.
C’est en train de nous rendre littéralement malades, c’est grugeant, c’est énergivore. Ça n’a pas de bons sens.
On paye nos taxes comme tout le monde et on est traité comme du sous-monde
, ajoute son conjoint, Yann-Philippe Poirier.
Le maire des Îles-de-la-Madeleine se dit sensible à la situation vécue par la famille Poirier-Décoste, mais soutient que ces propriétaires ont choisi de construire leur maison en zone agricole en sachant que leur terrain n’était pas desservi par l’aqueduc.
Lorsque la demande de construction a été faite en 2021, la Municipalité avait précisé qu’il n’y aurait pas de prolongement d’aqueduc
, affirme Antonin Valiquette. Les règles actuelles excluent les terrains agricoles du service municipal d’aqueduc, donc il faut être autonome en approvisionnement d’eau à partir d’un puits.
Le maire souligne que la Municipalité a octroyé un permis de construction à l’époque, car les propriétaires avaient fourni une étude qui concluait à la présence suffisante d’eau sur le terrain, ce qui ne s’est finalement pas avéré.
En février 2022, la Communauté maritime des Îles a interdit la construction résidentielle en zone agricole et forestière dans l’attente de l’adoption du nouveau schéma d’aménagement du territoire.
Antonin Valiquette indique que les coûts de prolongation d’environ 300 mètres du réseau d’aqueduc sur le chemin Chevarie sont évalués à au moins 300 000 $.
Le maire souligne que le conseil analyse toujours différents scénarios pour résoudre le problème, mais précise que la situation pourrait créer un précédent et engendrer d’importantes dépenses.
Est-ce que la Municipalité peut se permettre de prendre des fonds publics des contribuables pour brancher une seule maison, alors qu’il était clairement établi dès le départ qu’on ne prolongerait pas l’aqueduc en terrain agricole?
Il faut rester équitable et être un bon gestionnaire des ressources publiques dans un cas comme celui-là
, ajoute-t-il. La politique et l’aménagement du territoire, c’est l’intérêt collectif versus l’intérêt individuel. Le conseil est le gardien des fonds publics.
Le maire souligne que la mise en place d’une taxe de secteur avait été proposée en 2023 pour financer le prolongement du réseau d’aqueduc, mais que les propriétaires concernés avaient rejeté cette option la jugeant trop chère.
Bien qu’il comprenne la situation peu enviable des propriétaires sans eau courante, le maire estime que les fonds publics doivent être utilisés équitablement. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
Antonin Valiquette dit comprendre l’urgence de la situation pour la famille Poirier-Décoste et affirme que le conseil municipal veut statuer le plus rapidement possible
. Il rappelle toutefois que l’administration municipale évolue dans un cadre règlementaire rigide où plusieurs étapes doivent être respectées.
On comprend très bien leur réalité, par contre, il faut considérer l’ensemble
, indique Antonin Valiquette.
Le maire n’a pas voulu commenter la situation des autres deux maisons qui s’approvisionnent dans un ancien puits situé sur un terrain municipal, juste en face de la résidence des Décoste-Poirier. Ces bâtiments sont, quant à eux, situés en zone résidentielle et non agricole.
LA UNE : Catherine Décoste, son conjoint et leur fille doivent se rendre chez des proches pour faire leur vaisselle, leur lessive et leurs soins d’hygiène personnelle. Photo : Gracieuseté de Catherine Décoste