Survivre en transformant des produits marins de l’étranger

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Avec les changements climatiques qui entraînent une baisse et un déplacement des stocks vers les zones plus au nord, les industriels des pêches doivent se tourner davantage vers l’importation de produits étrangers et vers d’autres espèces pour assurer le maintien de centaines d’emplois dans le Québec maritime.

C’es notamment ce qui ressort du 46e Congrès de l’industrie des pêches qui a débuté mardi à Québec.

Certaines usines traversent une période de turbulences. C’est le cas des deux seuls transformateurs de crevette encore en activité au Québec : Crevette du Nord Atlantique de l’Anse-au-Griffon et Marinard de Rivière-au-Renard.

L'extérieur de l'usine de transformation Marinard. Des bateaux se trouvent à quai devant.

L’usine de transformation de crevette Marinard avait suspendu ses activités le 1er septembre 2023 avant d’être rachetée, un mois plus tard, par les frères Bill et Georges Sheehan. Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares

En raison de la prédation du sébaste, mais surtout à cause du réchauffement de l’eau, les stocks de crevettes se sont effondrés ces dernières années dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, avec un quota qui a atteint 3060 tonnes en 2024, soit cinq fois moins que les captures autorisées l’année précédente.

Mais en 2023, les pêcheurs avaient réussi de peine et de misère à pêcher 5000 tonnes de crevette.

Congrès de l'AQIP 2025

Plus de 200 personnes participent à la 46e édition du congrès de l’AQIP. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

L’organisme scientifique Ouranos a présenté mardi, en ouverture de congrès, les impacts du réchauffement climatique sur le secteur des pêches dans le cadre d’une conférence offerte aux 200 participants présents.

Le réchauffement de l’eau a notamment comme conséquence, pour les transformateurs, d’entraîner une variation de l’approvisionnement, de la qualité et, ultimement, du prix de vente des produits marins.

Le consortium Ouranos a soutenu financièrement un projet de recherche mené par des scientifiques de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) qui se sont penchés sur le comportement de la crevette nordique face aux changements climatiques.

Ce qu’ils ont montré, c’est qu’avec les changements climatiques, la population de crevettes diminuerait à la limite sud de l’aire de répartition des stocks et que les populations allaient se déplacer vers le nord où les eaux sont plus froides.

Une citation de Anne Blondot, agronome et coordonnatrice de la science de l’adaptation, Ouranos
Anne Blondot, du consortium scientifique Ouranos.

La chercheuse Anne Blondot est venue rappeler notamment aux industriels des pêches que chaque dollar investi en adaptation aux changements climatiques rapporte des bénéfices de 15 dollars. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

Les transformateurs de crevette s’approvisionnaient déjà à l’étranger durant les périodes où les débarquements locaux étaient en baisse, mais avec la diminution draconienne des stocks ces dernières années, cette pratique s’est accélérée.

Qu’elle provienne du Groenland, de la Norvège, du Danemark ou de Terre-Neuve-et-Labrador, la crevette importée fait augmenter de façon significative les coûts de transport, mais assure la survie des usines.

Travailleuse d'usine chez le transformateur La Crevette du Nord Atlantique

Avec les coûts de production actuels en raison de l’approvisionnement qui se fait à l’étranger, les transformateurs québécois visent le marché nord-américain. Mais que se passera-t-il avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump? (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

Chez Marinard, à Rivière-au-Renard, cette stratégie d’affaires permet de maintenir 70 emplois.

L’usine avait été relancée en 2023, après son acquisition par les frères Georges et Bill Sheehan, de l’entreprise E. Gagnon et fils.

Si cette crevette d’importation là nous permet d’avoir un autre cinq ans, est-ce qu’après la crevette va être de retour? Est-ce qu’on va devoir se diversifier dans des espèces en croissance en Gaspésie comme le homard?, se demande le copropriétaire de l’usine Marinard, Bill Sheehan.

Bill Sheehan, vice-président de E.Gagnon et fils.

Bill Sheehan quittera la présidence de l’Association de l’industrie de la pêche lors du 46e congrès après avoir été élu la première fois en 2020. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

Le directeur général sortant de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), Jean-Paul Gagné, explique que cette stratégie avait permis il y a 30 ans aux usines touchées par le moratoire sur le poisson de fond de maintenir leurs activités. Un seul transformateur avait fermé ses portes au Québec à la suite de cette crise qui avait secoué le monde des pêches, rappelle-t-il.

Quand il y a eu le moratoire sur la morue, les usines achetaient de la morue russe en attendant de se diversifier, parce que la diversification, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Actuellement, pour remplacer des espèces comme le turbot qui est en baisse, on a le sébaste.

Une citation de Jean-Paul Gagné, directeur général, AQIP

Le transformateur de poisson de fond Les pêcheries gaspésiennes doit aussi s’approvisionner à l’extérieur pour sa fameuse morue séchée salée qui fait la renommée de la Gaspésie depuis des siècles.

Diversifier ses activités fait partie de l’ADN de l’entreprise, avec la variation de l’approvisionnement, mais atteindre la rentabilité n’est pas évident pour l’usine de Rivière-au-Renard qui doit acheter de la morue de l’Alaska ou de la Norvège.

On a toujours fait de la morue séchée salée. On s’approvisionne à l’extérieur, on fait des produits fumés à chaud, fumés à froid. On est dans le homard vivant maintenant avec l’achat de viviers et le sébaste. Donc, c’est important de se diversifier pour affronter ce qu’on ne contrôle pas : la baisse des stocks.

Une citation de Olivier Dupuis, directeur général, Les Pêcheries Gaspésiennes
Un homme souriant dans une usine de transformation de poisson avec des équipements derrière.

Olivier Dupuis est directeur général de l’usine de Rivière-au-Renard Les Pêcheries Gaspésiennes, spécialisée dans la transformation du poisson de fond. Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

De nouveaux marchés à conquérir pour la crevette

Avant la pandémie et l’effondrement des stocks de crevettes nordiques dans l’estuaire et le golfe, le principal marché d’exportation était l’Europe et le Royaume-Uni, mais avec les coûts de production actuels en raison de l’approvisionnement qui se fait à l’étranger, les transformateurs québécois visent le marché nord-américain.

La Norvège ou d’autres pays scandinaves ont un avantage concurrentiel avec le transport parce que la matière est là-bas, ils sont plus près que nous de l’Europe, mais en Amérique du Nord, aux États-Unis, on a des contacts et on est déjà dans le marché du homard et du crabe des neiges et ce sont souvent les mêmes clients, que ce soit les compagnies de croisière ou les casinos, ajoute Bill Sheehan, qui est aussi vice-président de l’usine E. Gagnon et fils, un transformateur de crabe des neiges et de homard.

Toutefois, les éventuels tarifs douaniers envisagés par le président américain désigné, Donald Trump, viendraient court-circuiter cette stratégie d’affaires, tout en étant catastrophiques pour l’industrie du crabe des neiges dont le principal marché d’exportation demeure les États-Unis.

Pour la crevette, il n’y en a pas aux États-Unis, mais est-ce que les pays scandinaves auront des tarifs douaniers? Si la réponse est non, ça va nous faire mal. Pour le crabe des neiges, ce qui ferait encore plus mal, en plus des tarifs douaniers, serait que le nouveau président lève l’embargo sur le crabe russe. Là, on serait doublement désavantagés. Mais on vit d’espoir et que ça ne se produira pas, conclut le transformateur gaspésien et président sortant de l’AQIP.

Le 46e Congrès de l’industrie de la pêche se poursuit jusqu’à jeudi à Québec.

LA UNE : Les transformateurs de crevette s’approvisionnaient déjà à l’étranger durant les périodes où les débarquements locaux étaient en baisse, mais avec la diminution draconienne des stocks ces dernières années, cette pratique s’est accélérée. (Photo d’archives) Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

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