Ce n’est pas d’hier que je crie haut et fort qu’Elon Musk est un homme aux valeurs discutables. Ses frasques verbales ne se comptent plus, et il les fait sans aucune gêne sachant très bien qu’il n’y aura jamais de conséquences à ses actes. Dans la liste de ses dernières déclarations, en réponse à la pétition nationale qui demande au gouvernement de révoquer sa citoyenneté canadienne (eh, oui, Elon Musk a aussi la citoyenneté canadienne) signée par plus de 236 000 personnes, il affirma sur X que : « Le Canada n’est pas un vrai pays » (Canada is not a real country »). Après quelques heures, il a retiré le message, mais maintenant, le fond de sa pensée est connu. Il ne s’agit là que d’une autre frasque verbale d’un homme qui fait partie d’une administration qui veut annexer le Canada, rien de trop grave…
Toutefois, dans ses nouvelles fonctions improvisées au Department of Government Efficiency, le fameux DOGE, M. Musk peut se mettre le nez partout dans l’administration des organisations gouvernementales. Dans la longue liste de ces organisations, il y a aussi la National Highway Trafic Safety Administration (NHTSA). Vous avez très certainement fréquemment entendu parler de cette organisation qui est le pendant étasunien du ministère des Transports chez nous.

Ce sont eux qui émettent des rappels, interdisent la vente de véhicules s’ils sont jugés trop dangereux. Le rôle de cette organisation est d’être le chien de garde de la sécurité automobile aux États-Unis. Avons-nous besoin de vous dire que, quand la NHTSA se saisit d’une affaire, habituellement, le Canada et le reste du monde surveillent le dossier de près? C’est donc sur une très grande partie de la sécurité automobile mondiale que cet organisme à une influence. Vous voyez notre ami Elon Musk et son amour des restrictions et des contraintes débarquer à la NHTSA?
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Comme il est à la tête de Tesla, il est en conflit d’intérêts flagrant face à la NHTSA. Avec tout son honneur habituel, il ne s’est même pas demandé s’il est normal que l’un des acteurs les plus influents de l’industrie de l’automobile, et souvent réprimandé, aille faire du ménage dans une organisation qui le surveille. Non seulement se pointe-t-il à la NHTSA avec un objectif de réduction des effectifs de 4 %, mais il a également un département bien en tête : National Highway Traffic Safety Administration’s Office of Vehicle Automation Safety. Quel est le rôle de ce département? Il gère et réglemente tout ce qui touche l’autonomisation de l’automobile. Vous ne voyez toujours pas le conflit d’intérêts?

Tesla a beau être un chef de file en matière d’autonomisation, l’entreprise a toujours besoin d’un chien de garde collectif pour assurer la sécurité routière. Ce n’est un secret pour personne que Tesla a mis sur la route des programmes de conduite autonome dont la fiabilité n’étaient pas démontrée et qui demandaient encore d’importants réglages. M. Musk a toujours décrié le NHTSA comme étant trop interventionniste sur ses dossiers. Dans cette foulée, Tesla est actuellement sous la contrainte de 8 enquêtes différentes, dont 5 qui touchent justement la calibration de son système de conduite AutoPilot « autonome » et Full Self Driving (FSD) qui ont fait défaut et entrainé des accidents. Vous ne voyez toujours pas le conflit d’intérêts?
Dans cette même veine, Elon Musk a la ferme intention de lancer un vaste parc de Robotaxi, une voiture entièrement autonome partout aux États-Unis. On ne parle pas d’une ou de deux voitures, mais bien de plus d’un million. Le Robotaxi développé par Tesla n’a pas de volant, il est donc tenu d’être entièrement autonome. On n’a donc aucune marge de manœuvre pour les tests, la calibration ou l’apprentissage. Ces véhicules seront sur les routes avec des passagers à bord et d’autres usagers dans les environs, il y a un risque réel. Elon Musk est impatient de les voir rouler.

Les 4 % de coupures exigés par M. Musk ne touchent que 30 personnes à la NHTSA. Ce qui est inquiétant, c’est que la National Highway Traffic Safety Administration’s Office of Vehicle Automation Safety est le département qui a été le plus visé et qui a le plus haut taux de licenciements. Suivant l’annonce des coupures, un employé de la NHTSA a commenté la situation : « Laisser le DOGE licencier ceux de la division autonome est une pure folie — nous devrions faire du lobbying pour ajouter des gens à la NHTSA ». C’est quand même un drôle de hasard que ce soit précisément le département qui impose le plus de contraintes techniques à Elon Musk qui soit aussi le plus visé par ses coupes budgétaires au nom de la réduction de la taille de l’État. Vous ne voyez toujours pas le conflit d’intérêts?
Ces coupures interviennent alors que les automobiles et les systèmes d’aides et d’assistances à la conduite sont de plus en plus complexes et présents. En ne permettant pas aux institutions gouvernementales d’en faire l’évaluation et la validation, ce sont les usagers de la route qui deviennent carrément sous la menace d’une roulette russe. De l’aveu même de l’organisation, avec la diversification des technologies et des plus récentes avancées, il devrait y avoir plus de personnel, pas moins.

Tout le monde doit être inquiet de cette situation, d’autant plus que Tesla a la capacité de faire des mises à jour à partir du nuage (Over the air) d’une manière extrêmement efficace. L’entreprise peut changer les paramètres et la programmation de ses systèmes sans aucune intervention du propriétaire. Donc, des millions de Tesla pourraient recevoir des modifications de programmation non validées ou, du moins, pas suffisamment. Vous ne voyez toujours pas le conflit d’intérêts?
C’est scandaleux
Si vous ne le voyez pas, nous n’avons pas la même perception des choses. Si Elon Musk avait minimalement eu la décence de mandater une autre personne pour s’attaquer à la NHTSA, l’histoire serait déjà moins scandaleuse, mais non, il y a un scandale et personne ne dit rien, c’est juste une autre frasque de plus dans une mer de frasques toutes plus indécentes les unes que les autres. Tout ce qu’il y a voir ici, c’est un homme qui a l’extraordinaire capacité de se débarrasser des contraintes qui pourraient lui mettre des bâtons dans les roues. Ce faisant, il se fout complètement de la sécurité des personnes qui le font vivre en achetant ses voitures. C’est grave, très grave. Tout ça au nom de la cupidité de l’un des hommes déjà parmi les plus riches du monde.
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