Produits marins : des usines aux têtes grises

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L’enjeu de la main-d’œuvre est la principale menace à la survie des entreprises de transformation des produits marins au cours des prochaines années. C’est le constat que fait le spécialiste et chercheur, Laurent Girault, directeur de la valorisation de la biomasse au centre de recherche Mérinov.

 
Dans les usines où le salaire d’un journalier varie de 12 à 15 $ l’heure, le travail n’est pas facile. Durant la saison de pêche, les semaines de 50, 60 voire 70 heures sont fréquentes. Le travail se fait souvent debout, au froid. Enfin, la saison est courte et il n’y a plus autant de gens attirés par un emploi de moins de 20 semaines suivi d’une longue de période de chômage.

« Attirer les jeunes dans ces entreprises est difficile. Les garder l’est encore plus », observe Laurent Girault.

Mécanisation et diminution des emplois

Pour contrer le problème, les usines se tournent de plus en plus vers la mécanisation. « La volonté générale est maintenant de remplacer les postes les plus pénibles par des robots, constate Laurent Girault. Pas nécessairement pour faire des économies quoi qu’ils en font, mais parce qu’ils savent très, très bien que dans dix ans ils n’auront plus personne pour effectuer ces tâches. »

Comme ce fut cas dans les fermes laitières, le travail routinier, sans spécialisation, tend à disparaître au profit d’emplois plus valorisants et mieux payés. L’industrie a d’ailleurs, constate M. Girault, une très mauvaise image.

« Tout le monde a dans l’esprit la petite madame les pieds dans l’eau glacée à travailler du matin au soir. Ça reste une réalité, mais il y a de plus en plus d’opportunités de travailler à des niveaux plus intéressants. »— Laurent Girault, Directeur de la valorisation à Mérinov

 

C’est d’ailleurs le virage que prend Gilles Gagnon de Crabiers du Nord à Porneuf-sur-Mer et de l’usine Umek à Sept-Îles. Les deux usines comptent 200 employés. Moyenne d’âge de celle de Portneuf : 51 ans. « J’ai même des gens de 70 ans qui travaillent encore », indique-t-il.

Il y a quelques années, M. Gagnon a mécanisé son usine de Portneuf, une usine multiespèces qui transforme du poisson de fond, du crabe, du buccin, de la mactre de Stimpson à partir du début avril jusqu’en novembre. La production est exportée à 90 %.

Modernisation à Sept-Îles

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Les crabiers du nord ont mécanisé leur production

L’expérience de Portneuf amène maintenant Gilles Gagnon et ses associés à mécaniser l’usine de crabe de Sept-Îles.

« On a encore plus de problèmes à Sept-Îles qu’à Portneuf. On a même été obligé, il y a deux ans, de faire venir des Mexicains. Ça n’a pas été une réussite », commente l’homme d’affaires.

Environ 1,5 million de dollars seront investis en trois ans pour réduire les besoins de personnel. Déjà, avec les transformations effectuées au cours de la dernière année, 25 emplois de la chaine de transformation ne sont plus requis. Une vingtaine d’autres sont aussi appelés à disparaître au cours des deux prochaines années.

Après la mécanisation, Gilles Gagnon pense déjà à l’étape suivante : la robotisation. D’ailleurs, dans l’ensemble des usines de transformation, la productivité est en hausse parallèlement à une diminution du nombre d’emplois en usine.

Nouveaux procédés, nouveaux produits

Cette pénurie amène ainsi les usines sur le terrain de l’innovation. Certaines vont s’intéresser à l’ergonomie des postes de travail pour rendre les tâches moins difficiles. D’autres vont modifier leur procédé de transformation.

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Des travailleurs d’une entreprise de transformation du homard (archives).

André-Pierre Rossignol, conseiller à l’exportation des produits marins à GIMXPORT, donne l’exemple d’usines de la Gaspésie et des Îles qui ont demandé au Centre de recherche industrielle du Québec de développer une machine qui servira à découper les coudes de homard.

En plus de venir remplacer une main-d’œuvre de plus en plus difficile à trouver, l’outil facilitera la récupération de la chair et augmentera la productivité.

De même, les usines de homard de la Gaspésie s’intéressent de plus en plus à la technologie hyperbare qui facilite le décorticage du crustacé.

Cette technique, qui est déjà utilisée notamment par certaines usines de l’Atlantique, ouvrira de nouveaux marchés aux transformateurs du golfe. Ainsi, l’Allemagne n’accepte pas de homard bouilli ou cuit à la vapeur pour des motifs de cruauté envers les animaux. Le procédé hyperbare permet une mort instantanée en plus d’offrir la possibilité de commercialiser une chair crue, appréciée des grands chefs.

Ces technologies seront implantées au cours des prochains mois, au plus tard, dans les années qui viennent, indique M. Rossignol.

« C’est un problème à la base, mais qui permet de développer de nouveaux produits, des innovations, ce qui nous rend plus compétitifs qu’avant. »— André-Pierre Rossignol, conseiller à l’exportation.

 

Allonger la saison

Selon Laurent Girault, les entreprises font face à un dilemme soit être plus spécialisée pour être plus efficace et plus compétitif sur le marché international soit être plus polyvalent pour avoir une saison plus longue. « Les deux impératifs sont plus difficiles à concilier », relève M. Girault.

La transition se heurte par ailleurs à des problèmes de culture générationnelle. Souvent, il y a un noyau dur d’employés qui ne veut pas travailler au-delà de la saison de pêche tandis qu’arrivent de nouveaux employés qui veulent travailler sur une base annuelle.

« C’est une des raisons pour lesquelles les entreprises demeurent plutôt prudentes avec les projets de diversification. Elles vont souvent y aller avec un petit volume parce qu’elles craignent que si le projet est trop réussi de se retrouver avec un problème de main d’oeuvre », constate le spécialiste de Mérinov.

Mais la tendance est là et l’industrie pour allonger sa saison se tourne maintenant vers la transformation de nouvelles espèces comme le concombre de mer, la crevette de roche ou les algues ou bien la transformation de matières premières congelées.

Gilles Gagnon des Crabiers du nord travaille d’ailleurs sur des projets de deuxième et troisième transformation pour que la main-d’œuvre puisse travailler aussi durant l’hiver.

 

 

LA UNE : Usine des Pêcheries Marinard  Photo :  Myriam Fimbry