Le miraculé de Rio

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RIO DE JANEIRO | Les vacanciers aux Îles-de-la-Madeleine devront se montrer plus tolérants mardi. Dans les restos, les commerces et autres lieux publics, tous les Madelinots auront un œil sur la télé à surveiller «leur» Hugo Barrette s’élancer au vélodrome de Rio.

Parmi les 5600 spectateurs autour de cet ovale récemment inauguré, Serge Barrette et Dominique Gauthier verront leur fils filer à une vitesse folle dans l’épreuve du keirin. Une douce fierté montera en eux.

«Ça va être très émotif. Qu’il gagne une médaille ou non, on ne pourra jamais lui enlever son titre d’olympien. On ne peut pas rester insensible à ça. Quand ils vont les lâcher sur la piste, il aura atteint son rêve olympique. Comme parent, c’est extraordinaire», partage le couple, attablé dans un hôtel aux abords de la plage de Barra da Tijuca.

«Le plus rêveur»

Le rêve. Ce mot si galvaudé dans le langage olympique retrouve sa réelle signification dans ce cycliste de 25 ans venu du large. Troisième d’une lignée tissée serrée de six enfants, on ne doit pas se surprendre qu’il soit devenu la montagne de muscles requise dans cette épreuve basée sur l’explosion.

Initié au vélo à l’âge de 16 ans, aussi bien dire sur le tard, son ascension fulgurante qui l’a conduit aux Jeux olympiques s’explique mieux quand papa et maman nous invitent à remonter avec eux à il y a une vingtaine d’années.

«Par rapport aux autres, Hugo a toujours été le plus rêveur. Depuis qu’il est petit, l’imaginaire est son domaine», relate son père.

«Quand il partait sur quelque chose, il allait jusqu’au bout, approuve Dominique. S’il décidait qu’il était Peter Pan, c’est lui qui devenait le vrai Peter Pan. Il s’habillait en Peter Pan. Il y croyait.»

De la tragédie…

Restons dans la magie, dans ce cas, puisqu’il doit y avoir un peu de la Fée Clochette dans cette histoire renouvelée de Peter Pan.

Le 27 octobre 2015, au cours d’un entraînement précédant la Coupe du monde de Cali en Colombie, Barrette a frôlé la mort en étant éjecté de son vélo à plus de 70 km/h. Il évite de sa tête une barre métallique avant de terminer sa course dans la balustrade. Résultat: deux vertèbres et nez fracturés, commotion cérébrale et lacération à la lèvre inférieure. Il demeurera 10 jours dans un hôpital local, par un heureux hasard reconnu mondialement dans le domaine de la plastie.

«Douze heures qui ne furent pas amusantes», évoque Serge Barrette, partagé alors entre sa profession de médecin et l’angoisse d’un père dans l’attente d’informations en apprenant la nouvelle.

Au moment présent

Cet accident raconté des milliers de fois dans les médias a fini par devenir une blague entre le cycliste, ses deux frères aînés et ses trois sœurs cadettes. La question surgit régulièrement: «C’tu vrai que t’as eu un accident, Hugo?»

Le miraculé a depuis clamé son bonheur d’être encore en vie, d’autant plus qu’il a réussi l’impossible au mois de janvier suivant. Sa deuxième place à l’épreuve de keirin de la Coupe du monde de Hong Kong a confirmé sa place aux Jeux de Rio.

Si son père revient sur cet épisode traumatisant, c’est pour mieux parler du moment présent.

«À la suite de cet événement, je me suis dit qu’il y a deux choses pour expliquer cette rapide guérison. Il y a sa forme physique exceptionnelle comme celle de tous les athlètes qu’on voit ici, mais j’ai l’impression aussi que ça trottait dans sa tête. Il a dû se dire: si je ne rembarque pas sur ce bicycle-là, je ne pourrai pas aller aux Jeux olympiques.»

Encore cette magie à la Peter Pan, donc? «Exactement, croit sa mère. Il avait son rêve en tête.»

Effervescence aux «Îles»

Les restaurants et bars de l’archipel ont invité les locaux et les visiteurs à visionner les courses de Barrette mardi. Pour répondre à la pression populaire des 12 000 résidents, la municipalité de Cap-aux-Meules ouvrira sa salle communautaire pour accommoder les familles avec enfants.

«Sa présence aux Jeux olympiques lance un message de courage et de détermination qui saura, je l’espère, inspirer la communauté des Îles-de-la-Madeleine», nous écrit par courriel le maire Jonathan Lapierre.

«Ce qui nous rend le plus heureux, c’est que c’est M. et Mme Tout-le-Monde qui se sent concerné par Hugo. On ne peut pas faire trois pas sans se faire aborder à son sujet. J’ai des personnes dans ma clientèle qui ont 85 et 90 ans et, avant même la raison médicale de leur visite, elles me parlent d’Hugo dès qu’elles entrent dans mon bureau», raconte le Dr Barrette.

Du cinéma

Forcé de filer à Los Angeles pour combler le manque de vélodrome au Canada, au tournant de ses 20 ans, Hugo Barrette en avait profité pour suivre des leçons de comédien au Beverly Hill Playhouse, une école qu’ont notamment fréquentée George Clooney, Tom Selleck et Michelle Pfeiffer. Encore quelque chose qui repose dans un coin de sa tête, se dit-on.

Après deux médailles d’or et une de bronze aux Jeux panaméricains à Toronto il y a un an, nous réserve-t-il du cinéma mardi?

 

VITESSE, EXPLOSION ET STRATÉGIE

Hugo Barrette a procédé à une répétition au vélodrome de Rio, lundi, en prévision de son épreuve mardi.
PHOTO DIDIER DEBUSSCHÈRE

RIO DE JANEIRO | Avis aux curieux pour l’épreuve de keirin: les vitesses atteintes et la courte durée d’une course obligent à arriver tôt pour ne rien manquer.

Hugo Barrette fait partie d’un tableau de 27 concurrents à cette compétition d’une seule journée. Quatre manches serviront à identifier les médaillés, soit un premier tour, un repêchage en guise de deuxième chance, la demi-finale et la finale. Pour chacune des quatre manches, les sprinteurs sont répartis en groupe de six ou sept.

Durant les cinq premiers tours et demi d’une course, le peloton suit une moto qui l’amènera progressivement d’une vitesse de 30 km/h à 50 km/h. Avec deux tours et demi à jouer, ce «lièvre» quitte la piste pour laisser la meute régler ses comptes.

Au total, 12 coureurs accéderont aux demi-finales, puis six dans l’ultime course. Vitesse, explosion et stratégie de positionnement guident ces téméraires. Un peu de chance aussi…

Par : Alain Bergeron