Les pêcheurs accueillent avec appréhension les nouveaux refuges marins

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L’industrie des pêches s’inquiète de la décision d’Ottawa de créer onze nouveaux refuges marins dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent. Bien qu’elle soit favorable au principe, l’industrie des pêches estime que le ministère a mal évalué les conséquences de cette décision.

Les onze nouveaux refuges marins sont situés autour de l’île d’Anticosti et à l’est des Îles-de-la-Madeleine. La pêche y sera encore permise, mais très encadrée.

Dès le mois de décembre, l’utilisation de certains engins de pêche qui touchent le fond, tels que le chalut de fond, la drague, les filets maillants, la palangre de fond, la seine de fond et les casiers, seront interdits dans ces zones.

Carte de sept nouveaux refuges marins créés par Pêches et Océans
Sept des onze nouveaux refuges marins créés par Pêches et Océans   Photo : MPO

Les utilisateurs de flottilles d’engins fixes, comme celles des pêcheurs de poissons de fond, croient que Pêches et Océans est allé trop vite au détriment de l’industrie et même des espèces commerciales.

Le directeur général de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), Jean-Paul Gagné, souligne que l’industrie est loin d’être contre la création de zones protégées. « On est pour une pêche durable. C’est surtout dans la manière de faire », dit-il.

Pour Jean-René Boucher, secrétaire de l’Office des pêcheurs de flétan du Groenland du Québec et président du Regroupement des pêcheurs professionnels du nord de la Gaspésie, il aurait fallu un an de plus pour établir un vrai dialogue avec l’industrie.

Quatre des onze nouveaux refuges marins créés par Pêches et Océans
Quatre des onze nouveaux refuges marins créés par Pêches et Océans   Photo : MPO

Ateliers, consultations et résultats

Maryse Lemire, directrice régionale de la gestion des pêches à Pêches et Océans, rappelle que les consultations ont débuté à l’automne 2016 et se sont poursuivies jusqu’à l’été 2017.

«On a travaillé beaucoup avec les pêcheurs pour recueillir le plus d’informations possible. Ça a été une consultation et des échanges soutenus.» – Maryse Lemire, directrice régionale de la gestion des pêches à Pêches et Océans

Malgré tout, Jean-René Boucher estime que Pêches et Océans Canada n’a pas vraiment considéré l’avis des pêcheurs.

Un bateau de pêche
Un bateau de pêche Photo : Radio-Canada

Les pêcheurs de poissons de fond soutiennent que les espèces que le ministère veut protéger ne sont nullement menacées par les engins de pêche.

« On pêche dans ces endroits depuis une quarantaine d’années, souligne Jean-René Boucher, et on recense encore des plumes et des éponges en grand nombre malgré l’utilisation de nos engins qui sont tout à fait passifs. »

« Les coraux et éponges sont très importants pour les écosystèmes marins. Ce sont des organismes qui se développent très lentement, qui ont une longue durée de vie et qui ne se déplacent pas, donc qui sont très sensibles aux engins de pêche, aussi légers soient-ils », explique Mme Lemire.

Selon Mme Lemire, des études permettent de conclure que les engins posent un risque pour les communautés benthiques comme les coraux ou les éponges de l’est du Canada.

Des pertes évaluées différemment

Pêcheurs au travail. Débarquement à quai.
Pêcheurs au travail; débarquement à quai Photo : Radio-Canada

Pêches et Océans évalue les pertes à 300 000 $ pour les flottilles touchées, soit moins de 1 % de la valeur de l’ensemble des débarquements de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent, estimés à plus de 400 millions de dollars.

Ce n’est pas ce que l’industrie calcule. « Pour quelques transformateurs seulement, on parle d’un ordre minimal de 3 millions de dollars, et c’est seulement pour quelques usines de poissons de fond et de turbot », rapporte Jean-René Boucher.

Ces craintes sont partagées par les industriels. « Si ça diminue les captures, ça va aussi diminuer la transformation et notre mise en marché des produits », relève Jean-Paul Gagné de l’AQIP.

«Quand on dit que cela aura un impact minime pour les pêcheurs, on ne va pas très loin, parce que oui il y a le pêcheur, mais il y a aussi tous les travailleurs et toutes les communautés que ces emplois font vivre.» – Jean-René Boucher, secrétaire de l’Office des pêcheurs de flétan de Groenland du Québec

Déséquilibre entre les zones?

Pour soutenir l’effort de pêche et maintenir les prises, les pêcheurs craignent aussi que certaines zones ne soient surexploitées.

Pêches et Océans entend mettre en place des mesures de suivi sur les objectifs de conservation. L’AQIP souhaiterait que ce comité soit aussi mandaté pour évaluer les impacts de la création de ces nouveaux refuges sur l’industrie.

L’Association entend déposer une demande officielle au ministère.

Image du ROPOS du golfe du Saint-Laurent.
Image du ROPOS du golfe du Saint-Laurent   Photo : Gracieuseté

Avec la création des 11 nouveaux refuges marins, le Canada compte maintenant 5 % de zones côtières et marines protégées. Le pays souhaite que les territoires marins protégés représentent 10 % de la superficie totale des eaux canadiennes d’ici 2020.

 

Un texte de Joane Bérubé

LA UNE : Les océans recèlent encore bien des secrets; une espèce de corail baptisée « bubblegum ».   Photo : Pêches et Océans Canada