En préparation pour les championnats du monde, la course la plus importante de la saison de cyclisme sur piste qui aura lieu à Pruszkow en Pologne, l’occasion était belle pour en savoir un peu plus sur la façon dont Hugo Barrette, cet athlète d’exception, s’envole vers l’excellence dans son quotidien. Voici mon entretien avec lui sur des questions qui englobent des aspects cruciaux de son entrainement ainsi que de sa nutrition.
Pour ceux qui ne connaissent pas Hugo, il faut mentionner qu’il ne passe pas inaperçu avec ses muscles que le vélo peine à soutenir tellement la puissance qu’il génère est dissimulée de façon féroce! C’est d’ailleurs ce phénomène qui m’a amené à ma première interrogation à son sujet.
Y a-t-il une limite à prendre de la masse musculaire?
Avant d’approfondir sur cette question, il faut savoir qu’Hugo a commencé sa carrière en vélo de route et c’est à l’âge de 17 ans, qu’il a eu une poussée de croissance musculaire ce qui lui a fait prendre la direction du vélodrome. À ce moment, il pesait 160 lb et c’était il y a 10 ans. À l’aube des championnats du monde, du haut de ses 5 pi 10 po, Hugo pèse 190 lb, ce qui signifie qu’il a pris 30 lb de pur muscle. Imaginez ce changement, imaginez à quel point la force doit être absolue avec tous ces muscles supplémentaires.
Hugo : « Je veux toujours être plus fort et plus puissant. Le poids ne m’affecte pas vraiment, parce que je n’ai pas à faire de départ arrêté dans les épreuves de sprint et de keirin. Par contre, si j’ai trop de masse musculaire, ça peut me ralentir au niveau de l’aérodynamisme. Oui, quand je fais beaucoup de travail en force, le haut du corps va grossir, mais il faut faire attention, je ne veux pas devenir un parachute! Par rapport à l’élite mondiale, je suis un des gars les plus proportionné avec un haut du corps très fort. »
Comment percevoir les gains acquis au gymnase?
Je suis très curieuse. Je veux savoir comment le travail qu’Hugo fait dans la salle de musculation à raison de 3 à 4 fois par semaine se manifeste sur son vélo. Quand il fait de l’haltérophilie (l’arraché), des squats, des soulevés de terre (deadlifts) et du travail spécifique unilatéral, à quel moment est-il en mesure de noter cette transformation d’efficacité sur le vélo? Est-ce qu’en embarquant sur le vélo, il le sait tout de suite qu’il a fait des gains? Pour les curieux comme moi, voyez cette vidéo d’Hugo en gymnase.
Hugo : « C’est vraiment long avant de ressentir les bénéfices. Au début de ma carrière, ça prenait 3 à 4 mois pour voir les dividendes de ce que j’avais fait comme travail en force. Maintenant, le transfert sur le vélo se fait beaucoup plus rapidement. La vitesse pour moi, c’est quelque chose de naturel et c’est difficile à améliorer. De l’autre côté, ma puissance est limitée, donc en faisant du travail en force, je peux améliorer tant ma vitesse que ma puissance. C’est pourquoi on met cet entrainement en priorité pour maximiser tous les gains. Faire de la vitesse pour faire de la vitesse, tu risques d’atteindre un plateau, tandis que travailler en force, sur une période de 20 ans, tu peux t’améliorer à chaque année et à la longue tu peux transférer ça sur le vélo. »
Comment obtenir cette vitesse pure sur le vélo?
La plupart du temps Hugo fait son travail en force dans le gymnase le matin et en après-midi, il s’entraine sur la piste du vélodrome avec son vélo à braquet fixe et sans freins. Parfois, il laisse tout dans le gym et lorsqu’il arrive sur son vélo, il ne lui reste plus rien dans les jambes! Mais alors comment ne pas négliger l’obtention de vitesse pure, ce qui sois-dit en passant est l’essence même des victoires sur le circuit mondial. Je vous rappelle que lorsqu’il a gagné sa médaille d’argent à la coupe du monde de Milton au mois d’octobre dernier, il a franchi la ligne d’arrivée avec une vitesse de 69,66 km/h, derrière celui qui a été sacré 6 fois champion olympique, Jason Kenny de la Grande-Bretagne.
Hugo : « Il y a différentes manières d’améliorer la vitesse et c’est ce qui fait la beauté du sport. Il y a la vitesse maximale et la vitesse d’entrée où tu peux aller la chercher en utilisant l’inclinaison de la piste qui est de 8 mètres de haut. Tu peux donc partir à différentes hauteurs et à ça s’ajoute les multiples braquets qu’il est possible d’utiliser. Il y a des écarts énormes entre les braquets, tu peux t’exercer à 60 RPM ou encore à 200 RPM. (RPM : Rotation par minute)
La vitesse c’est complexe. C’est plus que juste aller vite! Avec mon entraineur, on regarde mes cadences optimales et comment on veut les augmenter avec le bon braquet. Moi je suis plus rapide d’un dixième de seconde par année depuis les 8 dernières saisons, mais retrancher un dixième de seconde par mois, ce serait énorme comme progression. Mon accélération c’est ma force et tout le monde sur le circuit le sait. Je fais donc mes compétitions en conséquence. »
La nutrition pour maintenir la masse musculaire, ça ressemble à quoi?
L’aspect nutrition est excessivement important pour un athlète et peu importe le sport, rien n’est laissé au hasard. Dans le cas d’Hugo, il fait la plupart du temps des efforts courts, mais très violents sur le système nerveux. À titre d’exemple, imaginez-vous en train de faire un effort d’approximativement 20 secondes à plus de 110% de vos capacités et en utilisant pratiquement tous les muscles de votre corps. Je vous garantie que la sensation dans vos jambes sera douloureuse! Pour ce type d’effort le corps d’Hugo doit être bien nanti musculairement certes, mais il doit aussi être en mesure de maintenir cette masse. Qu’est-ce qu’il mange pour y arriver?
Hugo : « J’ai exploré beaucoup d’avenues dans ma carrière et il y a des choses qui étaient mieux pour moi. Je n’ai pas une diète exceptionnelle, je m’assure seulement d’avoir suffisamment de protéines et c’est la priorité. Je mange beaucoup de glucides, parce que c’est mon gaz. Je suis un fan de riz et d’avoine et j’en ai dans presque tous mes repas. C’est quelque chose qui rentre bien et ça garde mon niveau d’énergie vraiment haut. Dans les 10 minutes qui suivent la fin de l’entrainement, je m’assure d’avoir un minimum de 30 grammes de protéine de Whey. Au total, je dois manger à peu près 5 repas par jour.
Ce qui fonctionne pour moi les semaines avant une compétition, c’est de garder le même rythme en mangeant la même chose qu’en entrainement. Par contre pendant une période de compétition comme un championnat du monde, on s’entraine moins. Il faut alors réduire aux bonnes places. Ne pas perdre de poids et ne pas en prendre non plus, parce que quand on est stressé, on a tendance à manger plus. Moi je mange comme un métronome, surtout 3-4 jours avant l’événement. Je ne pense pas. Je donne à mon corps ce dont il a besoin. Disons que ce n’est pas de la fine cuisine, c’est très Plain ! »
Vous en savez maintenant un peu plus sur cette fine méthode de travail qu’Hugo Barrette utilise pour être parmi les meilleurs au monde de la discipline. Par contre, il ne dévoile pas ses secrets les mieux gardés. Voici la fin de ma conversation avec lui.
Moi : Fais-tu du gym pendant les mondiaux?
Hugo : J’ai mes exercices clefs que je me garde en poche et je les fais avant les courses importantes.
Moi : C’est quoi tes exercices clefs?
Hugo : Non désolé ça ne sort pas de mon clan ça! Je ne le dis pas! Désolé!
Moi : Parfait, garde ça secret et continu de les faire. Ça marche! Bon mondiaux mon cher!
Par Audrey Lemieux