La pêche au homard

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Après son expérience à la pêche au crabe, notre nouvelle collaboratrice, Julie d’Amour-Léger, nous revient avec le récit de son aventure photographique avec des pêcheurs de homard de la Péninsule Acadienne. Et cette fois, elle est même sortie en mer deux fois plutôt qu’une, déterminée à profiter au maximum de cette résidence artistique sur les bateaux de pêche de notre région.

Il faut être matinale

Homard

Le jour se lève à peine

Je peux dire d’entrée de jeu que les pêcheurs de homard se lèvent tôt.  L’heure du départ étant à 4h du matin, il faut  se lever vers 2h30.  Est-ce que ça vaut vraiment la peine de se coucher?  Pour mettre toutes les chances de mon bord, je me mets au lit à 20h30.  À mon réveil en plein milieu de la nuit, je me sens bien reposée et prête à prendre la mer. À quatre heures pile, Gilles Lanteigne, capitaine du Jean Cristelle, quitte le port de Caraquet avec son équipage: sa conjointe Patricia et les frères Sylvain et Livain.  La pleine lune descend à l’horizon, jouant à cache-cache avec les nuages.

pêche au homard

Un travail intense

À peine une demi-heure plus tard, on commence à lever les trappes, en pleine noirceur sauf pour les lumières du bateau.  Le soleil se lève à 5h28, on gagne quelques degrés au fur et à mesure qu’il monte dans le ciel.  La pêche côtière, comme son nom l’indique, ne se pratique pas très loin de la terre.

On est vite rendus aux pions (lire bouées) qui indiquent où sont les trappes.  Chaque homardier a droit à trois cents casiers qui sont répartis sur soixante lignes par groupe de cinq.

Sylvain est attitré au treuil qui remonte les cinq trappes une après l’autre et il les aligne sur le bord du bateau.  Patricia et Livain s’occupent de la répartition des homards en se conformant aux règlements sur la ressource.

Des règles de conservation strictes

C’est le corps du homard, excluant les pinces et la queue, qui détermine la mesure à observer. Pour les mâles, ce n’est pas trop compliqué.  On peut les garder s’ils dépassent les 77mm.  Les petits homards mesurent entre 77mm et 81mm et les gros dépassent les 81mm.  Je commence enfin à comprendre ce qui est le petit dans le gros et le gros dans le petit!

Avec les femelles, ça se complique un peu.  Si elles ont des œufs sous la queue, il faut les remettre à l’eau même si elles dépassent les 77mm.  Quand elles mesurent entre 115mm et 129mm, avec ou sans œufs, il faut les remettre à l’eau également.  Elles sont en âge de reproduction et assurent le renouvellement de la ressource. Finalement, si elles dépassent 129mm et qu’il n’y a pas d’œufs, on peut les garder.  Leurs belles années de reproduction sont derrière elles.

Il faut trier!

À la pêche au homard, la mesure des prises occupe une bonne partie du temps.  Sur le Jean Cristelle on a installé une glissade pour que les homards rejetés retournent à l’eau tout en douceur.  Patricia l’appelle « la glissade de la liberté ».

La pêche au homard n’est pas assujettie à un quota.  La saison dure soixante jours qui correspondent aux mois de mai et juin dans la région de Caraquet.  La saison de pêche varie d’une région à l’autre.  Lors d’une sortie, les pêcheurs peuvent capturer entre 500 et 1200 livres (227 à 544 kg) de homard.  Une bonne saison peut se solder par une capture totalisant jusqu’à 45 000 livres (20 412kg).

Pour appâter la bête, on place du maquereau, de la plie ou autre poisson dans chaque casier. Quand la saison du homard est terminée, Gilles et Patricia pêchent le maquereau (qui leur servira de bouette) et le congèlent jusqu’à la saison prochaine.

Belle pêche!

Au bout d’environ huit heures, les trois cents trappes ont été levées.  La pêche a été bonne, on compte 1000 livres (454kg) de crustacés à bord du Jean Cristelle.  Patricia m’offre deux homards pour mon souper, un mâle et une femelle respectant les normes.

La pêche au homard, prise deux

Comme la saison de pêche au homard dure deux mois, j’ai eu le goût d’y retourner.  À l’ouverture de la pêche, le 4 mai à 6h du matin, je photographiais le départ des homardiers au quai de Caraquet quand Irène s’approche de moi et pointe le Malexis.  « C’est le bateau de mon gendre, c’est sa première saison en tant que capitaine » me dit-elle, tout émue.

Un mois plus tard, je contacte le capitaine Marc Cormier pour aller à la pêche avec lui.

Le départ en mer est prévu pour 4h30, trente minutes plus tard qu’avec le Jean Cristelle.  Les lueurs du jour commencent à apparaître annonçant une des plus belles journées depuis le début de la pêche.  J’adore ce moment où le bateau se dirige vers le large.  Marc pilote tranquillement tandis que Yoan et Patrick préparent la bouette, du maquereau et du gaspareau, en prévision des premières cages.

 

Quelle ne fut ma surprise lorsque j’ai vu les anciennes trappes en bois sortir de l’eau!  Elles sont de moins en moins utilisées car plus lourdes que les cages en métal.  Marc en est fier, il en a même fabriqué une quinzaine lui-même. Personnellement, je les trouve très photogéniques et je suis heureuse de cette variation sur le thème.

 

Suivre la tradition

Marc a pêché le homard avec son père une bonne quinzaine d’années et la crevette pendant cinq ans.  Fort de cette expérience, il a décidé de s’acheter un bateau et de devenir capitaine à son tour.  Ses hommes de pont, Yoan et Patrick, pêchent pour la première fois de leur vie.  Marc a dû leur enseigner les rudiments de la pêche en plus d’assimiler ses nouvelles fonctions.

Yoan travaille l’hiver à réparer des « ski-doo » (motoneiges) et il se cherchait un travail d’été.  Patrick aime le plein-air et souhaite avoir le nombre de journées de pêche requises pour éventuellement, peut-être, obtenir un permis.  Sinon, il est restaurateur. C’est un parcours inusité, mais pourquoi pas?  Yoan me dit qu’il y a vingt ans et deux mois d’expérience sur ce bateau « vingt ans pour Marc et un mois pour Patrick et moi ».  Patrick rigole et qualifie le Malexis de bateau-école.

Au bout d’un mois à pêcher ensemble, l’équipage du Malexis semble assez bien rodé.  Âgés entre 35 et 40 ans, Marc, Yoan et Patrick font partie de la relève.  Le capitaine s’inscrit dans la tradition de pêcheurs qui se perpétue de père en fils.  Pour ce qui est de Yoan et Patrick, le métier rentre mais ils semblent très heureux de travailler sur l’eau.

Tout un monde!

Cette journée idéale (elles ne sont pas toutes comme ça) m’offre de nouvelles images.  Chaque bateau, chaque équipage a ses particularités.  Aller à la pêche, c’est aussi aller à la découverte d’un monde qui s’active à quelques milles nautiques de la côte.  Pour les pêcheurs, la mer fait partie de leur routine, ils sont dans leur élément.

Pour moi, c’est toujours une expérience et un immense privilège de pouvoir poursuivre ma démarche artistique auprès de ces gens fiers et généreux.  J’approfondis mon sujet tout en apprivoisant la mer que je regarde pourtant depuis toujours.  Elle m’impose un grand respect car, au fond, c’est elle le véritable enjeu.

Cette fois encore, je rentre chez-moi avec deux homards sous le bras.  Un gros MERCI!

 


Julie d’Amour-Léger, auteure de cet article, n’est pas une inconnue pour les lecteurs de l’Heure de l’Est. Il y a quelques mois, Françoise vous la présentait dans son article « Le regard émerveillé de la photographe Julie d’Amour-Léger» . Elle nous revient en tant que contributrice suite à un saisissant voyage sur un bateau de pêche au départ de Caraquet, NB.

Toutes les photos qui illustrent cet article sont également le fruit de son travail.

Toutes les photos de cet article sont, bien entendu, l’œuvre de Julie D’Amour-Léger.