Gel de la construction en zone agricole et forestière aux Îles-de-la-Madeleine

Publicité

Articles similaires

Un fossile de presque 300 millions d’années trouvé à l’Île-du-Prince-Édouard

Résidente de l’Île-du-Prince-Édouard, Anne MacFadyen se promenait sur la...

L’abondance du homard pourrait-elle offrir plus de travail aux pêcheurs?

À travers son analyse du marché, l’Institut économique de...

Redevance aux Îles : « La Municipalité prend le taureau par les cornes »

La redevance de 30 $ que la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine...

Les équipements de Total Océan resteront dans l’archipel

Le Centre collégial de transfert technologique (CCTT) de Saint-Félicien,...

La Communauté maritime des Îles met temporairement sur pause la construction résidentielle en zone forestière et agricole. Le conseil municipal a aussi franchi une nouvelle étape pour limiter la création de nouvelles résidences de tourisme aux Îles-de-la-Madeleine.

Les élus ont adopté mardi soir une résolution de contrôle intérimaire qui a pour effet d’interdire, durant 90 jours, la délivrance de nouveaux permis de construction et de modifications de zonage en territoire agricole et forestier.

«On vient mettre le couvercle sur la marmite» , illustre le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre. «On a besoin d’une pause pour discuter et réfléchir au développement du territoire des Îles.»

Cette pause donnera le temps aux élus de rédiger un règlement de contrôle intérimaire qui restera en vigueur jusqu’à l’adoption du nouveau schéma d’aménagement du territoire, dont la révision s’est amorcée au printemps 2021.

Les élus considèrent qu’il y a urgence d’agir et qu’ils ne peuvent pas attendre la nouvelle mouture du schéma, attendue d’ici deux ou trois ans, avant de protéger les paysages, les espaces boisés et les territoires agricoles madelinots.

Ensemble, les zones agricoles et forestières constituent 29 % du territoire insulaire.

« D’ici l’adoption du nouveau schéma d’aménagement, il faut agir, envoyer un signal claire. » — Une citation de  Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine

Capture d’écran, le 2022-02-09 à 08.30.30

Depuis quelques années, l’archipel madelinot connaît un boom domiciliaire : le nombre de nouvelles constructions est passé de 17 en 2015 à 82 en 2021.

Les milieux boisés et les terres à vocation agricoles sont prisés par les nouveaux propriétaires. Depuis 2010, la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine a délivré 37 permis de construction sur des terres agricoles et forestières et accepté 33 demandes de changement de zonage.

Autre statistique prouvant l’attrait des secteurs hors zonage résidentiel : sur les 55 demandes de modification zonages analysées par l’administration municipale en 2021, 65 % visaient la conversion de terres agricoles et forestières en zone résidentielle.

«C’est évident, avec ces chiffres-là, que la pression est forte sur le territoire, dans les zones où on ne voulait pas favoriser la construction,» lance le directeur des projets de développement du territoire à la Communauté maritime des Îles, Serge Bourgeois.

Capture d’écran, le 2022-02-09 à 08.30.43

Les autorités municipales admettent que la réglementation mise en place il y a a une décennie pour décourager les résidents à construire leur propriété dans des zones non desservies par les services publics n’a plus l’effet escompté.

«Ç’a eu son effet durant 4-5 ans, mais les chiffres nous démontrent que le Règlement sur les usages conditionnels a perdu de son efficacité. Donc, si on veut préserver notre couvert forestier et les terres agricoles, il faut se doter d’un outil plus efficace», croit le maire Jonathan Lapierre.

Les autorités municipales précisent également que l’étalement domiciliaire, en plus de gruger le précieux territoire agricole et forestier de l’archipel, met aussi une pression sur l’administration municipale.

«Au départ, les gens acceptent de s’installer dans ces zones-là, en dépit du fait qu’ils n’ont pas de services, comme l’aqueduc, et qu’ils sont contraints de respecter des normes particulières,» explique Serge Bourgeois. «Mais, à partir du moment où ils ont problèmes avec leurs puits ou quoi que ce soit, ils font de la pression sur la Municipalité pour que le zonage soit modifié et obtenir des services.»

Un sondage sera mis en ligne le 14 février pour consulter la population madelinienne sur le processus de révision du schéma d’aménagement. D’autres consultations thématiques seront par la suite organisées.

Le territoire agricole madelinot non protégé par la loi provinciale

Contrairement au reste du territoire québécois, la vaste majorité des terres agricoles des îles de la Madeleine ne sont pas assujetties à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles.

Seulement 85 hectares de terre, soit l’équivalent de 160 terrains de football, ont été protégés par la législation provinciale, à la demande de certains agriculteurs.

La Municipalité s’est parallèlement dotée de certains règlements concernant les zones agricoles, mais les constructions résidentielles y sont toujours possibles en respectant certaines conditions.

Une autre étape pour limiter la création de résidences touristiques

Par ailleurs, la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine franchit une nouvelle étape vers l’adoption d’un règlement visant à mieux encadrer la création de résidences touristiques, dans le but de limiter la spéculation immobilière et faciliter l’accès à la propriété dans l’archipel.

Après avoir consulté plus de 1000 personnes avec un sondage et trois consultations virtuelles, les élus ont adopté une deuxième mouture du projet de règlement visant à limiter la construction ou la conversion de résidences secondaires pour la location à court terme seulement dans les zones de villégiature.

Les zones destinées à la villégiature représentent une infime partie du territoire. La Municipalité n’était toutefois pas en mesure de chiffrer cette superficie.

«On a vu qu’il y avait consensus dans la communauté, c’est pour ça qu’on arrive avec un deuxième projet de règlement avec seulement de légères modifications», affirme Jonathan Lapierre.

Capture d’écran, le 2022-02-09 à 08.31.01

Alors qu’il avait été envisagé d’interdire la location à court terme des résidences principales se trouvant dans les zones agricoles et forestières, les élus ont finalement fait marche arrière sur ce point. Seules celles situées dans le périmètre urbain de Cap-aux-Meules (zone commerciale) ne pourront pas être louées à des fins touristiques.

Le maire Lapierre rappelle que les propriétaires de résidence de tourisme possédant déjà une attestation de la Corporation de l’industrie touristique du Québec, peu importe leur zonage, ne sont pas visés par ce règlement. Il précise aussi qu’il est toujours possible de construire des ensembles immobiliers d’hébergement touristique de 3 à 6 chalets dans plusieurs zones.

M. Lapierre souligne aussi une exception pour les maisons secondaires destinées à l’hébergement de travailleurs.

«Ce règlement-là exclut les entreprises qui possèdent ou acquièrent une deuxième maison pour en faire de la location à court terme à leurs employés,» indique-t-il.

Capture d’écran, le 2022-02-09 à 08.31.14

Comme il s’agit d’un projet de règlement touchant à l’urbanisme, il sera soumis au processus d’approbation référendaire.

La Municipalité ouvrira un registre à cet effet le 28 février, de 9 h à 19 h, heure locale. Si 541 personnes ou plus le signent pour s’opposer à l’adoption du règlement dans sa forme actuelle, un référendum pourrait être tenu.

Des décisions courageuses  selon le maire

Questionné sur la portée de ces deux décisions, le maire estime qu’il s’agit de décisions courageuses parce qu’elles vont toucher directement de nombreux citoyens. Jonathan Lapierre est toutefois d’avis que le bien collectif prime sur les intérêts personnels.

« On se devait de prendre des décisions courageuses qui parfois, ne sont pas toujours populaires, mais qui sont à coup sûr nécessaires, voire vitales, pour la suite des choses. » — Une citation de  Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine

«Si on veut laisser un territoire où il fait bon vivre, poursuit-il, si on veut que la génération future puisse habiter le territoire des Îles, si on veut éviter de devenir seulement un archipel de villégiature, si on veut préserver un équilibre entre le développement et l’occupation de notre territoire sur une base annuelle, on se devait d’agir.»

LA UNE : Certains propriétaires n’hésitent pas à construire leur domicile en retrait des zones résidentielles, bien qu’ils ne bénéficient pas de services municipaux comme l’aqueduc et les égoûts (archives). PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE

PAR Isabelle Larose