Redevance aux Îles : « La Municipalité prend le taureau par les cornes »

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La redevance de 30 $ que la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine va imposer aux visiteurs est un outil légitime pour « capter une partie de la rente touristique », selon Dominique Lapointe, professeur titulaire au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal.

La redevance, qui doit entrer en vigueur à compter de mercredi, est une première au Québec.

Cette « Passe Archipel » a été mise en place pour financer l’entretien des infrastructures touristiques, la gestion des matières résiduelles et la création d’un parc régional.

Il y a quand même des ressources, des infrastructures de base qui ont besoin d’être financées. Et donc par où passe-t-on pour les financer ? Ce n’est pas une question simple. La Passe Archipel est un moyen, explique-t-il.

C’est une municipalité qui prend le taureau par les cornes.

Une citation de Dominique Lapointe, professeur titulaire au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal

Chaque visiteur devra donc s’acquitter de cette redevance de 30 $ plus taxes avant de quitter l’archipel et pourrait devoir présenter une preuve de paiement aux agents de la Municipalité, qui compte procéder à des vérifications à l’aéroport et au quai d’embarquement du traversier.

La professeure en administration municipale et régionale à l’École nationale d’administration publique, Fanny Tremblay-Racicot, rappelle que, depuis 2018, les municipalités du Québec disposent d’un pouvoir général de prélever des redevances réglementaires, en plus du pouvoir général de taxation.

La redevance réglementaire permet aux municipalités de financer un programme, une infrastructure, un service auprès des personnes qui le rendent nécessaire, explique-t-elle.

Selon Dominique Lapointe, une telle redevance n’est pas une solution parfaite, mais c’est une initiative qui permet de discuter des enjeux liés aux impacts du tourisme.

La question de comment on met à contribution les touristes pour contribuer à ces coûts qui sont nécessaires pour répondre aux pointes d’intensité touristique, c’est légitime, indique Dominique Lapointe. Il n’y a pas de solution parfaite.

Il ajoute par ailleurs qu’une telle redevance n’a que peu d’impact sur la fréquentation touristique.

Les motifs invoqués par la Municipalité sont très justifiés étant donné l’impact du tourisme autant sur les infrastructures que sur l’environnement, selon Jean-Michel Perron, consultant en tourisme et président de la firme PAR conseils.

C’est de plus en plus normal et convenu d’avoir de telles redevances, et c’est pour ça que ça se multiplie à travers la planète à une vitesse folle depuis un an, explique-t-il.

C’est normal que tu payes pour les inconvénients que tu peux causer.

Une citation de Jean-Michel Perron, consultant en tourisme et président de la firme PAR conseils

Jean-Michel Perron croit aussi que les touristes vont accepter de payer de telles redevances, si l’utilisation des fonds est transparente et bien expliquée.

Un moindre mal

C’est une mesure qui fait débat, notamment sur les réseaux sociaux, où certains voient en cette redevance une contrainte à leurs libertés fondamentales.

Pour Fanny Tremblay-Racicot, la preuve de résidence que devront montrer les citoyens pour en être exemptés, bien qu’elle suscite la controverse, est un moindre mal.

Est-ce qu’il pourrait y avoir des mesures d’atténuation ? Du genre : fournir un code QR de résident au lieu de montrer une preuve d’adresse, se questionne-t-elle.

Jean-Michel Perron estime lui aussi que l’argument qu’une taxe obligatoire limite la liberté de mouvement de tout citoyen québécois ne tient pas la route.

Il prend l’exemple d’un hypothétique péage qui serait installé sur le pont pour rejoindre l’île d’Orléans.

Est-ce que le fait de d’imposer un montant de 5$ par véhicule empêcherait la liberté de mouvement ? C’est la même chose pour les Îles-de-la-Madeleine. C’est sûr que c’est 30 $, mais au Bhoutan, c’est 100 US$ par jour par visiteur, explique-t-il.

La professeure Tremblay-Racicot soutient aussi que la municipalité des Îles de la Madeleine a trouvé une façon originale, avec le code QR, de contourner la jurisprudence, qui a statué, dans le cas de Percé, que la Municipalité ne pouvait pas obliger les commerçants à percevoir une redevance.

Selon la chercheure, la redevance permettra de limiter la hausse des les taux de taxation aux Îles-de-la-Madeleine, et ce malgré les coûts reliés au tourisme de masse.

Jean-Michel Perron appelle le ministère du Tourisme et l’Alliance de l’industrie touristique du Québec à mettre des balises pour s’assurer qu’il y ait une bonne gestion des fonds récoltés grâce à une redevance touristique.

Ça va coûter combien gérer ce nouveau fonds ? Précisément, ça va servir à quoi ?, demande-t-il.

L’Alliance de l’industrie touristique du Québec a refusé notre demande d’entrevue, en indiquant ne pas être disponible. Tourisme Îles-de-la-Madeleine n’a pas répondu non plus à notre demande d’entrevue.

 

LA UNE : La redevance de 30$ imposée aux visiteurs de passage aux Îles-de-la-Madeleine entre en vigueur mercredi. (Photo d’archives) PHOTO : TOURISME ÎLES DE LA MADELEINE