Où est le flétan du Groenland?

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Depuis le début de la saison, les débarquements sont anémiques. La faiblesse des débarquements de flétan du Groenland, communément appelé turbot, cause d’énormes casse-tête aux transformateurs.

Le flétan du Groenland n’a jamais été aussi rare dans le golfe.

Le directeur de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche, Jean-Paul Gagné, rapporte que l’approvisionnement des usines est insuffisant. Les travailleurs n’arrivent pas à compléter une semaine de travail, voire même une journée de travail.

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Pour Gérard Collin, la saison jusqu’à maintenant est carrément désastreuse. Son usine est spécialisée dans la préparation du turbot. C’est 95 % de sa production.

Cette année, l’usine a transformé 125 000 lb de poissons. C’était 600 000 lb, l’an dernier à la même période. Le travail manque dans l’usine qui compte une quarantaine d’employés.

Il faut les payer quand même pour ne pas les perdre. Ça ne pourra pas durer tout l’été, c’est impossible, indique M. Collin qui se demande s’il ne devrait pas renvoyer ses travailleurs étrangers.

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Environ une dizaine de bateaux approvisionnent l’usine.

Selon Gérald Collin, la plupart de ses pêcheurs vivent essentiellement de la pêche au turbot. % de leurs revenus","text":"Je dirais que c’est environ 80% de leurs revenus"}}">Je dirais que c’est environ 80 % de leurs revenus, évalue M. Collin. La situation est aussi dramatique pour eux, dit-il.

Il ne peut pas avoir disparu

Président de l’Office des pêcheurs de flétan du Groenland du Québec, Dany Cassivi est pêcheur de turbot dans le secteur de Forillon depuis une trentaine d’années.

Selon lui, les captures de l’an dernier n’annonçaient pas la déconfiture de 2023. Le poisson était au rendez-vous. Cassivi, il y a certains secteurs qui étaient meilleurs que d'autres, mais c'était une bonne année en général.","text":"Pas partout, précise M.Cassivi, il y a certains secteurs qui étaient meilleurs que d'autres, mais c'était une bonne année en général."}}">Pas partout, précise M. Cassivi, il y a certains secteurs qui étaient meilleurs que d’autres, mais c’était une bonne année en général.

Pêcheur de père en fils, le capitaine du Costero a vécu avec son père le moratoire sur la morue. Il ne veut pas être alarmiste ni comparer la présente situation avec celle des années 1990.

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Il demeure optimiste. Les pêcheurs, dit-il, ont déjà traversé des années creuses. Le turbot, explique le pêcheur, est souvent arrivé plus tard dans le golfe, en août et en septembre. Il était aussi abondant à la fin de la pêche, en octobre, l’an dernier. octobre","text":"Il ne peut pas avoir disparu. On ne peut pas se fier à deux mois de pêche et notre saison se termine le 31octobre"}}">Il ne peut pas avoir disparu. On ne peut pas se fier à deux mois de pêche et notre saison se termine le 31 octobre, commente M. Cassivi.

Il souligne que les pêcheurs de turbot ont déjà fait de très bonnes saisons à l’automne.

Ces observations sont corroborées par le secrétaire de l’Office et directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du nord de la Gaspésie, Jean-René Boucher.

Jean-René Boucher comme le président de l’Office croit tout de même que les pêcheurs finiront par trouver le poisson et comprendre ce qui se passe. On sait que le turbot suit beaucoup sa nourriture, puis le capelan a commencé à rouler à Terre-Neuve seulement la semaine dernière.

Il admet que la situation soulève par contre plusieurs questions. Boucher, il ne se trouve pas aux mêmes endroits que les dernières années. Il y a beaucoup de phénomènes qui sont en cours présentement dans le Saint-Laurent","text":"On ne comprend pas trop le comportement du poisson cette année, indique M.Boucher, il ne se trouve pas aux mêmes endroits que les dernières années. Il y a beaucoup de phénomènes qui sont en cours présentement dans le Saint-Laurent"}}">On ne comprend pas trop le comportement du poisson cette année, indique M. Boucher, il ne se trouve pas aux mêmes endroits que les dernières années. Il y a beaucoup de phénomènes qui sont en cours présentement dans le Saint-Laurent, commente Jean-René Boucher.

En déclin depuis 2015

Dans les belles années de pêche, il y a cinq ou dix ans, une centaine de bateaux pouvaient participer à la pêche au flétan du Groenland. Ils étaient une soixantaine l’an dernier et un peu moins cette année à avoir participé à la pêche, d’après le secrétaire de l’Office.

La flottille des turbotiers possède généralement des permis pour d’autres espèces, ce qui a aussi influencé la participation à la pêche au cours des dernières années puisque le crabe et le flétan de l’Atlantique étaient des espèces plus payantes.

Plusieurs pêcheurs n’ont toutefois que le turbot comme source de revenus. Les prises qui tournaient autour de 3000 t. jusqu’en 2015 sont en décroissance. Elles étaient d’à peine 1085 t en 2021.

Comme la crevette, le turbot n’aime pas l’eau chaude.

Le directeur de l’Association des capitaines propriétaires de bateaux de la Gaspésie, Claudio Bernatchez, souligne que le turbot et la crevette sont deux espèces qui fréquentent les mêmes fonds marins. L’une, la crevette, étant la proie de l’autre. ","text":"S’il y en a une des deux qui disparaît, ça veut dire que l’autre est nécessairement en difficulté"}}">S’il y en a une des deux qui disparaît, ça veut dire que l’autre est nécessairement en difficulté  , commente Claudio Bernatchez.

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Comme la crevette, le flétan du Groenland est aussi touché par la forte croissance de la population de sébastes au cours des 10 dernières années. Le flétan doit maintenant cohabiter avec un prédateur plus nombreux qui aime les mêmes proies que lui.

M. Bernatchez rappelle que tant les scientifiques que les gestionnaires du MPO estiment qu’il est temps de rouvrir la pêche au sébaste. Il ne comprend pas les raisons qui empêchent la relance de cette pêche étant donné l’abondance de la ressource et le déséquilibre qui en découle. Il y a quelque chose qui se passe au bureau de la ministre dont on aimerait bien être informé.

Problème écosystémique, solution écosystémique?

Jean-René Boucher observe par contre que le flétan du Groenland a tout de même démontré beaucoup de résilience au cours des dernières années.

Le secrétaire de l’Office rappelle que, selon le relevé scientifique de l’an dernier, la biomasse était restée sensiblement la même bien que les conditions n’étaient pas idéales pour le turbot. Tout ce poisson, dit-il, ne peut pas s’être volatilisé. On aimerait bien savoir ce qui se passe dans le fond du golfe.

L’adaptation du turbot a peut-être une limite. L’eau du golfe a encore réchauffé cette année. Les eaux profondes du golfe du Saint-Laurent n’ont jamais été aussi chaudes depuis 1915. Est-ce que cette année, avec la petite coche de plus qu’on a prise, est-ce qu’on a atteint un point de non-retour? On ne le sait pas, souligne M. Boucher.

Pour l’Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie, il est temps pour le ministère des Pêches et des Océans de considérer globalement les changements profonds qui s’opèrent présentement dans le golfe du Saint-Laurent.

Selon Claudio Bernatchez, le MPO doit arrêter de gérer le golfe en silo, ressource par ressource, zone par zone. Il faut qu’on se donne les moyens d’avoir une vue d’ensemble. Pour faire en sorte qu’on s’adapte plus aux réalités qu’on est en train de vivre. 

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L’Association rappelle que la fermeture possible de zones de pêche à la crevette et les difficultés de la flottille de turbot s’ajoutent aux moratoires récents sur le hareng, le maquereau, la limande à queue jaune et la plie rouge.

Le directeur de l’Association estime que l’approche avec les pêcheurs doit être revue. MPO va prendre acte de ça et mettre en place des mécanismes qui vont éviter qu'on vive des crises comme on vit depuis trois ans où les moratoires sont annoncés un après l'autre sans qu'il y ait une quelconque considération pour l'industrie.","text":"On veut s'assurer que le MPO va prendre acte de ça et mettre en place des mécanismes qui vont éviter qu'on vive des crises comme on vit depuis trois ans où les moratoires sont annoncés un après l'autre sans qu'il y ait une quelconque considération pour l'industrie."}}">On veut s’assurer que le MPO va prendre acte de ça et mettre en place des mécanismes qui vont éviter qu’on vive des crises comme on vit depuis trois ans où les moratoires sont annoncés un après l’autre sans qu’il y ait une quelconque considération pour l’industrie.

Rencontre avec Pêches et Océans

La semaine dernière, Pêches et Océans a rencontré les pêcheurs pour faire le point sur la ressource et le faible taux de capture.

Le flétan pourrait être dans l’estuaire, mais la zone est fermée depuis 2021. Le poisson y était commercialement trop petit. Les pêcheurs y effectuaient généralement une bonne partie des prises.

On a eu des informations à savoir que la température de l’eau dans ce secteur-là serait plus froide qu’en descendant vers le golfe. Est-ce qu’on a peut-être du poisson qui est attroupé là, un peu comme la crevette?, indique Jean-René Boucher.

Une pêche d’essais aura lieu dans le secteur au cours des prochaines semaines pour vérifier à la fois la taille et l’abondance du poisson.

S’ils font des tests et qu’il n’y a pas de turbot, là, ça va aller mal, prévoit Gérard Collin à Sainte-Anne-des-Monts.

Il dit avoir besoin de réponses rapidement sur l’état de la ressource de la part de Pêches et Océans. Qu’est-ce qui s’est passé avec la masse de turbots. S’est-elle déplacée ailleurs? Est-ce qu’elle a disparu? C’est la question que tout le monde se pose, demande le directeur d’usine.

Les réponses sont cruciales puisqu’aucune mesure d’aide n’est disponible actuellement ni pour la capture ni pour les transformateurs. : ","text":"Pour subventionner l’aide, il faut absolument que Pêches et Océans dise: "}}">Pour subventionner l’aide, il faut absolument que Pêches et Océans dise : On met un moratoire ou on arrête la pêche au turbot pour deux à trois ans. Là, on va aider les pêcheurs, on va aider les usines, mais tant qu’il n’y a personne qui lâche un cri d’appel, il n’y aura pas d’aide de nulle part.

Selon le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, un peu plus d’une dizaine d’usines achètent du flétan du Groenland, dont Poissonnerie Blanchette, mais aussi de Cusimer à Mont-Louis, de Pêcheries gaspésiennes à Rivière-au-Renard et Crabiers du Nord à Portneuf

Les usines devront prendre une décision sur le maintien des effectifs d’ici deux à trois semaines.

L’industrie a aussi interpellé le député provincial Stéphane Sainte-Croix, la députée fédérale et la ministre Diane Lebouthillier.

LA UNE : Depuis le début de la saison, les débarquements sont anémiques. La faiblesse des débarquements de flétan du Groenland, communément appelé turbot, cause d’énormes casse-tête aux transformateurs. (Photo d’archives). PHOTO : RADIO-CANADA / MARC-ANTOINE MAGEAU
PAR Joane Bérubé