Le homard des Îles: la pêche, le quotidien pour bien des Madelinots

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Par Pascal Raiche-Nogue
Dossier 3 de 3

Pour bien des Madelinots, la pêche au homard est plus qu’une industrie, c’est un mode de vie. C’est le cas de Julien Boudreau et de François Cormier, deux homardiers, dont la vie vogue au rythme des prises. L’Acadie Nouvelle les a rencontrés sur leur bateau.

Le soleil se lève sur le quai de Pointe-Basse, à l’Île du Havre-aux-Maisons, un dimanche de la fin juin. Les bateaux sont presque tous à quai et le calme règne.

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Julien Boudreau à bord de son bateau, le Isaac à Charles. – Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue

Ce n’est pas très surprenant; les pêcheurs ne lèvent pas leurs trappes le dimanche. Une mesure qui leur permet de reprendre leur souffle, tout en aidant à préserver la ressource.

Le capitaine du Tyran d’eau, François Cormier, est l’un des rares pêcheurs sur place. Il est debout depuis environ 4 h du matin, son heure de lever habituelle pendant la saison. Avant de se rendre au quai, il est allé faire un brin d’activité physique au gymnase.

Comme du mauvais temps est prévu le lendemain, il prend la mer pour aller lever un filet de maquereau. Quelques minutes plus tard, il arrive à destination et lève le filet avec l’aide de son frère, qui travaille avec lui sur le bateau. Les mailles sont vides. Il l’avait prédit avant de partir.

À 58 ans et après avoir pêché pendant des décennies, il en a vu d’autres. «Moi, j’ai pêché 12 ans avec l’un de mes oncles comme aide-pêcheur. Quand il a pris sa retraite, il m’a vendu son permis et son bateau. Puis là, ça fait déjà 22 ou 23 ans que je suis à mon compte, que j’ai acheté son permis.»

Cette année les prix sont potables. Ce n’est pas le gros lot, mais la situation est plus encourageante qu’il y a deux ans, raconte-t-il.

«Les prix ont monté cette année. Ça augure bien pour l’avenir. Mais les trois ou quatre dernières années ont été inquiétantes. Ça a été difficile financièrement.»

Mais bon, les dépenses augmentent elles aussi, ce qui donne du fil à retordre à François Cormier. Il y a entre autres le carburant et la bouette. La bouette, c’est le poisson placé dans les cages pour appâter les homards.

Les autres espèces qu’il pêchait auparavant, dont le maquereau et la morue ont décliné au cours des dernières décennies. Comme bien des pêcheurs, ses appâts lui coûtent de plus en plus cher.

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Le capitaine du Tyran d’eau, François Cormier, pense à la retraite peu à peu. – Acadie Nouvelle: Pascal Raiche-Nogue

«Ça coûte extrêmement cher, on parle de 200 $ ou 300 $ par jour quand t’achètes ta bouette. Quand tu peux en prendre dans tes filets, c’est beaucoup mieux.»

À l’aube de la soixantaine, la retraite approche lentement, mais sûrement pour François Cormier. Son frère a près de 50 ans et n’achètera sûrement pas son bateau et son permis. Il se croise les doigts qu’un jeune pêcheur se pointera avant longtemps, ou alors que le gouvernement rachètera son permis.

«On a espoir qu’on va pouvoir. Sinon on ne sait pas. On va pêcher un peu plus vieux, c’est tout. On va se rendre à 70, 75 ans si on a la santé. Mais ce n’est pas tout le monde qui peut faire ça non plus. Fait qu’on essaie de se tenir en forme», dit-il.

Son filet à maquereaux en sécurité dans le bateau, François Cormier et son frère reprennent la direction du quai de Pointe-Basse. Le lendemain, ils reprendront du service pour aller lever leurs trappes.

«Tant que je vais avoir la forme…»

Le lendemain matin, comme prévu, le temps est pourri. Il vente à écorner un boeuf et ça brasse au large.

Les quais de l’Île sont beaucoup plus occupés que la veille. En début d’après-midi, les pêcheurs de homard reviennent après quelques heures en mer.

C’est au quai du Havre-Aubert que nous retrouvons le capitaine du Isaac à Charles, Julien Boudreau.

«Ça fait 35 ans que je fais la pêche. J’ai pêché avec mon grand-père, mon père», raconte-t-il après avoir débarqué ses prises.

À l’instar de François Cormier, ce pêcheur de 58 ans rapporte que les affaires ont repris du poil de la bête dernièrement.

«La pêche, on a vu des bonnes années, on a vu de très bonnes années. Depuis six, sept huit ans, il n’y a plus rien qui va. Cette année, ça commence à remonter, tranquillement pas vite.»

Comme bien d’autres pêcheurs, il commence à penser à la retraite. Il est tout de même un peu plus optimiste que François Cormier.

«Nous autres ici aux Îles, la relève est là. La formation se donne, il y a des candidats à l’heure actuelle. Là, l’ouest (du Canada) commence à fléchir, il y en a qui reviennent. Je ne sais pas comment ça va finir.»

En attendant qu’un pêcheur ou que le gouvernement achète son bateau et son permis, il prend son mal en patience. Pas question de vendre ses actifs pour une bouchée de pain.

Il ignore quand il pourra accrocher ses salopettes et passer le gouvernail à quelqu’un d’autre.

«Moi, je ne sais pas. Tant que je vais avoir la forme, si les bras veulent continuer à aller, puis les jambes veulent continuer à aller. Moi, je n’ai pas de grand stress sur le dos. Si le “body” ne marche plus, on verra ce qui va se passer avec.»

 

 

 

Photos : Pascal Raiche-Nogue