La mariculture: une industrie fragile qui mise sur le futur

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L’heure est indéniablement à la régionalisation et à la consommation de produits du Québec. La mariculture, qui concerne les fermes marines désireuses de produire une gamme de mollusques, vise à se faire reconnaître au Québec, mais aussi à l’extérieur.

Valoriser l’industrie maricole est une ambition du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) et d’élus, tant des îles de la Madeleine que de la Gaspésie et de la Côte-Nord. Une industrie qui peine souvent contre la concurrence des Maritimes et de la Colombie-Britannique, qui prônent elles aussi un développement de ce secteur en croissance.

Pas facile, toutefois, d’être mariculteur à Blanc-Sablon — ou aux Îles —et d’en vivre. La problématique n’est pas tant d’arriver à des résultats probants, mais surtout de pouvoir distribuer les produits et de les commercialiser à bon prix.

« On mise sur le futur », dit le mariculteur Christian Vigneau, de La Moule du large aux îles de la Madeleine, qui tend à réussir son pari de produire en eau profonde une qualité d’huîtres et de moules à saveur unique. « Cultiver en eau froide permet d’obtenir des mollusques plus charnus et plus fins. »

C’est avec un tel projet et des écloseries pour les naissains de pétoncles que les différents producteurs marins souhaitent bâtir l’avenir.

Serge Dumas est producteur de moules cultivées et de buccins ramassés en cueillette sauvage dans sa ferme Belles Amours. Dans le port de cette cité des plus reculées à l’est qu’est Blanc-Sablon, le plus difficile est souvent de pouvoir acheminer les produits transformés vers les grands centres du Québec.

Passionné, convaincu de la fiabilité de la mariculture au Québec, il se bat pour optimiser les différentes transformations à partir des moules qu’il cultive et répondre ainsi à la demande sur les différents marchés. Moules cuites en eau de mer, moules fumées qui peuvent très bien se comparer aux produits importés de Norvège, ou même de la Colombie-Britannique.

Bon nombre de spécialistes en fermes marines, en aquaculture et en recherche océanographique sont unanimes pour dire que l’avenir passe par les fermes d’élevage dans le monde. Quel dommage que l’on peine à reconnaître la qualité indiscutable des pétoncles princesses de la Côte-Nord, des produits gaspésiens et des Îles autres que le homard ou le crabe des neiges.

La restauration gastronomique tend pourtant à présenter au public l’unicité gustative de ces produits de chez nous, avec des chefs reconnus. Des sites comme Terroirs Québec n’hésitent pas à en faire la promotion et à faire découvrir à leurs abonnés des produits comme les moules de Serge Dumas.

Photo: Regroupement des mariculteurs du Québec
Photo: Regroupement des mariculteurs du Québec

Mais selon Sophie Fortier, biologiste pour le Regroupement des mariculteurs de l’Est-du-Québec, qui gère le dossier avec brio et qui soutient la mise en marché des produits issus de la mariculture québécoise, toute cette industrie est fragile : les craintes d’une catastrophe écologique due à un déversement d’hydrocarbures qui pourrait en quelques heures détruire des années de travail ; les changements climatiques qui font changer la température de l’eau ; les consommateurs grandement influencés par les modes et tendances ; sans parler du prix, qui joue un rôle dans les comportements d’achat.

Avec des organismes de recherche comme Merinov, qui se définit comme un centre d’innovation en aquaculture et qui a grandement participé à l’élaboration de techniques pour la mariculture, le rassemblement des mariculteurs compte désormais sur l’évolution des moeurs en matière d’alimentation.

Il mise surtout sur les enjeux économiques et le développement de pratiques maximisant la protection des ressources, ainsi que sur une plus grande connaissance et une meilleure appréciation des produits marins d’ici.

Vers l’exportation ?

Les accords de libre-échange transpacifique pourraient aussi grandement favoriser l’industrie des pêches au Canada en général, et plus précisément celle des mariculteurs du Québec. Les produits marins dont sont friands les Asiatiques auraient ainsi une valeur ajoutée. La qualité de l’eau et les différentes analyses effectuées témoignent de l’intérêt grandissant de tels produits en Asie.

Les mollusques bivalves, oui, mais la culture des algues commence à peine au Québec, alors qu’elle fait littéralement partie des moeurs en Asie. C’est l’avenir, osent certains spécialistes en aquaculture. Non seulement les Japonais on-ils démontré un intérêt alimentaire et culinaire pour les algues, mais elles sont assez riches en minéraux et protéines pour être reconnues comme aliment complet.

Malgré les coûts de transport, nous pouvons en ce moment bénéficier d’un taux de change favorable et surtout une qualité telle que bien de nos voisins nous envient. Comme dans les Maritimes, toute l’industrie des pêches vise des jours meilleurs avec l’accord de libre-échange.

Tant en Asie qu’en Europe, le homard canadien, considéré comme abordable, se retrouve au menu de plusieurs restaurantsétoilés. Alors que les petits pétoncles en coquille de la Côte-Nord, d’une fraîcheur et d’une qualité inégalées, trouvent difficilement preneurs.

Contribuer au développement économique de nos régionspasse notamment par une meilleure connaissance des produits qu’on y trouve. Et la mariculture est en plein essor.

Texte : Philippe Mollé – Philippe Mollé est conseiller en alimentation. On peut l’entendre toutes les semaines à l’émission «Samedi et rien d’autre à ICI» Radio-Canada Première.

LA UNE : Photo: Regroupement des mariculteurs du Québec