Cri du coeur de la ferme avicole des Îles

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La seule ferme avicole des Îles-de-la-Madeleine lance un cri du cœur pour que les Madelinots choisissent leurs œufs plutôt que ceux qui arrivent par bateau.

On trouve quatre épiceries d’importance sur l’archipel. Toutes font partie de la grande famille Sobeys et jusqu’à la semaine dernière, toutes s’approvisionnaient en œufs directement à la Ferme Bourgeois-Dumont.

Le vent a tourné le 21 juillet dernier alors que les marchands ont reçu un rappel de Sobeys. On peut y lire que les épiciers ont maintenant l’obligation de commander les produits à l’entrepôt de Trois-Rivières s’ils veulent recevoir les rabais accordés sur les produits.

« Aucun remboursement ne sera autorisé pour les produits livrés via des fournisseurs en livraison directe. »
– Rappel envoyé par Sobeys à ses marchands le 21 juillet 2017

La mesure touche directement la ferme de Jeanne Bourgeois puisque lorsqu’un rabais sera accordé sur les œufs, il ne pourra l’être sur les siens, contrairement à l’habitude.

Leur production est envoyée presqu’en totalité chez les quatre marchands de Sobeys.

«C’est grave! On ne peut pas exporter alors on n’a pas d’option pour diversifier nos ventes.» – Jeanne Bourgeois, copropriétaire, Ferme Bourgeois-Dumont

Impasse pour tout le monde

Trois des épiciers échappent à cette obligation jusqu’en septembre parce qu’il s’agit de coopératives, mais l’un d’eux, le Marché Bonichoix, appartient à des propriétaires privés et a été confronté à la nouvelle obligation.

La semaine dernière, afin de pouvoir offrir des œufs en rabais à ses clients, Meggie Huot a choisi de se tourner vers les produits de son fournisseur au lieu de ceux des Îles.

«Les œufs en spécial, on les a toujours eus. On s’est dit : si on décide de ne pas donner le rabais cette fois-ci, ce sont nos clients qui vont écoper. Qu’est-ce que nos clients vont se dire?» – Meggie Huot copropriétaire, Bonichoix Tremblay-Huot

La copropriétaire continue d’offrir les œufs des Îles, mais affirme qu’elle aurait perdu 6000 $ si elle n’avait pas acheté ceux du fournisseur en plus pour pouvoir y appliquer le rabais.

Annuellement, elle estime à 40 000 $ de pertes l’impact de cette nouvelle mesure de Sobeys si elle choisit de vendre exclusivement les œufs des Îles.

Un impact immense

Jeanne Bourgeois explique que cette mesure représente un coup dur pour son entreprise puisqu’environ le quart de leur production est destinée au Bonichoix. « On nourrit déjà les poulettes pour l’hiver prochain. Entre autres, il y en a environ 1800 qui sont spécifiquement pour cette entreprise-là. »

Depuis plus de 35 ans, la ferme produit environ 9 500 œufs par jour qui servent uniquement à l’approvisionnement des Madelinots. Elle a d’ailleurs été mise sur pied pour assurer l’accès à ce produit aux insulaires en toutes circonstances.

L’avicultrice affirme que ses œufs sont les plus frais du Québec. « Ils sont pondus le matin, ils sont emballés le même matin et ils sont envoyés dans les épiceries l’après-midi », explique-t-elle.

La ferme Bourgeois-Dumont
La ferme Bourgeois-Dumont   Photo : Gracieuseté : ferme Bourgeois-Dumont

Au producteur de baisser le prix

Chez Sobeys Québec, on explique que ce sera au producteur local d’offrir un meilleur prix pour ses œufs s’il veut que les deux types de produits soient offerts au même prix.

«Les marchands peuvent décider de tenir les deux produits. Ce sera au consommateur de faire son choix.» –  Anne-Hélène Lavoie, conseillère principale aux affaires publiques, Sobeys Québec

Baisser le prix de vente représente un défi de taille pour la ferme madelinienne puisque tout ce qui entre dans son processus de production doit être importé.

«On doit faire livrer par bateau notre moulée pour les poules de l’Île-du-Prince-Édouard. On doit aussi importer nos produits d’emballage. Tout est plus cher pour nous que pour les producteurs sur le continent!» –  Jeanne Bourgeois, copropriétaire, Ferme Bourgeois-Dumont

Vers une exception pour les Îles?

La nouvelle politique de Sobeys s’applique partout dans la province. Des discussions sont déjà en cours entre la compagnie et l’Union des producteurs agricoles de la Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine afin de trouver une solution qui accomoderait tout le monde.

À la Fédération des producteurs d’œufs du Québec, le président Paulin Bouchard explique que la situation est propre à la ferme des Îles. « C’est sûr que l’application mur à mur de la politique, dans le cas des Îles-de-la-Madeleine, c’est très difficile. C’est différent ailleurs au Québec, ils ne vendent pas directement aux marchands. »

La Fédération entend elle aussi faire des représentations afin de dénouer cette impasse.

 

Un texte de Léa Beauchesne
LA UNE : La ferme Bourgeois-Dumont   Photo : Gracieuseté : ferme Bourgeois-Dumont