Mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent

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Par Donald Longuépée
Extrait 3 de 10


Mon nid familial ainsi que les héroïnes et les héros de mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent

Ma mère Clémé Noël à Jean et Félicité Décoste est devenue paralysée du côté gauche alors que j’avais 11 ans. Elle a dû partir trois mois avec mon père à Québec, puis à Montréal, pour se faire soigner. Nous étions encore cinq enfants à la maison. Ma sœur Diana qui n’avait que 19 ans et qui était la plus âgée de nous, a pris spontanément la relève avec tant d’amour. Toute sa vie, Diana a été une semeuse d’amour pour nous, pour ses enfants et son mari. Merci à toi Diana et à ton mari Fernand à Fred Lapierre, vous êtes aussi mon héroïne et mon héros de mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent. Après cinq ans de maladie, ma mère Clémé nous a quittés. C’était un dimanche à 17 h 40, le 5 novembre 1972, j’avais 16 ans… Avec mon père et plusieurs membres de la famille, j’étais à ses côtés lorsqu’elle est décédée. Dans les secondes qui ont suivi ces 17 h 40 bien sonnées, il ventait tellement fort dans ma tête, dans mon cœur et dans mon corps que j’en avais du sable dans le gosier. Il m’en reste encore qui remonte en vous écrivant ces mots. Je me retirai discrètement dans une toilette du deuxième étage de l’hôpital et je griffonnai spontanément ces premiers mots :

« Le sac au dos, larme à l’œil
Souliers usés, jeans troués
Je m’en vais,
Je m’en vais mendier l’Amour au coin des rues »

Si mon premier métier, de naissance, fut celui de pêcheur, mon second métier fut acquis dans les dérives de cette tempête automnale de mes 16 ans. Ce fut le métier de mendiant, mendiant d’amour et d’espérance. Je le fus ma vie durant…

Au décès de ma mère, mon père ne pouvant garder maison, ce sont mon frère Willie et son épouse Jacqueline à Hubert à William Leblanc qui m’ont accueilli à bras et cœurs ouverts en m’offrant un toit. Willie et Jacqueline sont mes deuxièmes parents. Jamais le mot MERCI ne pourra réussir à traduire ma gratitude à leur égard. Ils ont été, avec ma sœur Élisabeth et son mari Alcide à Eusèbe à John Longuépée, des gens très importants dans ma vie et dans celle de tous les membres de ma famille, je crois. Elles et ils sont mes héroïnes et mes héros de mer, de sable, de brume et de vent…

J’aime mes Îles de mer, de sable, de brume et de vent et mes héroïnes et mes héros bien à moi. Des héroïnes et des héros bien vivants et si chers à mon cœur, dont les noms y ont été burinés au fil des saisons et des ans… C’est le pêcheur au quai et au large. Ce fut le métier de mon père pendant près d’un demi-siècle et celui de mon frère Willie pendant 54 ans. Le 21 mai 2011 à 12 h 50, le bateau de Willie, qui portait le nom de son épouse Le Lady Jacqueline, faisait naufrage. Willie avait 75 ans et deux aide-pêcheurs étaient en perdition avec lui. Après avoir lancé un appel de détresse à la radio, trois pêcheurs partirent du quai de l’Étang-du-Nord et se précipitèrent à leur secours. Ce furent les capitaines Bruno à Fred Longuépée, Daniel à Jean-Pierre Miousse et Claude à Azade à Edmond Nadeau qui réussirent à les sauver. Willie a continué sa saison de pêche avec un bateau loué. Le Lady Jacqueline fut remorqué et réparé. Il termina la saison de homards avec le Lady Jacqueline et il pêcha encore deux saisons, devenant, à 77 ans, l’un des plus âgés capitaines de pêche aux homards dans l’histoire des Îles.

Le tourisme occupe une très grande place dans l’économie de l’archipel madelinot et je salue nos amis visiteurs ainsi que les artisans du tourisme de chez nous qui en font un développement intelligent, intégré, et respectueux de la fragilité de notre milieu de vie. Mais dans mon cœur, le métier de pêcheur demeure le plus important aux Îles. La pêche côtière et hauturière. C’est un métier qui appelle à la liberté, à l’acceptation et à l’humilité. Il est très exigeant, et périlleux aussi.

Malgré la très grande importance de toutes les espèces pêchées aux Îles, quand je pense à la pêche, je pense en premier lieu à celle du homard. C’est le signal de départ à chacun des ports, le premier jour de pêche. Toute poésie que de voir les bateaux sur la ligne de départ comme des « sprinters » olympiques… Spectacle que je ratais rarement lorsque j’étais aux Îles. Les quais paquetés de casiers qui de voyage en retour, se vident totalement. Aller sur les quais et marcher entre les casiers, les bouées et les cordages et sentir cette fierté fébrile qui se transforme en marathon de neuf semaines que dure la saison de pêche de ce crustacé, prince de nos côtes. Pour l’ouverture de la pêche aux homards, mon port préféré a toujours été celui de Grande-Entrée. Mais je suis allé pour l’ouverture de cette pêche à tous les quais au moins une fois. Pow ! Le signal est donné par les agents des pêches. Le spectacle est sublime, digne des plus belles mises en scène théâtrales.

À bétôt

Donald à Donat à Clémé


1 Ce texte, avec quelques modifications, fut publié, pour la première fois, dans un ouvrage collectif, aux Éditions Création Bell’Arte, 2016, ISBN : 978-2-923033-66-2.


Donald Longuépée est né aux Îles de la Madeleine. Il a étudié en littérature à l’Université Laval et en administration à l’École des Hautes Études Commerciales de Montréal. Il est actuellement conseiller aux dossiers métropolitains à la direction générale de la Ville de Repentigny, et ce depuis 2006. En dehors de ses champs d’intérêt et d’expertise liés à son travail, la littérature, la spiritualité, l’histoire, la philosophie, les sciences, la psychologie et tout spécialement l’âme humaine exercent chez lui un attrait particulier.

 

Photo : Thierry Ducharme