Couvrir les Îles à distance : la décision de Radio-Canada suscite la colère des Madelinots

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La décision de Radio-Canada de déplacer à Carleton-sur-Mer le poste de journaliste qui était basé aux Îles-de-la-Madeleine suscite l’incompréhension et la colère des Madelinots qui y voient un abandon du diffuseur public.

«Je juge que cette décision-là est complètement inacceptable,» affirme sans détour le député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau.

«C’est contraire à l’annonce qui a été faite il y a deux ans de consolider la couverture des informations aux Îles. Là, il y a une volte-face complètement incroyable et inadmissible,» ajoute-t-il.

«Je ne comprends juste pas pourquoi on veut museler la voix des Îles avec une décision comme celle-là. Couvrir l’actualité locale à distance à partir de la Gaspésie, c’est comme décider de couvrir la Gaspésie à partir de Rimouski ou pire, de Québec.» – Joël Arseneau, député des Îles-de-la-Madeleine

Le premier chef des services français de Radio-Canada Gaspésie-Les Îles, Sébastien Thériault, explique cette décision en disant qu’en rapatriant le poste en Gaspésie, Radio-Canada disposera de davantage de moyens financiers pour varier sa couverture de l’archipel.

«Les journalistes de Radio-Canada sont soumis au respect des normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada qui sont quand même assez sévères et contraignantes, ce qui fait en sorte qu’un journaliste à temps plein aux Îles est limité dans ce qu’il peut couvrir. Il y a beaucoup de choses au niveau humain, culturel, social qu’on peut plus ou moins couvrir de façon convenable,» précise-t-il.

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Sébastien Thériault en entrevue à l’émission Au coeur du monde . Le premier chef des services français à Ici Gaspésie-les-Îles, Sébastien Thériault, se dit convaincu que les Madelinots sortiront gagnants de cette nouvelle couverture. PHOTO : RADIO-CANADA / CRÉDIT: ÉLISE THIVIERGE

M. Thériault ajoute que le diffuseur public considère que la vie des gens aux Îles est beaucoup plus riche qu’une couverture nouvelles.

Il précise que la façon de faire retenue par son organisation permettra d’avoir la manœuvre nécessaire pour délocaliser [les] émissions plus régulièrement, envoyer des chroniqueurs plus souvent également et varier la forme qu’on donne à la couverture de l’actualité et de la vie aux Îles.

«Ça fait 10 ans que nos émissions radio ne sont pas allées aux Îles. Ça, pour moi, c’est inacceptable et c’est le genre de gestes qu’on veut corriger.» –  Sébastien Thériault, premier chef des services français de Radio-Canada Gaspésie-Les-Îles

M. Thériault assure également que le journaliste qui sera nommé pour couvrir les Îles pourra s’y rendre sur une base régulière, mais que le fait de ne pas vivre sur l’archipel lui permettra d’avoir une meilleure indépendance journalistique.

Ces explications ne sont toutefois pas suffisantes pour le député Joël Arseneau.

«Entre la justification d’un poste à temps plein et l’abandon du territoire des Îles, je pense qu’il y a place à de nombreuses discussions, avance-t-il.» –  Joël Arseneau en entrevue avec Radio-Canada.

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Le député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, estime que la décision de Radio-Canada représente une volte-face majeure qui ne peut être justifiée par des considérations financières. PHOTO : RADIO-CANADA

Le député entend d’ailleurs interpeller Ottawa et la direction de Radio-Canada à ce sujet.

Sur les réseaux sociaux, le maire des Îles, Jonathan Lapierre, s’est également dit très déçu de cette décision.

Le président du Syndicat des communications de Radio-Canada, Pierre Tousignant, espère que l’opinion des Madelinots sera prise en compte par la société d’État, et que cette dernière est prête à revoir sa décision s’il le faut.

«Je peux comprendre que couvrir les Îles à partir des Îles, c’est un contexte particulier pour un journaliste. C’est une petite communauté tissée serrée et ce n’est pas toujours facile, mais on est tout plein à Radio-Canada qui couvrent de petites communautés, on est habitués,» souligne M. Tousignant.

«L’impact va bien au-delà de la région. En éliminant le poste de journaliste aux Îles, on élimine la possibilité pour la communauté acadienne hors des Îles d’avoir des nouvelles de la famille.» – Pierre Tousignant, président du syndicat des communications de Radio-Canada

«La distance, ça a de l’importance et c’est pas parce qu’on est à Carleton qu’on va couvrir les Îles de la même façon que s’il y a une présence physique. Mais là-dessus, les Madelinots peuvent commenter mieux que moi et j’espère que Radio-Canada va les écouter, pas que les entendre. Il faut qu’il y ait un dialogue véritable, pas un monologue,» affirme le président syndical.

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Malgré les défis liés à la couverture d’un petit milieu, couvrir les Îles à distance risque d’envoyer un signal inquiétant à toutes les petites communautés du pays, selon M. Tousignant. – PHOTO : RADIO-CANADA / JEAN-FRANÇOIS DESCHÊNES

«C’est un peu paradoxal d’entendre des dirigeants de la société sur l’importance du journalisme de proximité et d’apprendre qu’on ferme le bureau des Îles, il y a quand même une présence physique radio-canadienne aux Îles depuis très longtemps. Même si on fait référence à une couverture socioculturelle, ça demeure de la nouvelle et ça doit être fait par des employés de Radio-Canada qui relèvent du service de l’information,» ajoute-t-il.

M. Tousignant craint qu’un refus de Radio-Canada de tenir compte de l’avis des insulaires n’envoie un message inquiétant pour toutes les petites communautés du pays.

Le poste de journaliste basé à Carleton-sur-Mer mais responsable de la couverture des Îles est présentement ouvert pour les employés de Radio-Canada. Une nomination devrait avoir lieu au mois de juin.

Le poste de journaliste à temps plein aux Îles était vacant depuis la fin de l’été 2019, après le départ du vidéojournaliste Philippe Grenier.

LA UNE : Le poste de journaliste à temps plein aux Îles était vacant depuis septembre 2019 (archives). PHOTO : RADIO-CANADA / JEAN-FRANÇOIS DESCHÊNES