Transition énergétique : les Madelinots auront Hydro-Québec à l’œil

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Le pas de recul d’Hydro-Québec dans le dossier du raccordement des Îles de la Madeleine par câble sous-marin est accueilli de façon douce-amère. Certains intervenants madelinots s’inquiètent des impacts pour les projets de télécommunications alors que d’autres craignent qu’Hydro-Québec rouvre la porte aux énergies fossiles.

La société d’État a fait savoir mardi que son projet de raccordement de câbles sous-marins, entre Percé et Cap-aux-Meules, pour alimenter l’archipel en hydroélectricité était plus complexe et cher qu’anticipé, ce qui la pousse à étudier d’autres scénarios, bien que cette option demeure privilégiée.

Toutefois, le ministère de l’Économie et de l’Innovation comptait profiter des travaux d’Hydro-Québec pour enfouir du même coup un troisième câble optique en 2025. Les deux câbles de télécommunication déjà en place ont fait défaut lors d’une tempête en novembre 2018 et ne sont plus assurables en raison de leur état de désuétude.

Le président du Réseau intégré de communications électroniques des Îles-de-la-Madeleine (RICEIM) refuse de s’inquiéter pour l’instant, mais admet qu’un plan B devra être trouvé pour assurer des télécommunications fiables si Hydro-Québec change son fusil d’épaule.

«Le plan actuel était d’avoir un nouveau câble en 2025, rappelle Claude Cyr, et, d’ici là, réparer les câbles en cas de bris. Statistiquement parlant, on s’attend à ce qu’il soit sectionné au moins une fois. Mais là, si le plan ne tient plus, il va falloir faire un nouveau plan, c’est clair.»

Claude Cyr rappelle que le RICEIM (Réseau intégré de communications électroniques des Îles-de-la-Madeleine) a déposé, il y a trois ans, un rapport d’expert au ministère de l’Économie et de l’Innovation qui jugeait qu’il y avait un degré d’usure prématurée très sérieux au niveau de l’armature de protection des câbles .

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Les deux câbles optiques sous-marin qui assurent les communications entre les Îles-de-la-Madeleine et le continent sont dans un piètre état (archive). PHOTO : DIANE HÉBERT

Bien qu’il ne soit pas défavorable au fait qu’Hydro-Québec étudie d’autres options de transition énergétique de façon plus poussée, le député madelinot Joël Arseneau espère qu’Hydro-Québec ne dérogera pas outre mesure au plan initial.

«On a fait miroiter aux Madelinots que la solution des transmissions des données de télécommunications passait par le raccordement électrique, estime M. Arseneau. Il ne faut pas aujourd’hui remettre en question à la fois une et l’autre des solutions qui sont maintenant imbriquées.»

«Il ne faudrait surtout pas que le projet d’Hydro-Québec en vienne à avoir des impacts désastreux sur le deuxième projet, celui de la mise en place d’un troisième câble optique pour les prochaines décennies.» – Joël Arseneau, député des Îles-de-la-Madeleine

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Le député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, estime que la meilleure solution est celle des câbles électriques sous-marins pour assurer une sécurité énergétique aux Madelinots de façon peu polluante. PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE

Dans un courriel envoyé à Radio-Canada le 23 janvier, une conseillère politique au ministère de l’Économie et de l’Innovation écrivait ceci : «Les nouvelles installations d’Hydro-Québec, attendues pour 2025, assureront aussi une liaison en fibre optique durable et d’une robustesse sans précédent entre les Îles-de-la-Madeleine et la Gaspésie. Nous avons évalué toutes les options et nous sommes convaincus que la solution retenue est la plus avantageuse.»

Interrogé cette semaine sur le potentiel recul d’Hydro-Québec dans le dossier, le ministère soutient, toujours par courriel, que l’option du raccordement par câble sous-marin demeure l’option privilégiée pour Hydro-Québec , sans vouloir s’avancer sur d’autres scénarios.

Québec a annoncé en janvier qu’il ne réparerait pas les câbles de télécommunication de façon préventive, préférant investir 8,5 millions de dollars pour pallier d’éventuels bris, notamment en mettant en place une liaison de télécommunications de type micro-ondes entre les Îles-de-la-Madeleine et l’île du Cap-Breton en Nouvelle-Écosse.

Une porte ouverte vers des projets d’hydrocarbures?

De son côté, l’Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE) voit à la fois du bon et du mauvais dans la décision d’Hydro-Québec.

D’une part, l’AMSÉE (Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale) s’inquiète du fait qu’Hydro-Québec puisse rouvrir la porte à des projets d’énergie fossile, dont le gaz naturel liquéfié (GNL).

«Selon nous, ça ne serait vraiment pas avantageux sur le plan environnemental, affirme la présidente de l’AMSÉE, Marianne Papillon. Quand on brûle le GNL (gaz naturel liquéfié), ça pollue moins, mais quand on prend en compte l’ensemble de son cycle de vie, ça revient au même que le mazout sur le plan environnemental. Pour nous, il n’y aurait pas de gain à aller vers le gaz naturel liquéfié.»

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« Ce n’est peut-être pas un pas de recul, mais c’est un pas de travers», estime la présidente de l’AMSÉE, Marianne Papillon concernant la démarche d’Hydro-Québec. PHOTO : RADIO-CANADA / PHILIPPE GRENIER

Questionnée sur cette possibilité, la conseillère aux affaires régionales chez Hydro-Québec admet que tous les scénarios sont sur la table.

«Nous ne souhaitons pas rejeter d’emblée des options sans prendre le temps de les étudier, mentionne Catherine Bujold. Je rappelle que nous souhaitons en arriver à un projet qui allie le meilleur équilibre entre la réduction des gaz à effet de serre, l’acceptabilité sociale, les coûts et la fiabilité. Lorsque nous aurons avancé dans notre analyse, nous pourrons nous reparler du gaz naturel liquéfié.»

D’autre part, de façon plus optimiste, l’AMSÉE (Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale) soutient que les études plus approfondies d’Hydro-Québec pourraient également révéler le potentiel d’autres énergies vertes.

Il y a l’option du solaire qui n’a pas été approfondie, soutient Marianne Papillon. C’est l’occasion de regarder s’il y a un potentiel solaire aux Îles. Il y a aussi la biomasse qui pourrait être considérée. Notre centrale thermique, on n’est pas obligé de la garder au diesel, on pourrait la convertir à la biomasse ou aux granules de bois.

«Il y a le stockage d’électricité ou thermique, peut-être qu’il aurait des couplages d’énergies renouvelables qui seraient possibles de faire et qui pourraient innover, peut-être un peu plus que le câble sous-marin.» – Marianne Papillon, présidente de l’AMSÉE

La société d’État présentera le scénario choisi pour la transition énergétique des îles de la Madeleine au printemps 2021.

LA UNE : Les Îles de la Madeleine sont actuellement alimentées en électricité par une centrale thermique au mazout, mais Hydro-Québec souhaite accomplir une transition énergétique en 2025. PHOTO : RADIO-CANADA / ISABELLE LAROSE