Hugo Bourque : À l’affiche cette semaine

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Nous sommes quelque part à l’hiver 1997. Je fais la file au Cinéma madelinot, à Fatima, pour voir le film d’horreur Frisson en grande primeur. Primeur madelinienne, c’est-à-dire environ deux mois après sa sortie officielle à Montréal et pratiquement en même temps qu’Édouard Arseneau le mettait à louer en VHS au centre d’achat. On vivait ça dans le temps. C’était tellement long avant de recevoir la nouveauté cinématographique sur l’archipel que la cassette débarquait du Lucy Maud avant elle. Quand on voulait écouter un film, on se posait la question : est-ce que je le regarde dans le confort de mon chez-nous ou je me rends à Fatima le voir les deux souliers collés dans un restant de Pepsi ?


 


 

La première fois que j’ai mis le pied dans cette espèce de paquet de biscuits en métal, c’était pour le film La guerre des Tuques d’André Melançon. Quel beau souvenir! Pas juste pour le long métrage ou pour le chien qui meurt à la fin, mais aussi pour l’expérience : l’écran géant, le pop corn qui est tombé dans la salière et l’odeur d’humidité sans fin. Tout cela a son charme quand on est enfant.

Mais fréquenter le Cinéma madelinot comportait quand même ses dangers non négligeables. Certains soirs de pleine lune, le gars à la billetterie se transformait en vrai « gars de billetterie » et se mettait subitement et sans avertissement à respecter l’âge minimum requis. Un jour, tu pouvais voir les films classés seize ans et plus et le lendemain, on te retournait chez vous sécher ton nombril comme un vulgaire soleil de mer. Ce qui fait que tu donnais rendez-vous à tes amis au cinéma, mais c’était l’humeur du guichetier qui décidait si tu passais la soirée là ou au Decker Boy.

L’autre grand danger qui nous guettait était plutôt d’ordre disciplinaire. Si tu prenais le risque de garder ta gomme pendant la présentation, tu devais toujours t’assurer que ta façon de mâcher n’emprisonnait pas d’air dans ladite gomme afin d’éviter, par accident, de la faire péter à tout vent. Si un «clac» émanait de ta bouche intentionnellement ou non, tu pouvais être aveuglé sur-le-champ par une lumière de flash-light sans merci. C’ti toâ qui a fas péter ta gueumme?, chuchotait trop fort et avec soucis un certain Yves du même nom. Et là, tu devenais la risée de ta rangée et t’avais fait perdre la moitié du Flic de Beverly Hills à tes amis.

On avait également le ciné-parc quand on était flo et lui aussi apportait son lot de défis. Le principal : te trouver une bonne place. Et ce n’est pas simple parce qu’on voulait être proche de l’écran, mais pas trop pour ne pas avoir mal au cou et repartir de là avec un œil qui se fout de l’autre. On devait aussi éviter de s’installer directement derrière les Winnebagos, les gros trucks et ceux qui laissaient leurs enfants s’asseoir à la roue pendant le film. Ces petits pirates-là, qui avaient clairement profité du rabais pour les moins de douze ans, en profitaient toujours pour peser sur la pédale à frein toute la soirée… ce qui provoquait instantanément une chorale de klaxons digne du plus beau Minuit, chrétiens.

Aujourd’hui, les ciné-parcs peuvent compter sur la technologie des radios. Mais à l’époque, on entendait l’audio grâce à un genre d’émetteur tout droit sorti d’une émission de Fred Caillou. Il y avait le Dolby surround, mais ça, c’était plutôt le Délima surround. Et une fois sur deux, après avoir pris vingt minutes pour choisir méticuleusement ton stationnement, tu te rendais compte que ta petite radio préhistorique ne fonctionnait pas et tu devais te trouver une autre place… en prenant en considération tous les éléments du paragraphe précédent.

Personnellement, je n’ai jamais été très convaincu du plaisir qu’il y avait à regarder un film dans le confort très moyen d’un vieux Fort Tempo avec le pare-brise embué. Je dis « embué » parce que si t’avais le malheur d’ouvrir les fenêtres pour laisser circuler l’air, pendant que Rocky tapochait son gros Russe, toi tu boxais contre des milliers de maringouins qui avaient envahi ton auto. Sans compter toutes les mouches à feu qui essayaient de se suicider en se garrochant dans tes fenêtres pendant le film…

Pour endurer tout ça, il fallait grignoter. Alors juste avant le début de la projection, on se badigeonnait d’antibébittes pour éviter de se faire manger en vie par les moustiques et on courait jusqu’au petit restaurant… en arrière… loin… très loin de l’auto. C’est donc avec des victuailles refroidies, les bras remplis de piqûres de maringouins et avec une canisse de fayots vide en guise de speaker qu’on essayait de suivre notre film… jusqu’à ce qu’il se mette à mouiller à boire deboutte. On parle ici d’une belle soirée réussie, non ?

Vous savez, on dit souvent que pendant qu’on regarde un film, le temps s’arrête. Eh bien ! dans mon cas, c’est vrai parce qu’à l’époque du ciné-parc, j’ai eu douze ans pendant au moins trois ans. Si vous voyez ce que je veux dire…

Bon cinéma !

On se r’parle!

LA UNE : © Rocky 4