De vives critiques envers le fait français à l’Î.-P.-É suscitent la grogne

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La communauté acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard s’est enflammée à la suite de la publication d’un texte d’opinion critiquant l’enseignement en français et le développement de la francophonie dans la province.

Le texte d’opinion La francophonie maintenue artificiellement en vie à l’Île-du-Prince-Édouard a été publié dans le journal anglophone The Guardian, le vendredi 2 juillet.

La publication est signée par Claude Forest, un enseignant québécois à la retraite qui dit avoir séjourné dans la province en 1995 et y être récemment revenu.

Selon une déclaration publiée par la Commission scolaire de langue française de l’île mardi soir, M. Forest a été employé par l’École La-Belle-Cloche, à Rollo Bay, pendant trois mois il y a plus de trois ans.

Le français est en déclin, selon l’auteur de la lettre

L’auteur du texte déclare qu’entre ses deux séjours à l’île, le nombre de personnes parlant français dans la province insulaire n’a pas progressé, voire a même reculé, et ce bien que de nouvelles écoles francophones aient été construites.

Selon M. Forest, les élèves des écoles francophones parleraient rarement la langue de Molière en classe et les médias francophones à l’île seraient très peu suivis.

Le texte critique aussi la qualité des services bilingues offerts au sein des institutions publiques de la province.

L’auteur conclut en soulignant que la langue française n’aurait pas d’avenir à l’Île-du-Prince-Édouard et que les gouvernements devraient reconsidérer leurs investissements dans les services bilingues et la francophonie de la province.

La communauté francophone piquée au vif

Le président de la Commission scolaire de langue française, Gilles Benoît, a déclaré que la publication fait état d’un manque de connaissances sur la réalité de la communauté acadienne et francophone de l’île, à l’heure actuelle.

La demande d’inscriptions dans nos écoles est en hausse et la demande pour accepter des enfants de la communauté anglophone est de plus en plus grande, a-t-il déclaré.

En réponse aux critiques, Gilles Benoît a affirmé qu’il existe toujours un sentiment d’appartenance à la francophonie, bien que l’anglais soit occasionnellement utilisé par des élèves dans les établissements scolaires.

«C’est certain qu’à un moment donné, [les élèves] vont communiquer dans la langue de la majorité, mais dans le fond de leur cœur, ils ont une fierté incroyable pour leurs écoles, pour leurs centres communautaires et pour leur culture acadienne et francophone. » – Une citation de :Gilles Benoît, président de la Commission scolaire de langue française

Le réseau francophone de l’Île a connu une augmentation de 35 % de la population d’élèves en six ans, indique une déclaration cosignée par Gilles Benoît et par le directeur de la commission scolaire, François Rouleau.

Dans le document, la Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard rappelle l’importance de politiques dédiées à une réparation historique envers les populations parlant français au Canada.

Il faudra au moins trois générations, et même plus pour que nous puissions renverser une tendance lourde à l’assimilation des francophones en milieu minoritaire, précise l’institution.

Les statistiques démontrent une baisse du nombre de francophones

Les recensements de 2006,  2011 et 2016 font état d’une décroissance de la population dont la langue maternelle est le français à l’île.

En 2016, ce groupe représentait 3,4 % de la population, alors qu’en 2011, il représentait 3,7 %.

L’île comptait 4865 résidents dont la langue maternelle est le français, lors du dernier recensement.

Par ailleurs, le nombre de personnes bilingues a connu une augmentation en chiffres absolus.

En 2011, la province recensait 440 personnes ayant le français et l’anglais comme langues maternelles, alors qu’on en recensait 485 en 2016.

Le pourcentage par rapport au reste de la population reste stable, soit 0,34 % de la population de l’île en 2016.

Isabelle Dassylva Gill, la directrice de la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (SAF’Île) souligne qu’au-delà des statistiques, la francophonie dans la province demeure en croissance.

«Les chiffres sont sur papier, et il faut faire attention! Mais sur le terrain, on voit l’évolution. On voit à quel point le français évolue, c’est toute une dynamique de culture.» – Une citation de :Isabelle Dassylva Gill, directrice de la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard

Elle rappelle que des anglophones de l’île s’intéressent davantage à la francophone et sont de plus en plus engagés au sein des organismes qui soutiennent la communauté.

On a des personnes qui s’investissent parce qu’elles ont une passion pour le français, que ce soit par rapport à leurs origines acadiennes, que ce soit par rapport à leur amour pour le français, ajoute Isabelle Dassylva Gill.

Elle explique que les centres scolaires communautaires jouent un rôle essentiel dans le développement du français à l’île, surtout auprès de la clientèle anglophone, en leur offrant davantage d’occasions d’apprendre et de vivre en français.

La directrice de la Société acadienne et francophone de l’Île-du-Prince-Édouard rappelle que le recensement de 2021permettra d’avoir un portrait plus actuel de la population francophone de la province.

Enseigner en français

La qualité de la formation des enseignants qui sont issus des classes d’immersion et qui travaillent pour le réseau francophone a aussi été remise en question dans le texte d’opinion.

Dakota Cameron, un anglophone qui enseigne à l’école Saint Augustin à Rustico, se dit déçu des critiques.

Je me considère très privilégié d’avoir eu la chance d’enseigner à la Commission scolaire française. […] Moi, comme anglophone, je trouve que j’occupe une place particulière dans la commission scolaire, parce que je connais bien la clientèle. a-t-il déclaré.

Il rappelle que la communauté scolaire comprends plusieurs familles exogames.

«Je trouve que la diversité parmi nos enseignants est très importante.» – Une citation de :Dakota Cameron, enseignant

C’est vrai que ce n’est pas tout le monde qui parle en français à la maison, mais comme enseignant, je vois une fierté de la langue française dans nos écoles, ajoute-t-il.

Selon Elizabeth Blake, coordinatrice du programme de Baccalauréat en éducation français langue seconde, à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard (UPEI), le processus de recrutement des candidats au programme est très rigoureux en ce qui a trait aux compétences linguistiques.

Son équipe s’assure aussi que les finissants reçoivent une très bonne formation tout au long de leurs études.

Contacté par Radio-Canada, Claude Forest, l’auteur de la lettre d’opinion, a réitéré ses propos, mais il n’a pas voulu donner d’entrevue.

Le journal The Guardian n’a pas voulu commenter l’affaire.

Avec des renseignements de Julien Lecacheur et de Laurent Rigaux

LA UNE : Une lettre d’opinion publiée dans un journal anglophone de l’île a fait beaucoup réagir. PHOTO : RADIO-CANADA / GUY LEBLANC