Des cordages expérimentaux pas conçus pour tous les homardiers

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Cette saison, 148 homardiers de la Gaspésie ont effectué des tests avec des cordages munis d’une gaine à faible résistance qui permettent d’éviter l’empêtrement des baleines.

Les essais semblent démontrer que cet équipement ne convient pas aux plus gros bateaux ni à tous les fonds de pêche.

Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie travaille présentement à faire le bilan de l’expérience, mais déjà certaines conclusions émergent.

Le directeur de l’organisme, O’Neil Cloutier, explique que tous les homardiers ont utilisé les cordages conçus avec une gaine qui se rompt lorsque la tension est supérieure à 1700 livres. 6 des 39 lignes de pêche de chaque bateau ont servi aux essais.

Une chargée de projet a par la suite rencontré les pêcheurs pour évaluer avec eux leur expérience.

Selon les résultats préliminaires, la résistance du cordage pourrait convenir pour un bon nombre de pêcheurs, estime M. Cloutier. Sauf pour des pêcheurs qui possèdent des bateaux plus gros. En cas de mauvais temps, quand ça brasse, ça crée une tension supplémentaire et les gaines cassent, note-t-on.

C’est le cas aussi aussitôt que les fonds sont plus accidentés.

O’Neil Cloutier a testé lui-même l’équipement, et ce, avec succès puisqu’il pêche, dit-il, avec un petit bateau dans une petite zone peu profonde et au fond plutôt plat. Je n’en ai pas cassé une. Je n’ai aucun problème à vivre avec ça, souligne le homardier.

Il juge toutefois que cela ne servirait à rien d’équiper tous les bateaux avec ce type de câbles.

Pas pour tous

Le danger si la gaine ne résiste pas est de laisser les casiers dans les fonds marins ce qui constitue aussi un risque pour d’autres espèces marines.

De plus, les cages perdues deviennent des engins fantômes qui peuvent continuer à piéger la ressource longtemps après avoir été abandonnées.

O’Neil Cloutier croit que les cordages pourraient avoir tout de même une utilité, notamment pour les pêcheurs qui vont plus loin au large. Au lieu de mettre les gaines sur toutes les lignes, on pourrait au moins couvrir le front du large, plus susceptible de voir une interaction avec les baleines.

Il rappelle que la pêche au homard est une pêche côtière et que les baleines noires, les plus fragiles du golfe, ne s’aventurent pas dans la zone de 20 brasses (36,4 mètres) où s’activent les homardiers.

D’ailleurs, il spécifie que la majorité des pêcheurs de la Gaspésie fréquentent des zones moins profondes que 20 brasses où les baleines ne vont pas et que ces zones de pêche varient : plus la saison avance, plus les homardiers se rapprochent des côtes.

Depuis trois ans, une patrouille parcourt le territoire de pêche durant l’été pour recenser les baleines. Les observations les plus fréquentes sont celles de petits rorquals, de rorquals communs ou de petits dauphins, rapporte M. Cloutier.

D’autres tests

Les homardiers de la Gaspésie poursuivront leurs expérimentations l’an prochain avec un autre type de cordage. Les tests devaient être effectués cet été, mais l’équipement, en provenance de l’Inde, est arrivé trop tard pour la saison 2021. C’est un vrai câble, comme ceux dans nos bateaux, mais avec une capacité de tension bien moindre. Ça pourrait être plus acceptable. C’est moins de travail à installer.

Le Regroupement a déjà reçu un peu plus de 50 000 $ du Fonds des pêches pour financer les essais.

En 2023, Pêches et Océans Canada exigera que toutes les flottilles à engins fixes, comme les crabiers et les homardiers, utilisent des engins sécuritaires pour les mammifères marins.

Pour inciter l’industrie à accélérer la transformation, Ottawa a indiqué mercredi qu’il versera 20 millions de dollars pour aider l’industrie des pêches à acheter, à mettre à l’essai et à perfectionner les engins existants pour empêcher les empêtrements de baleines, dont la baleine noire de l’Atlantique.

Les limites

Invité à commenter, le directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie se dit en faveur d’une meilleure protection des baleines, mais estime que les objectifs du ministère sont irréalistes.

Il y a quand même une pensée assez utopique là-dedans. De dire qu’on va pouvoir réussir d’ici 2023 à avoir des engins susceptibles de ne pas enfreindre la vie d’une baleine, c’est un peu utopique. Il n’y a pas beaucoup de solutions.

Les autres flottilles de homardiers auront les mêmes problèmes que nous, ajoute le pêcheur. Les gars ne sont pas fous. On a beau mettre l’argent sur la table, mais il y a une limite à ce qu’on peut faire. Les gars essaient tout, tout. Il n’y a pas de mécanismes miracles.

«On ne peut pas engager des sommes et faire un projet juste pour satisfaire quelqu’un.» –  Une citation de :O’Neil Cloutier, directeur général du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie

Le porte-parole des homardiers gaspésiens estime que le ministère devrait se tourner vers d’autres solutions pour protéger les baleines et favoriser la cohabitation avec les pêcheurs.

Devancer la saison de pêche au crabe a été, selon lui, une très bonne mesure de protection qui a enfin pu faire ses preuves en 2021, et ce, souligne-t-il, après des années de demandes de la part des pêcheurs gaspésiens.

LA UNE : Des casiers pour la pêche au homard (archives). PHOTO : RADIO-CANADA / CBC/JOHN ROBERTSON