Un temps des sucres minimaliste aux Îles-de-la-Madeleine

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Bien qu’elle ait été déclarée patrimoine immatériel du Québec l’an dernier par le gouvernement Legault, la tradition du temps des sucres n’a pas fait son chemin jusqu’aux Îles-de-la-Madeleine, où les forêts d’érables ne sont pas légion.

En fait, le feuillu emblématique pourtant si abondant sur les rives du Saint-Laurent, est carrément absent de la forêt indigène de l’archipel. À ce propos, les écrits du Frère Marie-Victorin, qui a exploré le territoire près de quatre siècles après Jacques Cartier, nous confirment un dicton local voulant «qu’aux Îles, c’est pas pareil».

Le célèbre botaniste a noté, dans son inventaire de la flore laurentienne, que la forêt avait à l’époque «disparu de presque partout», sauf à l’île Brion où, de nos jours, le couvert forestier est surtout constitué de conifères.

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N’empêche que quelques Madelinots aventureux, dont Jean-Paul Harvie du canton de Grand-Ruisseau, produisent contre vents et marées un peu du liquide doré pour se sucrer le bec!

M. Harvie, un passionné d’horticulture, a planté une douzaine d’érables autour de sa maison, dans les années 1970. Il raconte que depuis qu’ils sont devenus matures, avec des troncs d’environ 65 cm de circonférence, ses arbres produisent plus de 210 litres d’eau d’érable par année. Ce printemps, il en sera à sa 11e récolte.

«Ça prend 40 onces (1,18 litre) d’eau pour faire 1 once (0,03 litre) de sirop», précise M. Harvie, qui soufflera bientôt ses 80 bougies. Ainsi, bon an mal an, il en produit une vingtaine de pots, que son épouse Gabrielle verse dans tous les contenants réutilisables qui lui tombent sous la main, qu’il s’agisse de pots Masson, à beurre d’arachide ou à Cheez Whiz.

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Notre producteur insulaire récupère aussi ses seaux de viande salée pour récolter son eau d’érable. Il explique avoir développé un système reliant les chalumeaux insérés dans ses arbres à ses chaudières, afin de composer avec le facteur vent qui n’est pas à prendre à la légère dans l’archipel. «Quand il vente 90-100 km, aux Îles, c’est assez souvent! C’est pour ça qu’avec le tuyau, ça va direct dans la chaudière. Et puis, avec le couvercle sur la chaudière, ça empêche les feuilles et les cochonneries de revoler dans l’eau.»

Autres différences avec le continent: le temps des sucres est plus tardif en plein cœur du Golfe et le climat n’y est pas très propice, selon M. Harvie. «Aux Îles, quand il fait froid la nuit, il fait aussi froid le jour, observe-t-il. Par exemple, s’il fait moins 7°Celsius la nuit, il fait rarement plus de zéro le jour, alors qu’il faudrait plutôt que ça monte jusqu’à 7°Celsius pour que la sève coule.»

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Benoit Boudreau, technicien forestier à la Municipalité des Îles, est d’avis que le secteur entouré de buttes où est installé M. Harvie forme un microclimat favorable aux érables, même si le vent y est omniprésent. «Il faut un secteur assez abrité du vent, parce que sinon on va avoir de la misère.»

D’ailleurs, c’est sur sa propriété abritée par un boisé qu’Hilaire Poirier, à Havre-aux-Maisons, a, lui aussi, réussi à faire pousser de beaux grands érables. Il dit en avoir semé une centaine au fil des années. Et il se prépare, pour la première fois, à expérimenter une trentaine d’entailles. «Mon but, c’était plus de me faire de la parure que de faire du sirop d’érable, tu sais. Mais à c’t’heure qu’ils sont là, je vais quand même essayer de m’en faire une tasse de temps en temps pour triper avec ça!»

PAR HÉLÈNE FAUTEUX