Un fossile pouvant avoir 300 millions d’années est trouvé à Cap-Egmont

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«Une découverte comme celle-ci se produit tous les 50 ans, si on est chanceux», dit le professeur John Calder, du papier essuie-tout dans les mains, essayant d’assécher le plus possible les traces d’un squelette visible dans le sol rouge et friable, alors que la marée est dans sa descente.  Ce squelette, dont la partie visible mesure environ 60 cm de long, a été trouvé le lundi 22 août par Lisa St-Cœur-Cormier, et récolté au prix de grandes précautions quatre jours plus tard, le vendredi 26 août. 

Lisa (St-Cœur) Cormier prend souvent des marches le long des berges, lorsqu’elle visite ses beaux-parents, Aubrey et Angie Cormier, dans leur maison du bord de l’eau à Cap-Egmont.

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Lisa Cormier pourrait avoir découvert le fossile d’une espèce totalement inconnue à ce jour, au cours d’une promenade le long des berges juste en bas de la maison de ses beaux-parents, Aubrey et Angie Cormier. (Photo : J.L.)

«Ça faisait quelques jours que je voyais cette forme.  Je pensais que c’était des racines, mais lundi, je l’ai vraiment observée et lorsque j’ai compris qu’il s’agissait d’un squelette fossilisé, j’ai pris des photos, je les ai envoyées à Angie.»

Un branle-bas de combat s’est mis en place.  Des États-Unis où elle était en visite, Angie a communiqué avec Laura MacNeil, propriétaire de la compagnie Prehistoric Island Tour.  Cette dernière a tout de suite rappelé Lisa et fait des arrangements pour venir voir de ses yeux ce qu’elle avait vu sur la photo.

C’est Laura MacNeil qui a communiqué avec le professeur John Calder, géologue et paléontologue de la Nouvelle-Écosse, qui a alors entrepris d’assembler une équipe pour la récolte qui s’est faite le vendredi 26 août.

«Nous savons que c’est un animal très ancien, qui semble dater de la fin de la période carbonifère et de la période permienne.  C’était il y a environ 300 millions d’années, bien avant les dinosaures.  Cela va prendre peut-être un an pour décoder tout ce que ce squelette a à nous dire.  Nous croyons qu’il daterait de la période où les amphibiens et les reptiles étaient en train de se différencier.  Il se pourrait qu’on ait déjà un spécimen ayant les mêmes caractéristiques, mais il se pourrait que ce soit quelque chose de complètement nouveau, une réelle découverte scientifique», dit le professeur Calder.

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Le fossile tel qu’il apparaissait le vendredi 26 août. (Photo : Lisa Cormier)

Une trouvaille improbable

Les falaises qui surplombent le bout de plage où Lisa a fait sa découverte ont plusieurs mètres d’épaisseur et comme partout à l’Île, elles sont sujettes à l’érosion.  Elles sont fouettées par les marées et les ondes de tempêtes, et subissent les assauts de l’environnement de façon quotidienne.

«Très régulièrement, après une tempête, le sol ici est recouvert d’une épaisse couche de sable.  On aurait pu ne jamais voir ce fossile», dit Aubrey Cormier.  Pour que ce fossile, enfoui depuis 300 millions d’années, devienne visible, il a fallu que la falaise recule juste assez, et juste à la bonne profondeur et qu’on le voie à temps pour le préserver.

«Comme je l’ai dit, je l’ai photographié lundi dernier.  Plus tard en soirée, lorsque j’ai voulu le montrer à mon mari Gabriel et mon beau-père, Aubrey, il était déjà recouvert par la marée.  Je n’ai pas dormi de la nuit.  J’avais peur qu’il ait complètement disparu.  Il était très fragile et il y avait des morceaux qui se détachaient.  Je les ai ramassés et préservés», dit celle qui est enseignante à l’école Three Oaks à Summerside depuis l’an dernier, et qui enseignait auparavant à l’école East Wiltshire à Charlottetown.  «J’enseignais les sciences dans cette école et on parlait beaucoup de géologie et de fossiles.  Je salue mes anciens élèves.  Je suis certaine qu’ils sont aussi excités que moi de cette trouvaille», souligne Lisa Cormier.

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Après plusieurs heures de labeur, la zone à prélever est bien délimitée. On aperçoit entreautres Matt Stimson, Patrick Brunet, Aubrey Cormier, John Calder et Linda Berko. (Photo : J.L.)
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Patrick Brunet, Matt Stimson, Linda Berko et Gabriel Cormier s’activent autour du fossile. (Photo : Lisa Cormier)

Excavation : une course contre la marée

Le travail d’excavation a demandé plusieurs heures de dur labeur.  Les scies et autres outils plus basiques, comme les pics de mineurs, ont été menés à l’huile de coude par Patrick Brunet, sculpteur et découvreur de fossiles à ses heures, ainsi que Matt Stimson, géologue et paléontologue associé au Musée du Nouveau-Brunswick.  Il fallait faire relativement vite, car la marée allait inexorablement remonter.  Ce n’est que vers 20 h que les travaux ont pris fin, deux heures après que la marée ait atteint son point le plus bas, vers 18 h 20.

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La scie a été mise à contribution pour marquer le périmètre à dégager de façon précise. Matt Stimson et Patrick Brunet sont à la tâche. (Photo : J.L.)

 

Les fossiles sont là

Le géologue et paléontologue John Calder est aussi un auteur très respecté dans son domaine.  Son plus récent ouvrage, paru en 2018, s’intitule : Island at the Centre of the World : The geological heritage of Prince Edward Island, parle entre autres du fossile découvert en 1995 par Michael Arsenault, alors âgé de 9 ans.  En 2015, les scientifiques ont finalement statué que l’animal était une «nouvelle espèce», qui a été nommée Erpetonyx arsenaultorum, en l’honneur de son découvreur.

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Le fossile est examiné en détails. La réglette de 15 cm (6 pouces) permet de donner un ordre de grandeur. (Photo : J.L.)

Une rapide recherche dans «les Internets» permet de découvrir que plusieurs fossiles ont été découverts au cours des années à l’Île-du-Prince-Édouard.  «Il y en a.  Il faut regarder», encourage John Calder.

Lisa Cormier aimerait bien que le fossile qu’elle a découvert reçoive un nom qui rappelle sa découvreuse.  «Dans ma tête, j’ai fait le remue-méninge.  J’aimerais que ça sonne bien, peut-être Lisasaurus ou Lisalaurus, mais j’aimerais que Cormier soit là quelque part.  Ça serait pour nous comme de laisser un héritage à la prochaine génération», dit la jeune femme.

Les scientifiques chargés de la récolte ne pouvaient pas dire avec exactitude où le fossile serait envoyé pour les prochaines étapes de nettoyage, de reconstitution et d’analyse.  Le Smithsonian, le plus grand musée et institution de recherche au monde, a été mentionné comme une possibilité.

LA UNE : Photo : Lisa Cormier

PAR : Jacinthe Laforest