Un Sommet sur les phoques qui rate sa cible, selon les chasseurs madelinots

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De retour du Sommet sur les phoques tenu à Terre-Neuve les 8 et 9 novembre dernier, le directeur de l’Association des chasseurs de phoques Intra-Québec, Gil Thériault, sort plutôt déçu des discussions.

Le problème, c’est qu’on n’a pas discuté des bonnes choses , commente le porte-parole des chasseurs madelinots.

Pour Gil Thériault, le problème de base est la désorganisation de la chasse, un problème que le Sommet n’a presque pas abordé.

Il note que la chasse au phoque gris est très différente de la traditionnelle chasse au phoque du Groenland, sur la banquise.

Il ne faut jamais oublier qu’on parle d’une chasse sauvage , explique le directeur. On parle d’un animal qui est dans l’eau, qui peut plonger et se cacher très facilement. S’il est sur une berge, il peut s’en aller à l’eau s’il entend un coup de feu. 

On a un paquet de règlements qui ne sont pas adaptés à cette chasse-là , poursuit le Madelinot. De plus, ajoute-t-il, il n’y a pas de flotte spécialisée pour cette chasse. Il observe que presque personne ne sait chasser le phoque gris.

L’accès aux colonies est un autre problème, d’après lui. Les phoques fréquentent des plages situées dans des endroits difficiles d’accès ou avec un accès interdit ou limité comme des réserves écologiques, des parcs ou des terrains privés.

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Le Sommet portait plutôt sur le développement de produits dérivés du phoque, la création d’opportunités économiques pour les collectivités rurales et autochtones et sur l’innovation commerciale au Canada atlantique.

Le Madelinot estime que ces projets sont fort intéressants pour l’avenir, mais que les chasseurs de phoque sont aux prises avec des problèmes beaucoup plus fondamentaux. Je leur ai dit pendant le sommet, je leur ai dit : « Vous voulez construire une maison puis vous commencez par le toit. Mais on n’a pas de fondation encore ».

Bien qu’il admette que les diverses présentations et discussions ont été enrichissantes et que l’initiative témoigne d’une certaine ouverture de Pêches et océans Canada, M. Thériault ne sent pas que les besoins réels de l’industrie sont bien compris par le Ministère.

Ils [les fonctionnaires] sont prêts à mettre des millions dans la commercialisation et dans le développement de marchés extérieurs au Canada , relève Gil Thériault. Mais on n’a pas d’argent pour étudier comment on va chasser, les associations n’ont pas une cenne pour rouler. On parle d’exportation à l’extérieur du pays et on n’est pas capable d’exporter de la viande du Québec à l’Île-du-Prince-Édouard. 

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En ce qui concerne le développement de marchés internationaux, on est loin de la coupe aux lèvres, selon Gil Thériault. Il juge ces projets très intéressants, mais peu réalistes.

Je pense qu’il faut commencer par parler de comment on va arriver à aller chercher un nombre de phoques suffisant, en quantité et en qualité pour pouvoir bâtir cette industrie-là, fait-il savoir. Par la suite, une fois que ça sera réglé, peut-être dans cinq ou six ans, si on commence tout de suite puis qu’on y met effort, énergie et argent, on parlera de marché d’exportation, on parlera de plein de choses, mais actuellement, on met la charrue avant les boeufs.

Une rencontre de dernière minute?

Il considère de surcroît que la rencontre a été improvisée en considération d’autres problèmes liés à la prédation. Je pense que ce qui a déclenché ça, c’est particulièrement le moratoire sur le hareng et le maquereau. La grogne est à son comble. 

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Gil Thériault indique avoir assisté à au moins une quinzaine de rencontres semblables, dont il ne doute pas de l’intérêt, mais s’interroge sur les résultats et les mesures qui en découleront.

Je trouve ça bien que cet événement ait eu lieu, estime-t-il. C’est quand même assez bien. Mais je pense que le Ministère n’a pas organisé ça de gaieté de cœur, mais bien parce que la grogne et la pression grandissent dans l’industrie de la pêche, unanimement, de toutes les associations de pêche. 

Il croit que y a beaucoup de gens n’ont pas pu se présenter au Sommet parce que c’était trop dernière minute, mentionne-t-il. C’était excessivement cher et difficile de se rendre là. Malgré tout, il estime qu’une centaine de personnes ont participé à la rencontre.

Le MPO ne commente pas

Interpellé par Radio-Canada à partir des critiques de M. Thériault, le ministère des Pêches et des Océans n’a pas souhaité accorder d’entrevue.

Par courriel, le ministère indique que des événements comme le Sommet sur les phoques permettent au gouvernement du Canada de collaborer avec les intervenants pour s’assurer que nous soutenons la croissance économique, tout en maintenant une chasse durable et des écosystèmes marins en bonne santé pour les générations futures. 

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Interrogé sur sa gestion du cheptel, le MPO souligne que la chasse est axée sur des pratiques durables, sans cruauté et bien réglementées.

Quant à la question de la gestion du cheptel, Pêches et Océans Canada spécifie qu’il n’attribue pas de total autorisé des captures pour la chasse au phoque de l’Atlantique, car les prélèvements ont été faibles au cours des dernières années. Cependant, les chasses sont surveillées de près, pour s’assurer que les débarquements respectent les avis scientifiques les plus récents. 

Sur un troupeau de 366 400 bêtes recensées en 2021, le MPO rapporte l’abattage de 315 phoques, dont 240 pour la chasse commerciale.

Si les prélèvements de la chasse commerciale ont été plus importants entre 2017 et 2020, ils ont toujours été inférieurs à 1 % du cheptel du golfe et du plateau néo-écossais.

LA UNE : Selon Gil Thériault, une centaine de personnes ont assisté au Sommet sur les phoques à St. John, Terre-Neuve. PHOTO : GRACIEUSETÉ GIL THÉRIAULT
PAR Joane Bérubé et Brigitte Dubé