Le mouvement pour changer le nom de l’Université de Moncton ne s’épuise pas

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En février 2023, Jean-Marie Nadeau du Nouveau-Brunswick a fait parvenir une lettre au Moniteur acadien, le journal hebdomadaire du Sud-Est du Nouveau-Brunswick.  Dès sa publication, sa lettre a relancé un débat sur la pertinence de changer le nom de l’Université de Moncton.  Sa suggestion? L’Université de l’Acadie. 

Pour Jean-Marie Nadeau, le changement de nom, survenu l’an dernier, de la célèbre Université Ryerson de Toronto, demeure l’exemple le plus récent et spectaculaire d’un changement de nom d’université, qui s’appelle dorénavant la «Toronto Metropolitan University».

«Cette université n’a pas perdu son lustre et sa notoriété pour autant. Son nom a été changé parce que Ryerson était le personnage historique qui avait implanté les pensionnats autochtones», rappelle Jean-Marie Nadeau.

Pour lui, il est inspirant de voir comment cette université ontarienne présente sa décision. «Elle affirme que son nouveau nom est porteur d’un avenir rempli de possibilités, pour dire au monde pourquoi elle existe et de quoi elle est façonnée. On ajoute que ce nouveau nom est, pour elle, une invitation à être plus inclusive et à renouveler sa façon de penser et de créer. On saisit cette occasion pour réaffirmer ses valeurs. Tout cela pourrait s’appliquer au nouveau nom de notre université. Le nouveau plan quinquennal de notre université parle de créativité et d’attractivité : un changement pourrait donner un élan à ces perspectives», analyse le promoteur d’un changement de nom.

Une ironie à corriger

«Il est gênant, dit Jean-Marie Nadeau, d’avoir à expliquer à des étrangers que notre université acadienne porte le nom d’un des pires tortionnaires de notre peuple. Il ne viendrait jamais à l’esprit, même pour une fraction de seconde, que le peuple israélien puisse nommer une université comme l’Université Hitler de Jérusalem. La comparaison est peut-être exagérée, heurtant l’imaginaire, mais il s’y trouve un fond de vérité, même si toute comparaison est boiteuse.»

Roger Léger, un Acadien du Québec, invite tous les Acadiens dans sa province à soutenir le changement de nom.  Il y va de quelques comparaisons : «On n’aurait pas idée que l’Université Laval à Québec s’appelle l’Université Wolfe; il n’est pas plus acceptable que l’Université des Acadiens à Moncton s’appelle l’Université de Moncton. À Washington, D.C. il y a l’American University, à Moncton, N.-B. il devrait y avoir l’Université de l’Acadie», a-t-il contribué au débat en cours.

Un véritable mouvement

Dès la parution de la lettre de Jean-Marie Nadeau, une initiative citoyenne s’est mise en place.  Une pétition a été lancée, récoltant plus de 1000 signatures en une semaine, incluant les signatures de l’écrivaine Antonine Maillet, de l’auteure-compositrice-interprète Edith Butler, de la cinéaste Renée Blanchar et même des Cajuns comme le musicien Zachary Richard.

«Le mouvement ne s’épuise pas.  On continue d’accumuler des signatures.  Et on se prépare à faire une représentation à l’assemblée générale annuelle de la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick le 18 juin», précise Jean-Marie Nadeau.

Dans un communiqué de presse diffusé le 10 mars sur le site Web de l’Université de Moncton, le recteur et vice-chancelier Denis Prud’homme a accusé réception de la pétition de quelque 1000 signatures.  «Cette semaine, nous avons reçu une pétition d’un comité citoyen nous invitant à amorcer un processus pour changer le nom de notre établissement universitaire. Réaffirmons d’emblée, et de manière sans équivoque, que notre institution est acadienne, de langue française et fière de son unicité», insiste le recteur, d’entrée de jeu.

Il confirme aussi que l’établissement a répondu aux initiateurs de la pétition que leur demande sera étudiée, notamment lors de la réunion du Conseil de l’Université, prévue pour le 15 avril.

À la suite de cette réunion, l’Université a informé le comité citoyen de sa décision de nommer deux responsables pour réaliser un état des lieux sur la dénomination de l’Université de Moncton

L’objectif du mandat proposé par le Conseil de l’Université sera de produire un rapport de nature informatif et technique qui examine notamment les aspects sociohistorique, politique, social, réputationnel, juridique et économique d’un changement de dénomination d’une université et son impact sur l’Université de Moncton.  Le Conseil prévoit recevoir le rapport en octobre 2023.

Le Comité d’initiative citoyenne, dont Jean-Marie Nadeau fait partie, voit d’un bon œil les décisions du Conseil de l’Université prises lors de sa rencontre du 15 avril dernier, de consacrer des ressources au dossier en s’engageant dans un processus rigoureux. Il a aussi ouvert la porte à d’autres suivis, y compris une consultation publique, si nécessaire.

 

LA UNE : Jean-Marie Nadeau souhaite que l’Université de Moncton soit rebaptisée l’Université de l’Acadie.  «Il est temps que l’on se réapproprie la grandeur de notre histoire en appelant tout simplement notre université : Université de l’Acadie.»  Il réfute l’argument selon lequel le nom d’Acadia University est déjà pris.  «On n’en a rien à cirer qu’une université anglophone en Nouvelle-Écosse s’appelle “Acadia University“. D’une manière ou d’une autre, cet état de fait s’appelle de l’appropriation culturelle. C’est une marque de commerce qui ne se traduit pas. La réciprocité s’appliquerait aussi pour notre Université de l’Acadie. Peut-être qu’Acadia University devrait elle aussi songer à changer son nom?», propose-t-il.  (Photo tirée du site facebook de Jean-Marie Nadeau).

PAR Jacinthe Laforest