La chasse aux phoques divise

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La chasse aux phoques dans le Golfe du Saint-Laurent reste une activité controversée. D’un côté, les défenseurs parlent d’une activité durable qui participe à la régulation d’une espèce dont la population explose. De l’autre, les adversaires dénoncent une activité cruelle qui met en péril la survie d’un mammifère marin déjà menacé par le réchauffement climatique.

La chasse aux phoques est officiellement ouverte depuis le 20 janvier dernier dans le Golfe du Saint-Laurent. Mais, à l’Île-du-Prince-Édouard, l’activité se meurt. Il ne reste qu’une poignée de chasseurs de phoques vieillissants, âgés de plus de 70 ans.

Jennifer Dewland est employée de l’Association des pêcheurs de l’Î.-P.-É.  (Photo : Gracieuseté)

«Nous avons perdu beaucoup de nos chasseurs. Ils sont encore quatre ou cinq à détenir des permis de chasse commerciale, mais ils ne sont plus actifs», confirme Jennifer Dewland, employée de l’Association des pêcheurs de l’Î.-P.-É. Résultat, depuis deux ans, «nous n’avons eu aucun débarquement de phoques dans les ports de la province», regrette-t-elle.

L’effondrement de la demande sur le marché international décourage les chasseurs. Les embargos décrétés par les États-Unis comme par l’Union européenne sur le commerce de la fourrure et des produits dérivés du phoque dès 1983 ont entraîné une chute vertigineuse des prix.

Cette fermeture des marchés américain et européen est liée aux nombreuses campagnes coups de poing qui dénoncent une chasse commerciale intrinsèquement cruelle. Les organisations de défense des animaux utilisent notamment l’argument de bébés phoques assassinés.

Formation sur l’abattage sans cruauté

Bien que la chasse aux blanchons (phoques à la fourrure blanche de moins de 12 jours) soit interdite depuis 1987, «les phoques tués ont entre trois semaines et trois mois», souligne Sheryl Fink, directrice des Campagnes canadiennes pour la protection de la nature de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW).

«Ils restent très jeunes, ils n’ont pas encore appris à nager et à se nourrir», poursuit-elle.

De leur côté, les partisans de la chasse ne décolèrent pas. Jennifer Dewland assure que la chasse au phoque est pratiquée «sans cruauté», qu’elle est «durable» et «l’une des plus réglementées au monde».

Sheryl Fink est directrice des Campagnes canadiennes pour la protection de la nature de l’International Fund for Animal Welfare (IFAW).  On la voit sur une côte de l’Île-du-Prince-Édouard avec un blanchon.  (Photo : Gracieuseté)

«On ne gaspille rien, on récupère la viande, la peau et la graisse riche en oméga-3, mais aussi la fourrure qui permet de confectionner des vêtements de haute qualité», affirme-t-elle.

Depuis 2008, suite aux recommandations d’un groupe international de vétérinaires, les chasseurs doivent aussi suivre une formation obligatoire sur l’abattage sans cruauté.

La méthode en trois étapes prévoit qu’après avoir assommé le phoque, le chasseur contrôle sa perte de conscience en palpant le crâne et, enfin, saigne l’animal en tranchant deux artères principales.

«On doit ainsi s’assurer que l’animal meurt le plus rapidement possible, on ne traîne jamais une bête mourante sur des centaines de mètres, insiste Jennifer Dewland. On a des normes de pointe en matière de bien-être animal.»

Plus de 7 millions de phoques du Groenland

Sheryl Fink d’IFAW veut croire que la situation s’est améliorée : «Comme la chasse a beaucoup diminué, j’ai le sentiment qu’on passe plus de temps à s’assurer que les phoques sont tués sans cruauté.»

Aux yeux de la militante, c’est la chasse «compétitive à grande échelle» à la fin des années 1990 qui a causé le plus de problèmes.

«Des centaines de milliers de phoques étaient tués chaque année. Les chasseurs tentaient d’en capturer le plus grand nombre possible et le plus rapidement possible, ça a entraîné de mauvaises pratiques», rapporte-t-elle.

Pêches et Océans Canada accorde désormais aux pêcheurs des quatre provinces de l’Atlantique le droit de chasser 77 300 mammifères marins par an. «Et nous n’atteignons même pas 10 % de ce quota», précise Jennifer Dewland.

Phoque du Groenland.  (Photo : Wikimedia Common)

Résultat, selon elle, les populations de phoques du Golfe connaissent une explosion démographique sans précédent.

Pêches et Océans Canada évalue la population actuelle de phoques gris à 424 300 individus. Celle des phoques du Groenland est passée de 1,5 million d’animaux en 1980 à 7,6 millions en 2022 – la plus élevée jamais enregistrée.

Boucs émissaires

L’industrie de la pêche accuse ces supers prédateurs de participer à l’épuisement des bancs de poissons, de morues, de harengs de printemps et de maquereaux dans le golfe du Saint-Laurent.

Sheril Fink s’inscrit en faux et considère que les phoques sont des boucs émissaires : «Des études scientifiques ont montré qu’ils n’ont pas d’impact. C’est plutôt le changement climatique et le réchauffement des océans qui sont en cause.»

Elle rappelle, en outre, que des scientifiques ont dénoncé les dangers que la chasse au phoque fait peser sur la survie d’une espèce déjà menacée par le réchauffement climatique.

«Certaines années, des centaines de milliers de bébés phoques sont morts avant même l’ouverture de la chasse à cause de la fonte des glaces», alerte-t-elle.

La situation ne semble pas inquiéter l’Association des pêcheurs de l’Î.-P.-É. L’organisme se mobilise pour former une nouvelle génération de chasseurs, prêts à partir en mer dès l’année prochaine.

Le mois dernier, le ministre fédéral des pêches a annoncé une modification de la loi sur les pêches pour la région du Golfe qui permettra aux insulaires d’avoir des permis de pêche à des fins personnelles en plus des licences commerciales.

LA UNE : Jeune phoque gris. (Photo : GAndreas Trepte, licence Creative Commons, Wikipédia)
PAR Marine Ernoult /
IJL – Réseau.Presse – La Voix acadienne