L’Acadie à travers les yeux de Georges Langford

Publicité

Articles similaires

Le CISSS des Îles n’abandonne pas son projet de logements

Le Centre intégré de santé et de services sociaux...

L’ancien porte-parole de la SQ Claude Doiron subira un procès

L’enquête préliminaire de l’ancien porte-parole de la Sûreté du...

Pêche à l’appât du maquereau : « On est oubliés », disent les pélagiques

Après l’annonce par Pêches et Océans Canada de la réouverture...

Les 35 ans d’Attention FragÎles

L'organisme Attention FragÎles, désormais reconnu comme conseil régional de...

Par Pascal Raiche-Nogue
Dossier 2 de 5

Les artistes madelinots jouent un grand rôle dans l’évolution et la survie de la fibre acadienne. L’un d’eux, Georges Langford, nous explique sa vision de l’Acadie et de la place qu’y occupent les Îles.

Aux Îles, on dit que chaque famille compte au moins un musicien. Des violonistes, il y en a très peu, mais des violoneux courent les rues. Pour chaque chansonnier qui a fait carrière sur le continent, des dizaines font leur petit bout de chemin aux Îles.

Lorsque l’on parle de culture acadienne aux Îles, on ne peut passer à côté de Georges Langford, un monument madelinot. On lui doit de nombreuses chansons qui traitent des Îles et de la mer, des sujets qui lui sont chers.

Vous l’ignorez peut-être, mais vous connaissez au moins l’une de ses chansons; Le frigidaire. C’est en effet lui qui a écrit la version originale de cette pièce popularisée par Tex Lecor dans les années 1970.

L’Acadie fait partie de la vie de Georges Langford depuis longtemps. Ce sexagénaire se souvient bien de son enfance et des liens forts qu’entretenaient les Îles et le Nouveau-Brunswick.

«On était partie prenante (de l’Acadie), on allait acheter le quotidien l’Évangéline à tous les jours au magasin général, on avait les nouvelles de l’Acadie. On n’y était jamais allés, mais on était enfants et on savait déjà à peu près où c’était», dit-il.

La question à savoir si les Îles faisaient partie de l’Acadie, il ne se l’est jamais posée, dit-il. «Pour moi, les Îles en faisaient partie, c’était automatique parce qu’on avait les mêmes noms de famille, on parlait la même langue, on avait la même religion, même si on ne la pratiquait pas toujours. Elle était là quand même», dit-il en riant.

Les études ont amené Georges Langford au Collège de Bathurst. C’est là qu’il a fait ses premiers pas comme artiste. Après avoir passé quelques années à rouler sa bosse au Québec et à faire carrière, il a décidé de revenir aux Îles dans les années 1980. Il y demeure depuis.

Une identité complexe…pour les visiteurs

La fibre acadienne indéniable n’empêche pas les Îles-de-la-Madeleine d’avoir une culture bien à elle, des accents qui lui sont propres. On l’entend bien en s’arrêtant ça et là. À Havre-Aubert, un bastion culturel acadien, les gens prononcent leur «r» sans détour.

Plus au nord, à Havre-aux-Maisons, d’où est originaire Georges Langford, c’est le contraire; les gens ne prononcent pas, ou peu, les «r» et les remplacent à l’oral par des «y». Leur parler est chantant et, il faut le dire, un peu difficile à comprendre lorsque l’on n’y est pas habitué.

Bon nombre de Madelinots n’hésitent pas à se dire Madelinots, Acadiens, Québécois et Canadiens. Dans l’ordre, ou à peu près. De quoi donner le tournis aux visiteurs.

«Non, pour nous autres ce n’est pas difficile à vivre. On s’y est fait. C’est peut-être difficile à comprendre pour d’autres, qui disent “mon Dieu, qu’est-ce qui se passe? Vous êtes entouré d’anglais, vous parlez français, vous êtes Acadiens, vous êtes Canadiens, vous êtes séparatistes en plus. Qu’est-ce qui se passe?”»

Les Îles ont en effet un passé séparatiste. Le Parti libéral et le Parti québécois s’échangent le pouvoir depuis les années 1960 dans la circonscription des Îles-de-la-Madeleine. En 1995, une majorité de Madelinots ont voté «oui» lors du référendum sur la souveraineté du Québec.

«On est un peu et même très indépendantistes. Et la quête d’indépendance, à mon avis, c’est l’un des traits fondamentaux du caractère acadien. Si on remonte à l’histoire des Acadiens au tout début, s’ils ont eu des problèmes, c’est parce qu’ils étaient indépendants, dans le fonds. En tout cas, ils aimaient être indépendants», dit Georges Langford.

Selon lui, la fibre acadienne des Îles est là pour rester, sans pour autant trahir sa spécificité.

«Les Madelinots ne peuvent pas être acadiens comme un Acadien de Moncton ou un Acadien de Caraquet ou de Shippagan. Il faut être Acadien comme on est. Et il y a de la place pour ça, je pense. Il y a de la place pour la sorte d’Acadiens qu’on est. On n’a pas besoin de devenir comme les autres, pareils comme les autres n’ont pas besoin de devenir comme nous autres.»

Au final, l’Acadie est un concept malléable, rappelle Georges Langford. C’est bien connu, les gens ne voient pas nécessairement l’Acadie de la même manière au Nouveau-Brunswick, à l’Île-du-Prince-Édouard, en Louisiane et au Québec.

«Je pense que l’Acadie, c’est justement ça. C’est très virtuel l’Acadie. Et c’est peut-être sa chance actuellement. Y a-t-il quelque chose aujourd’hui de plus actuel que du virtuel?»

 

Photos : Pascal Raiche-Nogue.