La pêche devra s’adapter aux changements climatiques

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Les changements climatiques font déjà sentir leur impact sur les océans. L’eau des mers se réchauffe et le fleuve Saint-Laurent n’échappe pas à ce phénomène. Cette poussée de fièvre bouleverse les migrations d’espèces et risque même de déstabiliser l’industrie des pêches. Il y aura des gagnants… et des perdants.

Aux Îles-de-la-Madeleine, Félicien Leblanc prend la barre de son petit bateau pour la dernière fois de l’automne. Il est l’un des derniers pêcheurs de maquereaux des Îles. Il raconte que la plupart ont abandonné cette pêche depuis 10 ans, faute de maquereaux. Le pêcheur est catégorique : le poisson contourne désormais les îles lors de sa migration.

« Ça a changé beaucoup. L’eau est devenue trop chaude aux Îles. C’est un poisson capricieux, et ça lui prend la bonne température.» – FÉLICIEN LEBLANC, CAP-AUX-MEULES

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Photo(s) : iStockphoto

Un poisson-thermomètre

Le maquereau est réputé pour être sensible à la température de l’eau. Bon nageur, il se déplace sur de grandes distances pour rejoindre les eaux qui lui sont favorables.

Or, le golfe du Saint-Laurent – tout comme l’Atlantique Nord – se réchauffe. La température de l’eau a grimpé de 1,3 degré depuis une centaine d’années. Mais ce qui inquiète maintenant les chercheurs, c’est la cadence accélérée des dernières décennies.

« L’eau se réchauffe deux fois plus vite qu’il y a 30 ans », affirme le physicien Peter Galbraithe, de Pêches et Océans Canada.

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Photo(s) : Radio-Canada/La semaine verte

« Ce réchauffement des eaux explique en partie la rareté du maquereau dans le golfe du Saint-Laurent », relate Martin Castonguay, de Pêches et Océans Canada.

« Au début des années 2000, on l’a vu migrer vers le nord », soutient le chercheur, précisant qu’il a même atteint le nord de Terre-Neuve. Du jamais vu, car l’eau à cet endroit était jusqu’ici demeurée beaucoup trop froide. « L’espèce devait conquérir de nouveaux sites d’alimentation. On croit que le réchauffement des eaux lui a ouvert la porte du Nord ».

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Un creux dans le golfe…

L’arrivée soudaine du maquereau à Terre-Neuve a attiré quantité de pêcheurs et de chalutiers étrangers. On surpêche le poisson et le stock s’effondre rapidement. Depuis, le poisson n’a jamais remonté la pente.

« Ce qui empêche son retour serait aussi lié aux changements climatiques », croit Martin Castonguay. Son équipe a en effet démontré que le réchauffement de l’eau nuit à l’abondance de certaines espèces de zooplancton.

« Les larves de maquereaux ont besoin de petits copépodes pour se nourrir. Or, depuis quelques années, on voit que les copépodes sont en déclin dans le golfe. » MARTIN CASTONGUAY, PÊCHES ET OCÉANS CANADA

… et une montée en Europe

Le réchauffement des eaux ne bouleverse pas que les écosystèmes marins dans les eaux canadiennes. Il déstabilise aussi au passage l’économie des pêches d’autres pays de l’Atlantique Nord.

Dans l’archipel des îles Féroé, au large de la Norvège, les pêcheurs ont vu surgir dans leurs filets en 2008 des quantités phénoménales de maquereau, un poisson absent jusque-là des mers du Nord.

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Photo(s) : iStockphoto

Encore une fois, le réchauffement des eaux est à l’origine d’un tel mouvement. Le stock était en pleine croissance au large de la France et de l’Espagne. Comme les eaux de l’Atlantique Nord étaient devenues moins hostiles, le maquereau a alors choisi de remonter vers le nord pour agrandir son garde-manger.

« Avec 8 milliards de tonnes, c’est le plus important stock de maquereau de la planète. L’espèce atteint maintenant l’Islande, le Groenland et même l’archipel des Svalbard. » CHRISTOPHE PAMPOULIE, DE L’INSTITUT DE RECHERCHE MARINE DE REYKJAVIK, EN ISLANDE

Devant autant de maquereaux, Féringiens et Islandais veulent eux aussi profiter de la richesse amenée par le réchauffement climatique.

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En 2010, l’Islande et les Féroé ont augmenté leurs captures, mais ils l’ont fait sans l’accord de l’Union européenne. Bruxelles a alors fermé tous les ports d’Europe aux bateaux féringiens et islandais.

Ce conflit commercial durera trois années. C’est l’un des plus importants litiges qu’ait connus l’Europe au cours des dernières décennies.

Pour Christophe Pampoulie, cette guerre du maquereau montre bien à quel point les changements climatiques prennent tout le monde par surprise.

« Politiciens et chercheurs ne sont pas prêts à faire face aux conséquences des bouleversements climatiques sur les pêches. Pour l’instant, nous ne sommes qu’en réaction. » CHRISTOPHE PAMPOULIE, DE L’INSTITUT DE RECHERCHE MARINE DE REYKJAVIK, EN ISLANDE

 

 

Un texte de Gilbert Bégin / LA SEMAINE VERTE