Le poids du transport sur les îles de la Madeleine

Publicité

Articles similaires

Démission du conseiller de Grande-Entrée Gaétan Richard

Le conseiller municipal de Grande-Entrée Gaétan Richard quitte ses...

Le homard américain ne migre pas vers le Canada

Les fortes quantités de homard enregistrées depuis quelques années...

Une seconde soirée mouvementée autour de la Passe Archipel

Bien qu’elle fût omniprésente, la question de la Passe...

Des touristes pensent payer volontairement la Passe Archipel

Les personnes qui visitent les Îles-de-la-Madeleine cette année ne...

En plein coeur du golfe Saint-Laurent, à plus de 1000 kilomètres des grands centres urbains du Québec, les îles de la Madeleine semblent parfois coupées du monde. Elles sont pourtant desservies en transport. Mais entre le prix exorbitant des billets d’avion et du traversier, les vastes distances à parcourir et les caprices météorologiques, le caractère insulaire — si cher aux Madelinots — est, par moments, difficile à porter.

Stéphanie Arseneau Bussières a passé presque tous les étés de sa vie aux îles de la Madeleine. Il y a quelques années, sa famille et elle ont décidé d’y poser leurs valises pour de bon. De Madelinienne estivale, elle est devenue une insulaire quatre saisons. Cela aura duré dix ans. Depuis, ils partagent leur temps entre les dunes des Îles et les rues de Stockholm, en Suède. Depuis son départ, son budget de transport a fondu, la famille n’ayant qu’une voiture et se déplaçant surtout à vélo.

 
« Aux Îles, c’était possible, mais beaucoup plus difficile, se souvient l’enseignante. Les ménages ont souvent plusieurs véhicules, tout le monde se déplace comme ça, même ceux qui n’en ont pas ! Ici, “faire du pouce” est un vrai moyen de transport. En trois minutes, c’est presque certain que tu trouves quelqu’un pour t’embarquer. » En raison de la forte motorisation de la région, se rendre d’un village à l’autre n’est pas difficile. Il suffit de suivre la route. Même l’hiver, alors que le sable cède sa place à un épais tapis de neige, la plupart des secteurs demeurent faciles d’accès.

 Options restreintes

C’est quand vient le temps de sortir de l’archipel que le caractère insulaire du territoire — et l’isolement qui vient avec — prend tout son sens, aucune route ne reliant directement les Îles aux villes et villages du continent. « Pour quitter les Îles, nous n’avons pas tellement de choix, note Jonathan Lapierre, maire des Îles-de-la-Madeleine depuis 2013. Ici, c’est soit le bateau, soit l’avion. » Deux modes de transport relativement coûteux qui demeurent, malgré les avancées technologiques, assujettis aux aléas de la météo. « Des avions qui ne décollent pas à cause du vent ou de la neige, ça arrive, laisse tomber l’homme politique. Avec le temps, on apprend à composer avec ce genre de choses. On devient plus prévoyants. »

Depuis quelques années, le conseil municipal demande toutefois à NAV CANADA, la société responsable de la gestion du trafic aérien, de revoir les types d’approches permis pour atterrir aux Îles. « Il existe des techniques et des instruments qui réduiraient de beaucoup l’impact des éléments météorologiques », explique Jonathan Lapierre. Les négociations étant en cours depuis déjà un moment, le maire a bon espoir de voir ces nouvelles normes mises en place à compter du printemps prochain.

« Aux Îles, on apprend à ne pas être pressé, lance en riant Yoanis Menge. Il ne faut pas partir la veille d’un rendez-vous, parce qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver. »Né d’une mère madelinienne, le photographe professionnel s’est installé aux Îles avec sa conjointe et leurs deux enfants il y a six ans. Avec le temps, explique-t-il, les résidants des Îles apprennent à moduler leurs horaires en fonction de celui-ci — toujours un peu imprécis — et des modes de transport. Ces derniers deviennent les éléments centraux autour desquels le reste gravite. Et quand ce n’est pas la météo, ajoute-t-il avec un léger soupir, ce sont les nombreux touristes qui, en prenant presque toutes les places à bord du traversier, empêchent les Madelinots de partir.

Budget transport

En raison de son travail, Yoanis Menge doit toutefois quitter l’archipel une bonne dizaine de fois chaque année. « Pour moi, ce ne sont pas les horaires qui sont un problème puisque, comme travailleur autonome, j’ai beaucoup de flexibilité. Mais à la longue, ça finit par coûter cher, très cher. » Le bateau est encore l’option la plus profitable, mais il faut être prêt à faire beaucoup de route une fois la « grande terre »rejointe puisque le traversier dépose ses passagers à Souris, sur la côte de l’Île-du-Prince-Édouard.

Par la voie des airs, il est possible, en basse saison, de s’en sortir pour moins de 1000 $, ce qui est tout de même parfois le double de ce qu’il faut débourser pour s’envoler vers Paris en partance de Montréal au cours de la même période. Ce n’est toutefois rien comparé aux prix affichés durant la saison estivale, les billets aller-retour frôlant alors parfois les 1600 $.

Ces prix élevés s’expliquent notamment par le nombre restreint de compagnies aériennes qui desservent ces régions éloignées. Et vu les grandes distances à parcourir et la faible densité de population, les transporteurs sont presque obligés de multiplier les arrêts entre les différentes destinations pour remplir les avions. « Nous ne sommes pas beaucoup à offrir ces services, alors à chaque fois qu’on se pose quelque part, on doit payer en partie les infrastructures qui nous accueillent, explique Yani Gagnon, chef de la direction financière chez PasCan, le principal transporteur aérien aux Îles. C’est ce qui justifie nos prix élevés, nous n’avons pas les moyens d’être compétitifs. »

Le sommet sur le transport aérien régional annoncé par le gouvernement du Québec en juillet et qui devrait se tenir au printemps 2017 laisse toutefois entrevoir à la compagnie — et aux élus madelinots — de meilleurs jours pour la desserte aérienne des régions isolées.

« Je connais des gens qui n’ont tout simplement pas les moyens de quitter les îles de la Madeleine, ils sont prisonniers de l’archipel, affirme le photographe avec sérieux. À long terme, ça devient vraiment difficile parce qu’on a beau aimer les Îles, notre qualité de vie là-bas dépend un peu de notre capacité à pouvoir faire des sauts de temps en temps sur le continent. »

 

LA UNE : Photo: Alexandre Shields Le Devoir / C’est quand vient le temps de sortir de l’archipel que le caractère insulaire du territoire — et l’isolement qui vient avec — prend tout son sens, aucune route ne reliant directement les Îles aux villes et villages du continent.