La chasse scientifique aux phoques gris qui s’est déroulée la semaine dernière à l’îlot rocheux du Corps-Mort, au large des Îles-de-la-Madeleine, a permis de prélever des échantillons sur 16 animaux.
Pierre-Yves Daoust, pathologiste de la faune au Collège vétérinaire de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, est satisfait des résultats de cette première et unique sortie. « Nous avons pu prélever des échantillons principalement sur des animaux adultes, ce qui, de ma perspective, est meilleur que des plus jeunes animaux parce qu’ils ont eu plus de chances d’être exposés à des pathogènes et des contaminants », explique le chercheur.
La récolte représente tout de même une petite fraction de ce que Pierre-Yves Daoust souhaitait. Le pathologiste estime qu’il lui faudrait obtenir des échantillons d’une trentaine de bêtes pour que son étude soit concluante.
Jusqu’à maintenant, le vétérinaire a réussi à collecter des prélèvements sur un total de 23 phoques.
Initialement, la chasse expérimentale devait se faire à l’île Brion. Les chasseurs madelinots prévoyaient faire cinq sorties afin de recueillir un minimum de 90 animaux.
Le projet a été refusé par le ministère de l’Environnement en raison du statut de réserve écologique de l’île. Gil Thériault, directeur de l’Association des chasseurs de phoques intra-Québec, se dit aussi satisfait de la récolte. « On a été chercher beaucoup de renseignements. On est plus en mesure de voir ce qu’est la réalité. C’est là qu’on a beaucoup appris. »
Pour développer l’industrie du phoque
Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec finance cette étude qui servira notamment à déterminer si la viande de phoque gris peut être consommée et commercialisée sans danger. « Il n’y a aucun doute, précise M. Daoust, que cela pourrait être une viande de très bonne qualité, mais il faut s’assurer qu’elle soit récoltée de la meilleure manière possible. »
D’après Pierre-Yves Daoust, une fois que tous les échantillons nécessaires seront recueillis, cela pourrait prendre quelques mois de travail avant de déposer l’étude complète. « Je suis bien conscient que les Madelinots attendent les résultats avec impatience », indique le pathologiste.
L’étude donnera aussi un aperçu de la santé du troupeau et des conditions ou des facteurs qui la perturbent.
Gil Thériault ajoute que l’Association analysera quelle sera la suite de cette chasse.
Phoques gris et phoques du Groenland
D’autres sorties, plus au large des Maritimes, sont prévues, entre autres, pour l’approvisionnement des usines.
La chasse aux phoques du Groenland devrait commencer en mars. Jusqu’à maintenant, la banquise se fait rare autour des Îles.
Les Madelinots notent que, depuis quelques années, le troupeau qui met bas au large de l’archipel est moins nombreux. « Peut-être, avance Gil Thériault, que le phoque gris est en train de prendre la niche dans le golfe, on sait qu’il est plus gros, plus agressif, là où il y a du phoque gris, le phoque du Groenland habituellement n’y va pas. »
La banquise est aussi de moins en moins solide et de plus en plus incertaine. « Le phoque a peut-être pris l’habitude de mettre bas sur la Côte-Nord, où il y a plus régulièrement de la glace et moins dans le golfe », poursuit M. Thériault.
L’île Brion
Quant au statut de l’île Brion, le porte-parole des chasseurs de phoques estime qu’il s’agit d’une question de gestion de territoire qui doit être discutée par la Communauté maritime des Îles-de-la-Madeleine.
C’est aussi, croit M. Thériault, un dossier qui relève des associations de pêcheurs en raison de la croissance du troupeau de phoques gris ciblés comme un prédateur important de certains poissons et crustacés.
« C’est certain, analyse par contre Gil Thériault, que cela reste un dossier important pour le développement de l’industrie du phoque aux Îles, mais s’il y a 10 000 phoques sur l’île Brion et 100 000 ailleurs dans le golfe, on peut aller ailleurs. Mais comme on a répété souvent, cela ne montre pas un très bon exemple si on n’est pas capable de chasser sur notre territoire québécois. »
M. Thériault croit que le développement de l’industrie du phoque pourrait être concilié avec la protection de l’environnement. La chasse contrôlée, fait-il valoir, est aussi un outil de gestion et de protection des espèces.
Un texte de Joane Bérubé
LA UNE : Un phoque gris Photo : Université Dalhousie/Jarrett Corke