La vie de camionneur de plus en plus compliquée au Nouveau-Brunswick

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Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a annoncé récemment de nouvelles exigences d’auto-isolement pour les voyageurs entrant dans la province. Alors que plusieurs médias ont rapporté le mécontentement des camionneurs et autres travailleurs transfrontaliers, peu de gens savent à quel point la pandémie a complètement changé ces métiers. Un camionneur du Sud-Est du Nouveau-Brunswick nous a raconté son expérience.

Richard Hébert, un camionneur originaire de Saint-Louis-de-Kent, compte plus de 30 ans d’expérience dans le domaine. Il explique d’abord que pandémie ou non, les camionneurs ne sortent pas souvent de leur véhicule lors des heures de travail.

«On dort dans nos camions, on mange aussi dans nos camions. Les seules choses qu’on utilise à l’extérieur du truck, c’est les douches du Truck Stop, si c’est ouvert. On est partis de quatre à sept jours, et parfois même 10 jours, et on passe plus de 95 % du temps dans nos camions», raconte Richard Hébert.

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IJL_Camionneurs et COVID-19_Intérieur camion_Cr. Jacob – Flickr : La plupart des cabines de camion ont au moins un lit afin que le travailleur puisse se reposer pendant les longs voyages. (Crédit : Jacob – Flickr) https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/

Les toilettes devenues inaccessibles

Ces virées à l’extérieur du camion sont devenues encore plus rares depuis le début de la pandémie, en mars 2020.

Du jour au lendemain, les quelques endroits qui étaient utilisés par les camionneurs sont devenus inaccessibles en raison des restrictions sanitaires.

«Quand tu as des voyages qui sont pressants, t’essaies de faire de ton mieux, mais les Truck Stops n’étaient pas ouvert, les douches non plus. Si on voulait aller à la salle de bain, on ne pouvait pas parce que les endroits publics ne laissaient pas les citoyens utiliser leurs toilettes», relate Richard Hébert.

Il ajoute même qu’il a dû uriner dans un contenant de lave-vitre à quelques reprises puisqu’aucune salle de bain n’était accessible.

Les livraisons sont aussi devenues plus compliquées en raison des restrictions sanitaires, qui interdisent tout contact.

Hébert raconte comment se déroule désormais une livraison typique : lors du chargement de sa remorque, il demeure dans son camion sans jamais sortir. Les papiers en lien avec cette livraison sont également dans la remorque, ce qui assure l’aspect «sans contact» de ce chargement.

Par la suite, il se rend à Toronto pour livrer les produits. Il reçoit un appel quelques minutes avant son arrivée afin de connaître le quai de chargement devant lequel il doit se stationner. À son arrivée, quelqu’un se charge de vider le camion, et encore une fois il ne voit jamais personne.

Ces mesures strictes sont mises en place en raison du nombre élevé d’occasions où les camionneurs traversent les frontières interprovinciales ou celle avec les États-Unis.

«J’ai tout l’équipement de désinfection nécessaire dans mon camion. J’ai même des gants pour toucher les papiers de mes commandes et chargements», défend le camionneur.

Le gouvernement provincial sévit

Le vendredi 23 avril dernier, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a annoncé que toute personne revenant dans la province devrait désormais s’auto-isoler pendant au moins sept jours dans un hôtel désigné, à ses propres frais.

Le lendemain, le gouvernement a précisé en quoi ces nouvelles règles affecteraient les camionneurs et navetteurs : ils pourront continuer de travailler et rester avec leur famille, mais pas se rendre ailleurs, sauf pour se procurer des produits essentiels par des moyens sans contacts.

Les camionneurs ont rapidement fait savoir leur mécontentement par rapport à ces nouvelles règles, certains allant même jusqu’à manifester le dimanche 25 avril sur l’autoroute 2, à Aulac.

Jean-Marc Picard, directeur général de l’Association du camionnage des provinces de l’Atlantique (APTA), a fait une tournée des médias afin de discuter de la situation.

«C’est vraiment la nouvelle de vendredi qui n’a pas été bien reçue par l’industrie, nous n’avions pas été consultés à la base. C’était mêlant dès le départ. On parlait de 14 jours, ce qui n’a pas de sens dans la profession de camionneur. Finalement, ce n’est pas 14 jours, mais plutôt le temps qu’on passe à la maison», a expliqué le directeur en entrevue sur les ondes de Radio Beauséjour.

«C’est clair que les camionneurs s’isolent d’avance, se protègent, ils sont nerveux aussi. Ils voyagent beaucoup, ils transportent nos biens et nos produits. Mais il y a eu des variants du virus, les cas ont augmenté et le gouvernement a peur que cela se propage avec les gens qui voyagent. Nous, on fait partie de ce groupe-là, donc on est ciblés», observe Jean-Marc Picard.

En tant que membre de l’APTA, Richard Hébert indique apprécier le travail réalisé par M. Picard pour défendre les droits des camionneurs : «Je lève mon chapeau à Jean-Marc, il a une grande responsabilité. Tout ce qui concerne au camionnage et tous les problèmes qu’on a, ça lui tombe tout sur les épaules.»

Le gouvernement provincial prévoit que les mesures additionnelles seront mises en place pour une période d’environ un mois afin de réduire la propagation du virus, d’éviter de surcharger le système de soins de santé ainsi que pour s’assurer que la province demeure en phase d’alerte jaune.

À noter que selon Jean-Marc Picard, environ 2000 des 3000 camionneurs de l’APTA ont été vaccinés jusqu’à maintenant.

Une vie qui requiert de nombreux sacrifices

Plus que jamais depuis le début de la pandémie, il est important que les camionneurs aient tout le nécessaire à bord pour éviter de sortir autant que possible.

La plupart des cabines de camion ont au moins un lit afin que le travailleur puisse se reposer pendant les longs voyages : «Moi, j’ai une grande cabine avec deux lits et les choses nécessaires pour vivre dedans, comme un frigo. On doit acheter nous-mêmes le reste, comme un four micro-ondes et d’autres choses comme ça. Ce n’est pas tout le monde qui a ce genre de cabine, mais la majorité a cet équipement-là», témoigne Richard Hébert.

Pour les plus longs voyages, les camionneurs travaillent parfois en équipe, si bien que plusieurs camions sont équipés d’«un lit large en bas et un petit bunk bed en haut […] Il y a des voyages pour du poisson, de la viande qui vont en Floride et il faut rouler 24 heures par jour, alors il y a deux camionneurs pour permettre de se reposer», indique encore le camionneur.

Cette vie comporte son lot de sacrifices. Richard Hébert raconte qu’au fil des ans, il n’a pas été aussi présent qu’il l’aurait aimé auprès de sa famille : «Moi par exemple, ça arrive que je voie juste ma femme le dimanche. Là, je me prépare à partir pour 13-14 jours. C’est un peu une prison sur roues, qu’on appelle», ajoute le camionneur.

Cependant, dans son domaine, ce sont des sacrifices nécessaires si l’on veut continuer «d’amener du pain sur la table», comme il le dit lui-même.

Richard Hébert indique aussi que le partage de la route peut être difficile lorsqu’on est camionneur. Lui-même parle à beaucoup de gens et entend souvent les mêmes critiques, qui ne sont pas nécessairement fondées selon lui : plusieurs affirment par exemple que les poids lourds roulent à de trop grandes vitesses, ce qui les rend dangereux. C’est impossible selon le camionneur puisque les camions sont barrés à 105 km/h, justement pour ne pas faire d’excès de vitesse.

 

LA UNE : IJL_Camionneurs et COVID-19_Camion Richard Hébert_Cr. Courtoisie Richard Hébert : Richard Hébert passe plus de 95% du temps passé sur la route à l’intérieur de son camion. (Crédit : Courtoisie Richard Hébert)
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Steve Legault | Initiative de journalisme local – APF – Atlantique – Le Moniteur Acadien