Une épée de Damoclès sur les pêcheurs d’appâts des Îles-de-la-Madeleine

Publicité

Articles similaires

Les équipements de Total Océan resteront dans l’archipel

Le Centre collégial de transfert technologique (CCTT) de Saint-Félicien,...

Le CISSS des Îles n’abandonne pas son projet de logements

Le Centre intégré de santé et de services sociaux...

L’ancien porte-parole de la SQ Claude Doiron subira un procès

L’enquête préliminaire de l’ancien porte-parole de la Sûreté du...

Pêche à l’appât du maquereau : « On est oubliés », disent les pélagiques

Après l’annonce par Pêches et Océans Canada de la réouverture...

Le Regroupement des pêcheurs d’appâts des Îles-de-la-Madeleine craint que Pêches et Océans imposent un moratoire sur leur pêche comme ce fut le cas pour les pêcheurs de harengs et de maquereaux au printemps dernier en Gaspésie.

Pêches et Océans estiment que les populations de plie rouge et de limande à queue jaune sont en forte décroissance, ce qui inquiète les pêcheurs.

Ils dénoncent le manque de transparence de Pêches et Océans quant à l’avenir de leur gagne-pain

Ce petit groupe de pêcheurs, ils sont huit, détient des allocations de plie rouge et de limande à queue jaune, deux espèces qui servent d’appât pour la pêche au homard.

Les pêcheurs, indique le président du Regroupement des pêcheurs d’appât des Îles-de-la-Madeleine, Jean-Bernard Bourgeois, ne veulent pas de moratoire, mais simplement continuer à pêcher. La pêche aux appâts constitue l’essentiel de leurs revenus. La plupart ne détiennent que ce permis.

C’est d’ailleurs au large des îles que les deux poissons, qui aiment les fonds sablonneux, sont les plus pêchés. Depuis 2009, 75 % des débarquements de plies rouges, puis quasiment 100 % des débarquements de limandes proviennent des îles , rapporte le biologiste en sciences aquatiques de Pêches et Océans Canada, François-Étienne Sylvain.

Une autre crainte des pêcheurs est que les allocations deviennent si minuscules que la pêche ne puisse plus être rentable. Les quotas ont été par contre à la baisse au cours des trois dernières années.

Selon M. Bourgeois, le quota de limande à queues jaunes dans notre zone est passé de 300 t à 225 t en 2016. Ensuite, il a changé en 2020 pour 150 t.  Le quota de plie rouge était de 300 t et depuis le 14 mai 2022 il est de 150 t.

Les pêcheurs croient que les stocks peuvent encore soutenir les huit permis madelinots qui demeurent autorisés.

Jean Bernard Bourgeois rappelle qu’il y a une quinzaine d’années, de 2007 à 2009, le MPO a autorisé 125 homardiers des Îles à pêcher la plie rouge et la limande à queue jaune. C’est près de 500 coups de drague qui ont été faits autour des îles. Ça a détruit considérablement notre ressource , commente M. Bourgeois.

Les pêcheurs du Regroupement ont tous intégré la pêche aux appâts à partir de 2009. Le dernier à se joindre au groupe a acheté son permis l’an dernier, en étant convaincu de la pérennité des activités.

Pas de surpêche

La gestion des pêches du ministère n’était pas disponible pour confirmer ou infirmer les appréhensions des pêcheurs. Elles trouvent toutefois écho dans l’analyse que font les biologistes du MPO.

pour la plie rouge et 2009pour la limande. Le point de référence limite, c’est l'état d'un stock au-dessous duquel celui-ci risque de subir de graves dommages et qu'il y ait des répercussions sur l'écosystème au complet (…) ainsi qu'une diminution à long terme des possibilités de pêche ","text":"Les deux stocks sous le point de référence limite, donc depuis 2006pour la plie rouge et 2009pour la limande. Le point de référence limite, c’est l'état d'un stock au-dessous duquel celui-ci risque de subir de graves dommages et qu'il y ait des répercussions sur l'écosystème au complet (…) ainsi qu'une diminution à long terme des possibilités de pêche "}}">Les deux stocks sous le point de référence limite, donc depuis 2006 pour la plie rouge et 2009 pour la limande. Le point de référence limite, c’est l’état d’un stock au-dessous duquel celui-ci risque de subir de graves dommages et qu’il y ait des répercussions sur l’écosystème au complet (…) ainsi qu’une diminution à long terme des possibilités de pêche , commente le biologiste de Pêches et Océans Canada, François-Étienne Sylvain.

Capture d’écran 2022-11-03 à 15.40.02

Les évaluations complètes des populations de plies rouges et de limandes sont réalisées chaque cinq ans et une mise à jour intérimaire des indices d’abondance est publiée chaque deux ans.

Dans le cas de la plie rouge, la dernière évaluation des stocks remonte à 2017. Elle a été suivie de deux mises à jour en 2019 et 2021.

Dans sa dernière mise à jour, le MPO précise que lorsqu’un stock est inférieur au point de référence limite (PRL), les prélèvements par toutes les sources humaines doivent être maintenus au niveau le plus bas possible .

Le MPO admet par contre que la mortalité par la pêche représente une très faible proportion de la mortalité totale de la plie dans le sud du golfe du Saint-Laurent.

Un plan de rétablissement est en cours d’élaboration et devrait être publié en 2022.

Quant à l’état de la population de limande à queue jaune, il a fait l’objet d’une évaluation complète en 2021.

Dans son rapport, la division des sciences du MPO indique que la probabilité que le stock demeure inférieur au point de référence limite pendant la période de projection allant jusqu’à 2030 était estimée à 100 % pour toutes les années et tous les niveaux de prises de 0 à 300 t. Le niveau de population estimé pour 2030 était d’environ 20 % du point de référence limite .

Les scientifiques estiment que les prises soient de 100 ou 300 t, elles auront une incidence négligeable sur la trajectoire de la population de limande.

Ce serait la hausse de la mortalité naturelle qui est le facteur ayant le plus d’incidence négative sur l’abondance.

Une cause avec des dents

Au cours des dernières années, les scientifiques rapportent que la taille des poissons matures a beaucoup diminué. % dans les années70, alors que maintenant il se situe plus autour de 30%. Puis c'est la même chose pour la limande, le pourcentage de limande supérieur à 25cm est passé d'environ 80% dans les années 70 et 80 à environ 20% aujourd'hui. ","text":"Le pourcentage de plie rouge de plus de 25 cm était d'environ 85% dans les années70, alors que maintenant il se situe plus autour de 30%. Puis c'est la même chose pour la limande, le pourcentage de limande supérieur à 25cm est passé d'environ 80% dans les années 70 et 80 à environ 20% aujourd'hui. "}}">Le pourcentage de plie rouge de plus de 25 cm était d’environ 85 % dans les années 70, alors que maintenant il se situe plus autour de 30 %. Puis c’est la même chose pour la limande, le pourcentage de limande supérieur à 25 cm est passé d’environ 80 % dans les années 70 et 80 à environ 20 % aujourd’hui. 

Cette baisse de la taille des poissons a eu un impact direct sur la reproduction. Ça veut dire que les poissons matures sont de plus en plus petits et des poissons plus petits produisent beaucoup moins d’œufs , explique le biologiste.

La population de reproducteurs est devenue moins importante. à90, soit autour de 350 t, puis là maintenant, les estimés ont chuté autour de 75t ","text":"Par exemple, pour la plie rouge, les estimés du stock reproducteur étaient très élevés dans les années 70à90, soit autour de 350 t, puis là maintenant, les estimés ont chuté autour de 75t "}}">Par exemple, pour la plie rouge, les estimés du stock reproducteur étaient très élevés dans les années 70 à 90, soit autour de 350 t, puis là maintenant, les estimés ont chuté autour de 75 t , souligne François-Étienne Sylvain.

Capture d’écran 2022-11-03 à 15.40.12

Dans les deux cas, limande et plie, les scientifiques du MPO indiquent que ce n’est pas la pêche qui déstructure la population.

Bien que plusieurs causes puissent être en jeu pour expliquer la dégradation des stocks, dont les changements climatiques, le biologiste du ministère attribue principalement le déclin des deux espèces à la prédation par le phoque gris. 

Parmi les principaux indices, la diminution de la taille des poissons : On sait que les phoques chassent préférentiellement les plus gros individus.  Et une distribution différente : On a observé, détaille François-Étienne Sylvain, qu’il y a un changement de la profondeur à laquelle on retrouve ces espèces-là, donc maintenant elles fréquentent des fonds qui sont de plus en plus profonds, là où elles sont plus difficilement accessibles aux phoques. 

Une autre vision

Le Regroupement s’interroge sur l’évaluation du ministère qui ne correspond pas à la réalité en mer, selon le président du Regroupement des pêcheurs d’appât des Îles-de-la-Madeleine. De notre côté, ça ne colle pas avec les chiffres du MPO. On ne voit pas le déclin, au contraire , observe Jean-Bernard Bourgeois.

Les pêcheurs, dit-il, ont même enregistré une hausse de 15,5 % de leurs prises entre 2021 et 2021. C’est énorme , commente M. Bourgeois. L’organisation évalue que la dernière saison a généré des retombées 2,2 millions de dollars dans l’archipel.

Toutefois, peu importe la cause qui a mené les deux poissons au déclin, les mesures de gestion du MPO doivent favoriser la croissance de la population, ce qui risque d’avoir des conséquences pour les pêcheurs.

Ces derniers ont déjà mis en place des mesures volontaires pour améliorer la gestion de leur pêche. Depuis quatre ans, ils mesurent chacune de leurs prises et relâchent les petits poissons. Ils ont aussi, l’an dernier, réduit leurs heures de pêche et, à cette fin, cessé la pêche de nuit.

LA UNE : Le groupe de huit pêcheurs déplorent le manque de transparence de Pêches et Océans (photo d’archives). PHOTO : RADIO-CANADA / JEAN-FRANÇOIS DESCHÊNES
PAR Joane Bérubé