Analyse | Des traversiers achetés ou empruntés à gauche et à droite pour l’Atlantique

Articles similaires

Le récit d’une infirmière auxiliaire des Îles-de-la-Madeleine

Au Québec, 30 000 personnes ont choisi cette profession....

La cuisson du homard

  Faites bouillir de l'eau ( 1 pouces au fond de...

Le printemps, la saison préférée des amateurs d’ornithologie

Au printemps, grands hérons, macreuses à bec jaune ou...

Dans les provinces de l’Atlantique, les traversiers sont le prolongement des autoroutes. Ces navires font partie de la culture et du développement économique de la région depuis plus d’un siècle. Mais ils sont en nombre insuffisant pour maintenir un service fiable.

Les exploitants des traversiers interprovinciaux de l’Atlantique sont confrontés à un problème de taille. Leurs navires, qui sont la propriété du gouvernement fédéral, prennent de l’âge et sont plus susceptibles de se retrouver sur la touche.

Capture d’écran, le 2023-12-02 à 09.25.22

Lorsque cela se produit, ou même s’il s’agit d’un entretien de routine, le service en souffre. Il n’y a pas toujours de plan B à portée de main.

Le mois dernier, Transports Canada a envisagé sérieusement la possibilité de redéployer le NM Fundy Rose de son itinéraire habituel entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick vers la liaison entre l’Île-du-Prince-Édouard et les Îles-de-la-Madeleine.

Passage obligatoire en cale sèche

Le traversier madelinot, le NM Madeleine II, doit entrer en cale sèche pendant plusieurs semaines au printemps prochain. C’est un exercice obligatoire tous les trois ou quatre ans pour assurer le bon état du navire. Pendant ce temps, le service doit être maintenu.

Le hic, c’est qu’il ne semble pas y avoir de traversier de relève en Atlantique capable d’assurer cette liaison.

Le ministre fédéral des Transports, Pablo Rodriguez, a finalement pris la décision de ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. La baie de Fundy garde son traversier. Il faut maintenant trouver une autre solution pour l’archipel québécois.

Dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, la première option envisagée par Ottawa n’était tout simplement pas acceptable. Il n’était pas question de se passer du NM Fundy Rose.

C’est complètement fou qu’on prenne notre traversier pour le mettre là, a réagi avec ahurissement le député conservateur fédéral Chris d’Entremont, qui représente la région acadienne. ?","text":"Pourquoi n’a-t-on pas de traversier qu’on pourrait utiliser comme un remplacement?"}} »>Pourquoi n’a-t-on pas de traversier qu’on pourrait utiliser comme un remplacement ?

Des propriétaires d’entreprises de transport du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse se sont aussi inquiétés. Sans le NM Fundy Rose, les camionneurs auraient dû emprunter un détour de plusieurs heures pour se rendre dans les États de la Nouvelle-Angleterre. Et dans la langue des affaires, du temps, c’est de l’argent.

Capture d’écran, le 2023-12-02 à 09.26.08

Au chapitre des traversiers, l’Atlantique a cependant l’habitude des solutions temporaires.

Lorsque l’ancien traversier entre l’Île-du-Prince-Édouard et les Îles-de-la-Madeleine est arrivé à la fin de sa vie utile, Ottawa a fait l’acquisition d’un traversier espagnol pour maintenir le service exploité par la Coopérative de transport maritime et aérien (CTMA) en attendant la construction d’un nouveau navire.

Le NM Villa de Teror est ainsi devenu le NM Madeleine II.

Capture d’écran, le 2023-12-02 à 09.26.18

Ottawa vient aussi d’acheter un autre traversier d’occasion européen, le NM Fanafjord, afin d’assurer, avec le NM Confédération, un service à deux navires entre la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard durant la haute saison touristique.

Il s’agit, encore une fois, d’un pansement par-dessus un pansement.

Depuis l’incendie qui a mis fin à la longue carrière de NM Holiday Island, l’an dernier, l’exploitant Northumberland Ferries Limited empruntait déjà un navire de relève de la Société des traversiers du Québec, le NM Saaremaa 1, pour compléter son duo estival.

Capture d’écran, le 2023-12-02 à 09.26.29

Le NM Holiday Island n’en était pas, non plus, à ses premiers ennuis de santé lorsqu’un feu dans la salle des machines lui a donné le coup de grâce. Déjà en 2016, le vieux traversier avait passé presque tout l’été en cale sèche en raison de graves problèmes de corrosion.

Dès lors, des élus et des commerçants de l’Île-du-Prince-Édouard n’ont cessé de réclamer haut et fort un engagement du gouvernement fédéral dans un service fiable de traversier.

Un modèle d’affaires qui a fait long feu

Ottawa a d’abord tenté d’apaiser les craintes en proposant un nouveau modèle d’affaires qui aurait exigé des exploitants qu’ils deviennent propriétaires de navires plus récents. Le plan, qui semblait venu de nulle part, a finalement été abandonné sans tambour ni trompette.

Ce n’est qu’en 2019 que le fédéral a confié au chantier naval Davie, au Québec, la construction de deux nouveaux traversiers interprovinciaux pour l’est du pays : l’un pour Northumberland Ferries Limited, l’autre pour la CTMA.

Ces nouveaux traversiers ne prendront cependant pas la mer avant 2028 au plus tôt. Les NM Fanafjord et NM Madeleine II devront donc tenir le coup, sans bris majeur, pour au moins les cinq prochaines années.

Capture d’écran, le 2023-12-02 à 09.26.39

Le ministre fédéral néo-écossais Sean Fraser le répète depuis des mois. L’objectif, dit-il, est d’offrir un service fiable pour soutenir les voyageurs mais aussi les entreprises qui dépendent de ces liaisons. Son collègue Lawrence MacAulay, élu depuis 1988 à l’Île-du-Prince-Édouard, tient un discours semblable depuis encore plus longtemps.

Mais depuis 30 ans, le gouvernement fédéral donne plutôt l’impression de jongler avec la fiabilité des traversiers interprovinciaux en Atlantique. Il a attendu que des navires, comme le NM Holiday Island, soient sur le point de rendre l’âme pour en commander de nouveaux.

Puis, il a dû se rabattre sur des traversiers achetés ou empruntés à gauche et à droite pour maintenir ne serait-ce qu’un service de base.

Un traversier de relève pour l’Atlantique ?

Pendant tout ce temps, rappelons que des entreprises, comme le chantier Davie, ont souvent cogné à la porte d’Ottawa pour demander davantage de contrats.

Avec le passage en cale sèche du NM Madeleine II, les lacunes de la flotte de traversiers de l’Atlantique n’ont rarement été aussi évidentes.

Au Québec, ce sont les problèmes récurrents du NM F.-A.-Gauthier qui ont mené à l’achat du NM Saaremaa 1 comme traversier de relève. Rien ne semble encore avoir convaincu le gouvernement fédéral d’en faire autant.

LA UNE : Le traversier Madeleine II, qui effectue la liaison entre l’Île-du-Prince-Édouard et les Îles-de-la-Madeleine, peut transporter 1500 passagers et plus de 300 véhicules, selon le transporteur CTMA Traversier. PHOTO : RADIO-CANADA / SHANE HENNESSEY

PAR François Pierre Dufault