L’érosion du paysage, à vol d’oiseau

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Le photographe aérien Pierre Lahoud s’inquiète de la transformation du Québec

Depuis 1975 que Pierre Lahoud sillonne les cieux du Québec, son appareil photo à l’oeil, afin de capturer, à vol d’oiseau, nos paysages. Ses clichés ont été publiés dans de nombreux ouvrages (La Gaspésie vue du ciel ; Québec, une capitale vue du ciel ; Le Québec vu du ciel ; tous avec Henri Dorion, aux éditions de l’Homme). « Je photographie le Québec de mon aéroplane depuis maintenant 40 ans, s’emportait récemment l’homme sur les réseaux sociaux, mais je n’ai jamais vu autant de changements dans le paysage que depuis les dix dernières années. […] Et dire qu’il y en a encore qui ne croient pas au réchauffement de la planète. » Discussion avec un observateur de haut vol.
 
J’ai vu des phares déménagés (à Bassin, aux îles de la Madeleine) parce qu’à la veille d’être engloutis, des voies ferrées abandonnées parce que trop proches de la falaise, des morceaux de forêt qui s’effondrent dans le fleuve et même, comble de malheur, des cimetières et des stèles qui retournent à l’eau », poursuivait Pierre Lahoud sur sa page Facebook.

C’est en 2006, il y a dix ans, que l’historien de formation a commencé à remarquer les transformations du paysage. M. Lahoud menait alors un projet de comparaisons photographiques. Sur les traces de Jacques de Lesseps (1883-1927), il reprenait, façon contemporaine, les clichés de la Gaspésie pris en 1928 par ce pionnier français de l’aviation. De 1926 à 1928, de Lesseps photographia la Gaspésie pour la Compagnie aérienne française canadienne, couvrant ses 80 000 km2 et prenant quelque 1000 photos. Il aurait été le premier à survoler la Gaspésie.

« J’avais choisi 300 photos que je voulais refaire afin de voir comment le paysage avait changé, explique Pierre Lahoud. Et je me suis aperçu que les rives n’étaient plus les mêmes. Parfois, je devais m’ajuster, me repérer sur les montagnes de l’arrière-plan tellement elles étaient modifiées. C’est là que je me suis rendu compte que l’érosion était importante. Ensuite, en travaillant à mon livre sur la Gaspésie, j’ai vu des bouts de voies ferrées sur le bord d’une falaise quasiment en train de s’écrouler. J’ai été vraiment interloqué. »

En Gaspésie, note le photographe, l’avancée de la forêt est maintenant témoin et symptôme de l’exode urbain, les arbres regagnant le terrain des anciennes terres agricoles.

L’horizon à l’eau

Ce que Pierre Lahoud trouve le plus triste, c’est l’altération du littoral. « Les gens l’ont habité depuis toujours, depuis la création de la Nouvelle-France », surligne celui qui s’investit également dans la défense du patrimoine. Et c’est le long des rives, selon lui, que se manifeste le plus clairement l’érosion. « Sur la Côte-Nord, il y a des falaises qui sont carrément en train de tomber dans l’eau, et la forêt qui s’avance et s’avance et s’avance jusqu’au bord, qui semble à veille de s’enfoncer. C’est assez dramatique. Et ça coupe le souffle de voir à quel point ça évolue vite. Et je ne vous parle pas des déversements acides des minières en Abitibi, ni de ceux de bauxite au Saguenay, ni des lacs de produits chimiques aux environs de Sept-Îles, qui sont d’une horreur sans bon sens… »

La conscience écologique de Pierre Lahoud est ainsi née de sa fréquentation des airs, lui qui regardait d’abord du ciel le Québec avec un intérêt historique. Il rejoint Yann Arthus-Bertrand, photographe devenu célèbre par le succès de son livre La terre vue du ciel (La Martinière) et désormais militant écologique. C’est que vu des airs, estime monsieur Lahoud, on ne peut plus se faire croire qu’en ce qui concerne l’environnement, « tout va bien, madame la Marquise. »

Paysage et patrimoine

Et de bonnes nouvelles, dans cette nature morte en devenir ? Les villes, contrairement au milieu rural, s’améliorent. « Québec est un bel exemple : on y a verdi des stationnements, par exemple, et construit l’exceptionnelle promenade Samuel-De Champlain. À Rimouski, on trouve maintenant cette immense promenade en bord de mer qui donne accès au paysage. Pour se préoccuper des paysages, les municipalités doivent avoir de gros moyens. »

Pierre Lahoud estime que les paysages devraient faire partie du patrimoine du Québec, et être protégés. « La beauté augmente la qualité de vie », indique celui qui croit qu’une vue de la nature, même encadrée, a valeur thérapeutique. Au point de proposer ses photos à l’hôpital Laval, et à la maison de soins palliatifs Michel-Sarrazin, afin que les patients puissent se perdre dans ces paysages immortalisés, et y laisser voler leurs derniers regards.

LA UNE : Photo: Pierre LahoudL’érosion des côtes et des berges menace les îles de la Madeleine.