Une passion tardive n’est pas moins passionnante

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«C’est une drôle d’histoire. Je visitais ma voisine, Irène Cormier, qui est une grande tisserande, et je me suis adonnée à lui dire que j’aimerais apprendre le métier pour mon projet de retraite. C’était à la fin de l’année 2016. Alors, elle m’a dit que son mari, Jean, n’utilisait plus son métier, mais qu’il ne voulait pas qu’il soit mis dans une grange, quelque part. Avec mon mari Ernest, on a étudié ça, on a examiné la place qu’on avait et on s’est dit que ça pourrait aller. On a déménagé son gros métier, et j’ai appris avec Irène, que j’appelle Madame Professeure».

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Carmella Richard consulte sa bible, le Hand Weaver’s Pattern Book.

Fidèlement, Irène Cormier a supervisé l’apprentissage de Carmella Richard, étape par étape. Monter le métier, régler le patron et l’enfilage, tout. «Et quand j’avais une pièce de finie, je l’apportais chez Irène et elle me disait ce qu’il fallait corriger. C’est pour ça que mes lisières sont très droites. C’est grâce à elle», dit l’artisane dont la réputation s’agrandit rapidement, grâce aux membres de sa famille et aussi, à Facebook.

Carmella Richard poursuit son apprentissage de façon autonome, en suivant les enseignements de Madame Professeure. Elle note ses résultats, ses essais, les fibres utilisées, la grosseur du fil, le détail du pédalier, de l’enfilage, du patron utilisé. Elle note ses appréciations, ce qui a bien fonctionné, si elle est satisfaite, si elle prévoit des ajustements pour une tentative ultérieure. Son approche est très scientifique.

«J’aime explorer, faire des essais. Ça ne m’intéresse pas vraiment de faire toujours la même chose. J’ai mon livre que j’appelle la bible. C’est le Handweaver’s Pattern Book. Je combine les différents patrons et les différentes fibres, pour différents usages. Par exemple, pour les linges à vaisselle, j’utilise le coton, mais aussi le bambou, qui est une fibre très douce et absorbante. Pour les lavettes à vaisselle, j’utilise le coton bouclé. La texture permet de frotter, sans égratigner. Pour les débarbouillettes et les linges de bain, j’utilise la chenille de coton. C’est doux, doux et très durable», décrit la dame au tempérament d’artiste.

Elle fabrique aussi des foulards, des châles avec des fibres plus luxueuses, des ponchos, toutefois sans couper le tissu. Ce sera son prochain défi. «L’automne dernier, je suis allé donner un coup de main aux dames de Baie-Egmont pour faire les pâtés pour la collecte de fonds pour la paroisse. Une des dames portait ce magnifique petit tablier fait au métier, cousu et doublé avec du coton fleuri. J’ai trouvé cela tellement beau. Je l’ai emprunté et je me suis mise dans la tête d’essayer d’en fabriquer. Ça me rend nerveuse, car je n’ai encore jamais vraiment coupé dans du tissu tissé. Je me suis fait une chaîne de fil blanc, et je vais me lancer. Donnez-moi trois semaines avant de vérifier comment ça s’est passé».

Vendre pour le plaisir

Au départ, Carmella Richard n’avait pas envisagé «d’exporter» ses produits en dehors de la région Évangéline. La Coopérative d’artisanat d’Abram-Village lui suffisait. Mais l’excellente publicité que lui font les membres de sa famille porte fruit. «Je vends beaucoup à Terre-Neuve et Labrador. Une de mes sœurs habite par là et elle montre ce que je fais. Je reçois beaucoup de commandes. Avec les médias sociaux, et le bouche-à-oreille, les gens entendent parler de moi et ils me passent des commandes. C’est toujours plaisant. Je vends aussi dans une petite boutique à O’Leary. J’aimerais, éventuellement avoir une petite boutique à la maison».

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Quelques-uns de ses linges de maison en coton et en bambou. (Photos : J.L.)

Sauvegarder un art menacé d’extinction

Autrefois présent dans de nombreux foyers, le métier à tisser a presque complètement disparu. Au fil des récentes années, un fort pourcentage des personnes qui s’adonnaient à cet art ancestral est décédé ou n’a plus été en mesure de le pratiquer. Carmella Richard est une des seules qui a saisi le flambeau au vol. Elle possède maintenant trois métiers à tisser et tous sont montés. Carmella peut passer de l’un à l’autre sans interruption. Son mari, Ernest, habile au travail du bois, a fait des ajustements à chacun des métiers, entre autres en installant une tête avec une lampe qui tombe directement sur la trame. Très pratique. C’est aussi lui qui a fabriqué l’ourdissoir. «Je n’avais pas de place pour un gros ourdissoir alors il a réfléchi quelque temps et il m’a dit qu’il pourrait m’en faire un. Et il m’en a fabriqué un. Il m’a fabriqué plusieurs petits accessoires pour faciliter mon travail et ajouter au plaisir de faire du métier».

Carmella Richard sera toujours reconnaissante à sa voisine, Irène Cormier, sa «Madame Professeure», de lui avoir montré cet art avec patience. «Quand j’avais suivi mon cours de couture à Holland College, on avait visité la «School of Visual Arts». C’est là que j’ai vu des métiers pour la première fois et depuis, j’avais toujours eu envie d’en faire».

PAR Jacinthe Laforest
LA UNE  : Carmella Richard assise au métier qui lui vient de Jean Cormier. Son mari Ernest lui a installé un espace de rangement au dessus ainsi qu’une lumière.